Grève / Les femmes dans la rue le 7 mars
Le 7 mars, la première grève des femmes au Luxembourg mettra l’accent sur le secteur du „care“ et l’inégale répartition des tâches entre hommes et femmes. L’occasion de réfléchir à une réalité trop souvent négligée.
La grève suggère une insatisfaction préalable et des négociations postérieures pour y remédier. En se l’appropriant, le mouvement féministe dépasse l’horizon souvent bien frustant de la journée internationale des femmes. „Les années précédentes, on regardait le 8 mars comme la destination. Désormais, le 8 mars sera un début“, explique Isabelle Schmoetten, chargée politique du „CID Fraen an Gender“.
Pour la première édition de l’initiative, le 8 mars sera d’ailleurs relégué à une journée de debriefing sur ce qui se sera passé la veille et ce qui se passera la suite. La grève des femmes se déroulera en effet un samedi; faute de pouvoir légalement organisé une véritable grève, mais afin de pouvoir faire une démonstration de force. La manifestation organisée en ce jour souvent dédié par les femmes aux tâches ménagères y gagnera en charge symbolique.
Le travail n’affranchit pas toujours
La journée de mobilisation sera l’occasion de rappeler que le mouvement féministe a profité à des femmes, mais pas à toutes et pas de la même manière. Le travail en est l’exemple-type. Il a été une source d’indépendance et d’épanouissement pour les unes, une exploitation pour les autres. „Avec le capitalisme, ce n’était plus seulement un droit d’aller travailler, c’était devenu un devoir. Tout le monde devait travailler pour augmenter la productivité et les bénéfices“, observe Isabelle Schmoetten.
Au Luxembourg, le marché immobilier a parachevé l’oeuvre en rendant impossible pour la plupart des ménages de laisser une personne à la maison, pour s’occuper d’enfants ou de parents. Ce faisant, c’est le temps qui est devenu rare. „Beaucoup de gens sont insatisfaits de leurs modes de vie car ils doivent courir derrière toutes les tâches qu’elles et ils doivent faire dans le secteur rémunéré et le non-rémunéré. De plus en plus de personnes se demandent où est le sens de la vie si on ne fait que courir, que le temps et l’argent ne suffisent jamais.“
La déjà vieille revendication du mouvement féministe d’un partage des tâches ménagères en prend une dimension nouvelle, pour lutter contre cette tendance. Ainsi, la journée du 7 mars entend mettre le doigt où ça fait mal en faisant du „care“, le soin apporté à autrui, qui implique bien aussi le nettoyage que l’éducation, son thème central. „Des gens disent que ça a beaucoup changé désormais, que les hommes font beaucoup plus. Mais nous avons des chiffres très concrets d’Eurostat, qui disent que les femmes consacrent encore deux fois plus de temps que les hommes au travail du care.“ Pour le rappeler et démontrer que ce partage est bien plus culturel que biologique, la grève des femmes invite ces dernières ce jour-là à faire la grève des travaux relevant du care à la maison, et les hommes à prendre leur relais.
Tout comme le dominateur est dominé par sa domination, la dominée peut aussi participer à sa propre domination. „Le sexisme, c’est pas les hommes contre les femmes. Comme tout système inégalitaire, tout le monde ensemble le reproduit“, remarque la jeune femme. „La socialisation fait qu’on pense que c’est inné, parce qu’on a toujours vu sa mère le faire, lu dans les livres, vu à la télé, dans la publicité. Peut-être qu’on aime ce rôle parce que ça donne une orientation, une responsabilité. Mais on le fait aussi peut-être sans se rendre compte que ça rend impossible d’autres développements.“
Réduire le temps de travail
La grève des femmes doit permettre d’éveiller les consciences, en initiant une réflexion dans les couples sur la répartition des tâches ménagères. Un questionnaire y aide. Il explore la répartition de la charge physique mais aussi de la charge mentale, qui pêche tout autant par une inégale répartition. Ce sont plus souvent les femmes qui doivent planifier les tâches ménagères, les courses, penser aux anniversaires, organiser les rencontres en famille ou entre amis. „Ce qui fait que les femmes ont beaucoup moins de temps pour leur développement personnel ou leurs loisirs“, observe Isabelle Schmoetten.
Les couples sans enfant ne sont donc pas à l’abri d’une inégale répartition des tâches. Même quand les meilleures habitudes sont prises, souvent l’arrivée d’un enfant signifie un retour au vieux schéma. L’une des revendications portées au catalogue de la grève des femmes devrait être l’introduction d’un congé de paternité obligatoire à prendre en même temps que le congé maternité. Cela permettrait de supprimer en même temps une vieille discrimination à l’embauche, qui veut que les femmes en âge d’avoir un enfant ont parfois plus de mal à trouver un emploi.
Une autre revendication-clé s’adresse aussi bien aux femmes qu’aux hommes, c’est celle d’une réduction du temps de travail, pour libérer du temps pour le „care“. „En France, il y a les 35 heures par semaine. Peut-être qu’on peut même faire mieux au Luxembourg.“ Cette revendication serait associée à une augmentation du salaire minimum pour mieux vivre et s’organiser. Les hommes qui travaillent le 7 mars sont d’ailleurs invités à manifester leur solidarité ce jour-là en faisant plus pour que les femmes puissent faire un peu moins. Ils sont priés de le faire „sans se mettre en première ligne, mais de le faire de façon modeste, accepter que ce jour-là ce ne sont pas les hommes qui seront mis en avant“. D’ailleurs, pour éviter la mésaventure de l’année précédente où des hommes politiques n’appartenant pas à la plate-forme et pour certains pas connus pour leurs engagements féministes se sont retrouvés en tête de cortège, le défilé du samedi après-midi sera composé par blocs. Le premier sera celui du personnel de nettoyage, et le dernier celui des hommes.
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