Littérature / 75e Frankfurter Buchmesse: dix éditeurs luxembourgeois en quête de visibilité
Pour les dix maisons d’édition luxembourgeoises qui participent à l’événement littéraire du mois d’octobre, la Frankfurter Buchmesse représente l’occasion de se faire connaître d’abord, d’espérer faire des affaires ensuite.
Depuis 2018, la littérature luxembourgeoise dispose sans discontinuer d’un stand national à la Frankfurter Buchmesse. Et depuis 2021, elle est abritée sous un stand baptisé „Books from Luxembourg“, financé et organisé par l’office de promotion de la culture luxembourgeoise qu’est Kultur | lx. L’institution fait appel aux éditeurs à travers leur fédération pour leur proposer de soutenir leur participation à la grand-messe en prenant en charge les frais de voyage et d’hébergement. „Nous donnons une plate-forme aux éditeurs pour organiser des rendez-vous, faire du réseautage, présenter leurs nouveautés“, explique le chargé de littérature et édition de Kultur | lx, Brian Bailey. „C’est toujours opportun d’entretenir ses contacts et d’être présent au rendez-vous le plus important pour le secteur du livre, voir ce qui est nouveau, acheter des droits, en vendre.“
Dix maisons d’édition sont convaincues de cette nécessité et seront présentes à la 75e édition de la Frankfurter Buchmesse qui s’ouvre aujourd’hui et se tient jusqu’à dimanche 22 octobre: Black Fountain Press, capybarabooks, Editions Guy Binsfeld, Editions Schortgen, Ernster Editions, Hydre Editions, Kremart Edition, PassaParola Editions, PersPektiv Editions, Point Nemo Publishing. Plus tôt dans l’année, elles avaient été invitées pour la première fois à participer aux foires de Bruxelles et de Leipzig. L’opération sera renouvelée en 2024. Pour les autres foires, kultur lx propose aussi des aides ponctuelles pour les maisons d’édition qui en manifesteraient l’intérêt.
„Il y a tout le monde“
Editrice aux éditions Guy Binsfeld, Inge Orlowski se rendra pour la quatrième fois à la Frankfurter Buchmesse, avec enthousiasme et une incrédulité intacte face à la démesure des lieux. „La première raison de s’y rendre, et sans doute pas des moindres, est de montrer une présence luxembourgeoise sur ce qui est, de très loin, la plus grande foire internationale du livre“, explique-t-elle. „Il faut montrer qu’il y a des livres qui se font au Luxembourg, qu’il y a une scène littéraire et éditoriale diversifiée qui n’a pas à rougir de sa production.“ C’est ensuite un lieu pour chercher l’inspiration auprès d’autres professionnels du livre, que ce soit des grands éditeurs ou des indépendants présents sur des stands collectifs. „Ce n’est pas exagéré de dire qu’à la bourse du livre de Francfort il y a tout le monde“, poursuit l’éditrice. „Cela permet d’engranger le plein d’inspiration, en matière de formes comme de contenus.“ La stimulation peut être d’ordre graphique, dans la finition des livres, dans les styles d’illustration, comme dans les sujets littéraires qui émergent.
Francfort, ce sont aussi des tables rondes et débats. Cette année, un grand nombre tourne autour de l’invité d’honneur du salon, la Slovénie, dont la littérature nationale a des points communs avec la luxembourgeoise. „C’est un petit marché avec une petite langue. Il y aura des tables rondes sur comment rendre visible la culture slovène en Allemagne, comment se faire traduire et comment fonctionner sur un petit marché. Ce sont des sujets qui nous parlent beaucoup“, confie Inge Orlowski.
Et enfin, c’est l’occasion d’entretenir des relations „avec des gens qu’on connaît, à qui on a acheté des droits de traduction ou qui veulent nous montrer des livres intéressants pour le marché luxembourgeois“. Les éditions Guy Binsfeld sont intéressées en général à acheter des droits pour la traduction en luxembourgeois de livres pour la jeunesse, comme la série à succès „Gruffalo“ (devenu „Grüffelo“). „Ça pourrait se faire en dehors de la foire et on ne va généralement prendre une décision et signer là sur place, mais il y a des discussions qui peuvent s’engager sur de nouveaux titres à cette occasion-là“, confie Inge Orlowski.
22 traductions depuis 2022
A l’inverse, les maisons d’édition essaient de vendre des droits de traduction à des maisons étrangères. C’est un défi si différent du premier que, dans les grandes maisons d’édition étrangères, deux équipes différentes s’occupent des achats et des ventes de droit. Pour la vente de droits de l’étranger vers le Luxembourg, le pays ne souffre pas nécessairement d’un désavantage. „Une vente de droits par un éditeur étranger ne comporte pas vraiment de prise de risque pour lui. Et il ne doit pas investir. Il est toujours content de les vendre, est ouvert et très content de nous revoir. On n’a pas l’impression d’être moins intéressant parce qu’on est plus petit. On ne doit pas aller les chercher“, commente l’éditrice. Dans le sens inverse, par contre, c’est une autre paire de manches. Il faut susciter l’envie des maisons étrangères de traduire des ouvrages nationaux. Quand ils sont rédigés en luxembourgeois, la langue peut faire obstacle. Les éditeurs étrangers ne peuvent pas toujours juger de la qualité de l’ouvrage, ce qui rend plus difficile le travail de sensibilisation.
Pour la vente de droits, „l’enjeu est surtout de donner une plus grande visibilité à l’auteur et de rendre accessible ces textes à un public qui n’y a pas accès pour des raisons géographiques ou linguistiques“, poursuit Inge Orlowski. Aux Editions Guy Binsfeld, „Amok“ de Tullio Forgiarini est le livre le plus traduit. A la faveur de l’European Prize for Literature, l’ouvrage rédigé en français a été traduit en allemand, espagnol, italien, serbe, macédonien et grec. Après le bulgare, „Le Chesterfield du cinquième“ de Nathalie Ronvaux va connaître une seconde traduction.
Kultur | lx apporte, en la matière, une aide décisive, en participant aux frais de traduction des éditeurs étrangers. Pour l’heure, cela ne concerne pas de grands tirages et rarement de grands marchés. „On n’en vit pas. Ce sont souvent des petites licences“, concède Inge Orlowski. Il n’est pas interdit de rêver d’accéder à des marchés et des tirages plus grands. Dans un communiqué de presse diffusé en amont de la foire, Kultur | lx insiste d’ailleurs sur le fait qu’il a soutenu 22 traductions de romans luxembourgeois depuis 2022. Si ces traductions ont eu lieu dans des pays en général périphériques, tels que la Grèce, la Serbie, la Bulgarie et la Macédoine, Kultur | lx a d’autres ambitions pour 2024. A la fin du catalogue présentant 17 ouvrages luxembourgeois qu’elle a produit pour Francfort, Kultur | lx fait savoir qu’elle entend donner une priorité dans son attribution des aides à la traduction aux pays francophones, germanophones, hispanophones, au Brésil, à l’Italie, à l’Irlande, au Royaume-Uni et au Portugal.
L’aide à la traduction avance de pair avec l’aide à la publication d’un auteur luxembourgeois dans une maison d’édition étrangère (qui peut aller jusqu’à 3.500 euros), dans leur objectif de contribuer à la circulation internationale de la création littéraire du Luxembourg. A Francfort, les auteurs peuvent trouver le moyen de rencontrer des éditeurs étrangers.
Il faut montrer qu’il y a des livres qui se font au Luxembourg, qu’il y a une scène littéraire et éditoriale diversifiée qui n’a pas à rougir de sa production.éditrice aux Editions Guy Binsfeld
Pour sa part, l’écrivain Luc François fréquentera pour la première fois la Frankfurter Buchmesse, sans recherche particulière. L’auteur de „Wasserstand“, publié aux éditions Kremart en septembre, s’y rendra „sans attentes précises“ mais avec la certitude de revenir „plein d’inspiration et naturellement avec pas mal de nouveautés achetées“. Il passera par Francfort sur le chemin qui le mène à un genre d’événements qu’il connaît mieux: la Buchmesse Convent, une foire de moindre envergure, spécialisée dans la littérature fantastique, non loin de là, à Dreieich. Luc François avait jusque-là publié ses livres en auto-édition et découvre les facilités qu’offre une publication chez un éditeur installé. „Naturellement, cela simplifie beaucoup les choses“, commente-t-il. „Un éditeur a plus de ressources pour un tel événement. Avant, je me concentrais sur des foires plus petites et spécialisées et ignorais simplement les grands événements.“ Avec 93.000 professionnels et 87.000 visiteurs privés réunis en 2022, la foire de Francfort fait partie des géants.
- Un livre sur le colonialisme récompensé – Le choix de l’audace - 14. November 2024.
- Trois femmes qui peuvent toujours rêver: „La ville ouverte“ - 24. Oktober 2024.
- Une maison à la superficie inconnue: Les assises sectorielles annoncent de grands débats à venir - 24. Oktober 2024.
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können.
Melden sie sich an
Registrieren Sie sich kostenlos