L’architecture au service du savoir / La Bibliothèque nationale et les raisons de son succès
Le nouveau bâtiment de la Bibliothèque nationale de Luxembourg (BNL) démontre comment une architecture bien pensée peut stimuler la vie intellectuelle d’un pays.
Monique Kieffer partira en retraite sur une belle victoire, la démonstration de la justesse d’une intuition. Depuis qu’elle est arrivée à la tête de la BNL, elle a défendu la nécessité de donner à la bibliothèque nationale un nouvel écrin. Celle ou celui qui lui succèdera en août prochain ne connaîtra pas la gêne qu’elle a si souvent ressentie lors de visite de pays moins aisés financièrement mais bien mieux dotés en bibliothèque nationale que le Luxembourg.
„Mon but était toujours de créer un lieu ou un bâtiment qui symbolise dans l’espace public, non seulement la culture mais les savoirs en général, afin de donner un autre statut aux savoirs au Luxembourg“, dit-elle. „Quand on voit combien de gens viennent ici pour étudier, être tranquilles, pour lire, pour des conférences, c’est la preuve que le pays avait besoin d’une telle infrastructure.“
Ce succès de la BNL se mesure en chiffres. Le meilleur paramètre, le nombre d’inscrits, a progressé de 50 pour cent, passant de 17.028 à 25.633 inscrits entre le début et la fin de l’année 2019 qui fut celle de l’emménagement au Kirchberg. „Pendant deux mois, il y avait tous les jours d’ouverture, la queue, et même souvent une double queue, devant le guichet d’accueil“, se rappelle la directrice. Le nombre de visiteurs (plus de mille personnes par jour en général), comme le nombre de personnes présentes en permanence (entre 200 et 300 en moyenne) racontent un même succès.
Ouverte sur l’extérieur
L’ancien bâtiment vivotait dans un quasi-anonymat, à l’ombre de la cathédrale, tournant le dos à la ville. De l’extérieur, il paraissait bien souvent inerte. „Les gens n’étaient pas attirés par notre bâtiment qui avait l’air vétuste, les salles de lecture n’étaient pas très confortables.“ Dans ces conditions, la bibliothèque ne remplissait qu’imparfaitement sa mission. „Quand les gens ne viennent pas, on n’est pas à même de susciter la curiosité qui permet aux visiteurs de pousser plus loin et d’essayer d’avoir une vue plus large de toute la panoplie de l’offre de l’institution.“
Si le nouveau bâtiment, installé fièrement au milieu du Kirchberg, fourmille, c’est parce que ses espaces permettent de valoriser la variété et la qualité des collections de la BNL, enfermées dans les sous-sols de l’ancien bâtiment. Le nombre de documents en accès libre est passé de 30.000 à 205.000. Le nombre de prêts a triplé. Et avec eux, les contenus et services numériques ont connu une nouvelle visibilité.
Mais le succès vaut aussi par l’architecture des lieux, qui fait tout pour suggérer l’entrée dans l’institution culturelle et a su attirer du monde vers un quartier souvent malaimé. „Dès le départ, il y avait l’idée que la bibliothèque s’ouvre vers l’espace public, et que les gens qui passent en voiture, à pied ou en vélo, comprennent la fonction du bâtiment et voient également que c’est un lieu dans lequel il y a du monde, pour qu’ils aient envie d’y voir ce qu’il s’y passe.“
L’idée d’ouverture du bâtiment sur l’extérieur se prolonge à l’intérieur. Et ce d’abord par un grand hall d’entrée, „le foyer“, pensé dès le début du projet pour être en osmose avec l’arrêt du tram juste devant et qui fait figure d’antichambre de la bibliothèque. „J’ai toujours un peu vu ce hall comme un hall de gare ou d’aéroport. Les gens viennent, s’installent un peu. On espère que ça donne envie à des personnes qui normalement n’auraient pas eu le réflexe, de revenir voir ce qu’il se passe à l’intérieur.“ Le foyer est devenu un lieu de rencontre, accessible avant l’ouverture de la bibliothèque. Il est aussi ouvert le lundi, comme un avant-goût de la fin souhaitée par la direction de la fermeture du lundi.
A l’intérieur du bâtiment, l’ouverture des lieux se poursuit avec une déclinaison de l’espace public en terrasses qui donne un caractère à la fois spectaculaire et lisible aux lieux. Et le choix de l’architecte d’abaisser d’1,70 m la première salle de lecture est un énième facteur favorisant l’immersion. „Cela fait en sorte que lorsque le lecteur entre, et notamment celui qui n’est pas passionné par la lecture, ne se sente pas tout de suite écrasé par des rayons de livres. Son regard passe au-dessus.“
L’une de nos grandes réussites est que le bâtiment a une excellente acoustique. Il y a une ambiance de recueillement qui plaît, qui crée un confort apprécié par beaucoup de personnes, jeunes ou adultesdirectrice de la Bibliothèque nationale de Luxembourg
Un coup de jeune
En maintenant les 480 places (dont 330 assises) prévues dans le projet initial du début du siècle, Monique Kieffer pensait bien que le succès serait au rendez-vous. Mais, s’il y a une chose qu’elle n’avait pas anticipée, c’est le rajeunissement des usagers. Des jeunes élèves sont venus s’ajouter aux élèves du cycle supérieur qui formaient toujours plus d’un dixième des usagers. Ils y profitent d’un cadre propice à la concentration pour y faire leurs devoirs. „L’une de nos grandes réussites est que le bâtiment a une excellente acoustique. Il y a une ambiance de recueillement qui plaît, qui crée un confort apprécié par beaucoup de personnes, jeunes ou adultes“, observe Monique Kieffer.
Même si les 14-20 ans sont ceux qui empruntent moins de livres (4,41%), leur présence est une promesse pour l’avenir. „Le but est de susciter la curiosité intellectuelle et mettre à disposition de chacun ce dont il a besoin pour ses loisirs, ses études, sa formation permanente. Quelqu’un qui vient tout jeune dans une bibliothèque y reviendra. A chaque âge ses intérêts.“
Mais le nouveau lieu résonne aussi des ardeurs de plus jeunes enfants encore, accompagnés par des parents qui espèrent trouver là un nouvel espace de partage avec leurs progénitures. Mais c’est là plutôt la mission d’une bibliothèque municipale. „La conclusion qu’il faut en tirer c’est qu’il y a une énorme demande pour plus de bibliothèques pour enfants. Les parents, surtout les parents non-luxembourgeois, qui viennent de pays qui ont une grande tradition de bibliothèques nous disent que cette offre est sous-développée“, explique Monique Kieffer.
La nouvelle BNL dément en tout cas le constat d’un désamour pour les livres. Monique Kieffer n’a jamais fait partie des déclinistes. „Le monde change. Les gens ont toujours envie de lire. On lit sans aucun doute plus que jamais, mais on lit peut-être moins de livres. Ce n’est pas forcément le désamour du livre mais le livre est beaucoup plus concurrencé aujourd’hui que par le passé.“ Les derniers chiffres de la BNL démontrent un désir important de s’informer parmi les catégories des 31-40 ans et 41-50 ans, qui empruntent le plus de livres, tandis que les employés privés forment encore davantage qu’auparavant la catégorie d’usagers la plus nombreuse (25% des nouvelles inscriptions).
La BNL est outillée pour faire face aux changements d’habitudes. Elle s’est mise depuis longtemps à l’heure digitale, via notamment son site www.a-z-.lu. „Pour beaucoup de livres aujourd’hui, nous avons une offre imprimée et une offre numérique. S’il n’existe pas en imprimé, nous pouvons l’avoir en numérique.“ Les salles de lecture proposent aussi de nombreuses prises électriques pour qui veut lire un e-book au calme ou travailler sur son ordinateur. „Le core business est toujours le même: donner un accès au savoir pour tous.“ Et un accès gratuit. Dans un pays, où près de 20% de la population est sous le seuil de pauvreté et que les prix de l’immobilier font d’un espace de calme à la maison un luxe, la nouvelle bibliothèque et son architecture chaleureuse ont de nombreux arguments à faire valoir.
Conférence
L’architecte de la Bibliothèque nationale, Julia Bolles Wilson, donne une conférence intitulée „Dritter Ort – Bibliotheken“, aujourd’hui à 18.30 h à la BNL. Elle y évoquera l’architecture des bibliothèques publiques, à l’aune de trois exemples de projets qu’elle a conduits, dont celui de la BNL. Conférence en allemand, entrée gratuite, inscriptions sur luca.lu.
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Die BNL ist wirklich ein Erfolg. Abgesehen von der Architektur, gehe ich oft dorthin, sei es zum Zeitunglesen oder um ein Buch auszuleihen. Auch das Personal ist freundlich und kompetent, also endlich mal eine Erfolgsgeschichte in Luxemburg.