Exposition / Nationalmusee um Fëschmaart: Joseph Kutter se met au vert
Le Nationalmusée au Fëschmaart propose une nouvelle exposition consacrée aux portraits de l’incontournable Joseph Kutter, qui innove néanmoins et notamment par le souci d’une empreinte carbone limitée.
En juin 2023, le Musée national d’histoire et d’art lançait une opération de crowdfunding pour financer l’acquisition pour 100.000 euros d’une pièce majeure de l’œuvre de Joseph Kutter, „Le champion“ représentant le double vainqueur luxembourgeois du Tour de France, Nicolas Frantz. L’opération fut couronnée de succès. Le tableau, venu enrichir une importante collection de tableaux due notamment à un don de 42 pièces légué par sa fille en 2009, donne en ce début d’année 2024, l’occasion d’une nouvelle exposition centrée sur les portraits de l’artiste majeur de l’Entre-deux-guerres.
C’est la cinquième fois que le MNAHA consacre une exposition à Joseph Kutter (après 1946, 1961, 1994-95, et 2007). Une partie de l’espace d’exposition documente ce lien intime entre les lieux et le peintre national, en en présentant notamment les affiches. Néanmoins, Joseph Kutter sera désormais associé à quelque chose de plus inhabituel, au Luxembourg néanmoins, consistant à la fois en l’idée de faire de cette exposition un jalon dans le développement vers des expositions moins consommatrices en énergie et de communiquer sur un tel choix.
„La culture n’est pas toujours très respectueuse de l’environnement, par les matériaux qu’on utilise, les scénographies qu’on monte et qu’on jette après, les transports d’œuvres d’art“, soulignait l’une des deux commissaires, Muriel Prieur, lors de la visite de presse. Il existe plusieurs moyens d’agir dans ce sens qui est aussi celui qu’envisageait le ministère de la Culture qui avait lancé un workshop en novembre 2022 et une enquête au printemps 2023 sur la nécessité de créer une ressourcerie, un lieu qui rassemblerait des matériaux qui ne sont plus utilisés par le milieu culturel pour faciliter le réemploi. D’abord dans le choix des tableaux exposés. Le musée a renoncé, pour des raisons écologiques, à faire venir de l’étranger deux tableaux qui auraient pu y trouver leur place. L’un serait venu du Brésil en avion, l’autre de Paris en camion. Les deux seuls prêts occasionnés pour les besoins de cette exposition sont le vélo de Nicolas Frantz et le chevalet de Joseph Kutter, qui n’a eu que quatre kilomètres à accomplir pour rejoindre le Marché-aux-Poissons. De tels choix sont plus faciles à faire pour des artistes luxembourgeois bien représentés dans les collections nationales.
Parmi les décisions qui valent pour toutes les expositions, il y a le choix de travailler avec des matériaux de récupération. Ceux qui ont vu la précédente exposition en ces lieux, celle consacrée à Arthur Unger, se rendront compte que les couleurs des murs n’ont pas changé ni la disposition. Ce choix implique de trouver des éléments scénographiques pour mettre en relation les tableaux avec des couleurs de murs qui n’ont pas été pensées pour en accueillir d’autres. Le vélo de Nicolas Frantz posé devant le tableau-événement, autour duquel l’exposition est construite, repose sur un socle trop grand, car il est réutilisé d’une précédente exposition. Les tableaux explicatifs ne sont pas non plus ajustés aux textes qu’ils accueillent. Ceux-ci sont recyclés de l’exposition à grand succès que le musée a consacré l’année dernière au colonialisme. L’intérêt d’une telle pratique est sans doute de tisser un lien physique entre les différentes expositions qui se succèdent.
Il a fallu les fournisseurs à une approche soucieuse d’employer des matériaux recyclables et réutilisables et en inspirant des réflexes éco-responsables aux équipes régie pour le transport des œuvres. L’ironie du sort est que le musée n’ait pas renoncé d’entourer le nouveau tableau acquis des noms des 550 donateurs qui ont permis l’acquisition. Relever le défi du développement durable exige sans doute de préférer le collectif à de telles glorioles.
Technique picturale
La première salle de l’exposition constitue une introduction à l’œuvre de Kutter présentant ses tableaux iconiques des années 30. L’auteur de la première monographie du peintre souvent incompris au Luxembourg, Joseph-Emile Muller, considère ces figures de l’artiste comme les plus importantes de son œuvre, explique la commissaire Lis Hausemer. „C’est là qu’on voit son style unique, expressionniste.“ On y retrouve un portrait de sa femme Suzanne, le cheval de bois à côté duquel se présente son fils Dolphe. C’est là aussi qu’on peut contempler „Le cycliste“, portrait de Nicolas Frantz. Si on a devant ces tableaux comme devant ceux des années 20 présentées dans l’autre salle – dont la magnifique bâilleuse – l’impression qu’ils posent devant un appareil photo, c’est aussi parce que Joseph Kutter est le fils d’un photographe – qui exerçait d’ailleurs dans le quartier du musée.
Dans les recherches documentaires menées pour les besoins de cette exposition, les commissaires se sont rendu compte que si l’œuvre avait bien été étudiée du point de vue de l’histoire de l’art et du style, sa technique n’avait pas encore fait l’objet d’explications. Certes, les archives ne sont pas disponibles. Toutefois, „on peut lire sur les tableaux beaucoup d’informations“, explique Muriel Prieur. Et c’est à un petit exercice de lecture que l’exposition invite en présentant l’envers de deux tableaux, un portrait de Suzanne et un paysage „Le débarcadère en Hollande“.
Kutter modifiait beaucoup ses tableaux. „L’incessante bataille que le peintre livre avec ses œuvres“ pose des défis pour la conservation, audacieusement intégrée à l’exposition: „La matière qui en résulte est épaisse, marquée de traces d’effacement et de reprises, dû au recours à des outils divers comme pinceaux, palettes ou encore grattoirs.“ D’ailleurs, Muriel Prieur présentera le 7 mars une conférence sur le style de Joseph Kutter et les défis qu’il pose pour la conservation de ses œuvres.
Le programme riche et stimulant qui accompagne l’exposition propose également une conférence de l’architecte Diane Heirend (le 29 février à 18.00 h) qui a restauré en 2019 la maison Bauhaus, probablement la première du genre au pays, que Joseph Kutter s’était fait construire entre 1929 et 1931 par l’architecte luxembourgeois Hubert Schumacher et qu’une section de l’exposition évoque. Sont notamment aussi prévues dans ce programme des visites avec des figures du milieu culturel (l’artiste Anne Mélan le 21 avril, le critique d’art Paul Di Felice, le 16 mai, l’artiste Chantal Maquet le 30 juin et la responsable du Konschtarchiv Jamie Armstrong le 13 juillet).
Infos
Exposition jusqu’au 9 septembre. Ouverte du mardi au dimanche de 10.00 à 18.00 h (jusqu’à 20.00 h le jeudi). Entrée gratuite. Programme complet: www.mnaha.lu.
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