De Pablo Picasso à Jeff Koons / Des bijoux d’artistes au Cercle Cité
Un voyage à travers l’histoire de l’art par le biais des bijoux. C’est l’exercice auquel prêtent les 140 pièces de la collection idéale de Diane Venet visibles au Cercle Cité.
Man Ray, Pablo Picasso, Niki de Saint Phalle, Roy Lichtenstein, Louise Bourgeois, Jeff Koons, etc. Le Cercle Cité réussit le tour de force de réunir les plus grands noms de l’histoire de l’art sans se ruiner. Le miracle est rendu possible par la collection que Diane Venet a composée depuis ce jour de 1985 où son futur mari, l’artiste Bernar Venet, lui a passé une reproduction miniature d’une de ses œuvres autour du doigt. Le geste marquait le début d’une histoire d’amour entre cette fille de collectionneur et les bijoux réalisés par des artistes.
Cette date forme une première ligne de démarcation possible entre les 140 pièces, d’une collection qui en compte 240, donnée à voir aux visiteurs du Cercle Cité. En se lançant dans cette collection qui s’est avérée être une véritable niche, Diane Venet s’est rendue compte que les artistes avaient par le passé eu la même attention que son mari pour une femme, tel Picasso gravant des galets pour Dora Maar. Diane Venet a alors acquis ces pièces déjà anciennes aussi bien lors de ventes aux enchères qu’auprès de collectionneuses des Etats-Unis où elle a vécu pendant un quart de siècle. Cette passion l’a aussi amenée à rencontrer le joaillier milanais Giancarlo Montebello, beau-frère des frères Pomodoro, qui travaillait depuis 1967 avec des artistes sur la réalisation de bijoux en série limitée. C’est auprès de lui qu’elle s’assurait de la pertinence de ses acquisitions. Et c’est aussi auprès de cet ami de Man Ray qu’elle a acquis les lunettes dorées, visibles dans l’exposition, que l’artiste lui avait confectionnées pour piloter sa voiture décapotable.
La seconde catégorie de pièces est faite notamment de commandes, celles que son mari passait à des amis artistes, comme une compression des bijoux d’enfance de Diane Venet, réalisée par le spécialiste en la matière qu’est César. Puis celle que Diane Venet, se faisant un nom, a passé à des artistes (comme Keith Haring et Jeff Koons), souvent réalisées en pièce unique pour sa collection. Mais avec l’ampleur qu’a pris cette dernière, ce sont aussi les propositions d’artistes (comme celles d’Andres Serrano et Orlan) et les tuyaux sur les bonnes occasions à saisir qui sont venues à elle.
La volonté de partager
Diane Venet expose uniquement dans les musées. Le but est de partager cette manière originale de parcourir l’histoire de l’art. „Ce n’est pas une histoire commerciale. La collection qu’on garde dans un coffre n’a pas d’intérêt. C’est une histoire d’amour pour certains artistes, d’amitié, de connivence“, dit-elle. D’ailleurs, pour des raisons didactiques, les pièces sont exposées dans l’ordre chronologique. Si pour certains artistes, le changement d’échelle n’est qu’une formalité; pour d’autres, c’est une contrainte qui les force à être secondées par un artisan qui connaît la technique. C’est là une autre démarcation possible entre les pièces faites par les artistes eux-mêmes et celles qu’ils ont dessinées avant d’en laisser la réalisation à un artisan.
Diane Venet dit qu’elle porte de l’art, pas des bijoux. Et si elle porte de l’art, ce n’est pas celui immobile des musées, mais un art activé au contact du corps, rapporte la commissaire de l’exposition, Anouk Wies. „Le bijou témoigne à la fois de l’indépendance et du sens esthétique du porteur.“’ La valeur ne réside pas dans le matériau. On ne trouve d’ailleurs pas de pierres précieuses dans cette collection. Elle se cache dans le geste artistique et dans l’histoire de l’objet, ce qui est suffisant d’ailleurs pour porter à près de trois millions d’euros le coût assuré pour l’exposition.
Ce n’est pas une histoire commerciale. La collection qu’on garde dans un coffre n’a pas d’intérêt. C’est une histoire d’amour pour certains artistes, d’amitié, de connivence.collectionneuse
Diane Venet déborde d’anecdotes. Elle ne se fait pas prier pour les raconter. Elle aime ainsi raconter comment son mari a réussi à obtenir de l’artiste et ami Frank Stella une pièce unique en son genre. Ce dernier ne voulait pas faire de bijou. Bernar Venet lui suggéra un jour de „ramasser trois trucs dans son atelier et de les souder ensemble“ pour en faire un bijou pour sa femme. L’artiste lui a raccroché au nez. Un jour, où le couple venait dîner chez lui, l’époux a tancé son ami en faisant remarquer que John Chamberlain venait de réaliser un bijou, alors Stella a sorti un papier journal dans lequel il avait préparé son cadeau. „Il ne fera jamais plus de bijoux. Celui-là est le fruit d’une histoire d’amitié“, explique la collectionneuse.
Il y a aussi des bonnes pioches, comme cette fois, où Diane Venet achète auprès d’une maison d’enchères prestigieuse un bracelet signé de Gino Severini. Un collectionneur concurrent n’en a pas voulu, pensant que c’était un faux, et lui fait savoir. Personne parmi les proches de l’artiste ne se rappelle qu’il l’ait jamais réalisé, jure-t-il. Et pourtant, deux ans plus tard, deux tableaux signés du peintre ressurgissent sur lesquels sa femme dont il fait le portrait porte le bracelet en question.
Et puis il y a aussi les absents à tout jamais, ces bijoux devenus des rêves parce que l’artiste ne les a jamais réalisés. Diane Venet a manqué l’occasion de demander un bijou à Jean-Michel Basquiat qu’elle a croisé à New York dans les années 80. Mais le bijou qu’elle aimerait avoir est celui d’un artiste auquel on n’a jamais passé pareille commande et qu’elle n’avait aucune chance de rencontrer. „J’aurais adoré avoir un bijou de Brancusi. Quand on pense à l’oiseau … Il aurait fait des bijoux extraordinaires. C’aurait été une forme indéfinie, mais tellement douce.“
On ne pourra difficilement faire le reproche à cette exposition de l’omniprésence d’artistes masculins, puisque ce sont surtout eux qui ont réalisé des bijoux qu’ils offraient. Par ailleurs, à voir la beauté de nombreuses pièces et l’engouement qu’elles ne manquent pas à chaque fois de susciter, on se demande comment personne n’a encore eu l’idée de contourner la rareté de ces bijoux comme on contourne celle des tableaux avec les lithographies en déclinant ces pièces souvent uniques sous d’autres formats.
Doigté luxembourgeois
Athènes, Valence, Séoul, Monaco, Venise, Riga, Paris. Et maintenant Luxembourg. Dans chaque ville dans laquelle ses bijoux sont exposés, Diane Venet a pris l’habitude de commander à un artiste local une pièce qui intègre cette collection. Pour ce passage par Luxembourg, c’est le couple Jean Béchameil et Martine Feipel qui a été retenu. On retrouve dans la petite salle du Ratskeller tout le processus de création du premier bijou réalisé par le duo.
A contempler avec le reste de la collection jusqu’au 23 janvier 2022 entre 11 et 19 h au Cercle-Cité. Visite guidée chaque samedi à 15 h. Une table ronde se tiendra en présence de Diane Venet le 25 novembre à 19 h au sujet de l’expertise des bijoux d’artistes.
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