Histoire de l’Assoss et de l’UNEL / Plus d’un siècle de mobilisation étudiante
„Générations – Assoss-UNEL: 1912-2022“ passe en revue plus d’un siècle de la vie d’une association étudiante qui fut longtemps un réservoir à élite, avant de devenir un point de ralliement de la gauche contestataire.
Le Luxembourg n’a pas eu besoin d’université pour que les étudiants s’y mobilisent. Si en avril 1912, des étudiants décident d’y créer au Luxembourg l’Association générale des étudiants luxembourgeois (AGEL puis rapidement Assoss), c’est parce que „les choses sérieuses se passaient à Luxembourg, la fréquentation de l’université faisait partie du folklore et du tourisme“, rapporte l’historien Henri Wehenkel, dans l’ouvrage qui retrace l’histoire de cette organisation étudiante polymorphe, „Générations – Assoss-UNEL: 1912-2022“.
„Un peu bourgeois, un peu artistes“
L’association, née des luttes scolaires qui culminèrent cette année-là, ouvrait ses portes à ceux qui ne se reconnaissaient pas dans la seule organisation, catholique, qui représentait les étudiants (ACEL). Il y avait alors 500 étudiants à se partager et l’AGEL allait rapidement prendre la même importance que sa concurrente catholique, en attirant les étudiants en droit, en médecine, en économie et les ingénieurs, sous le patronage de l’indétrônable ministre d’Etat Paul Eyschen. L’AGEL est alors un lieu de rencontre entre „bourgeois aux allures de grands seigneurs, un peu bourgeois et un peu artistes, avec beaucoup d’insouciance, d’indolence, de désinvolture“, observe Henri Wehenkel. „Ils avaient en horreur l’esprit petit-bourgeois, boutiquier, le provincialisme et l’étroitesse d’esprit“, mais n’avaient pas de scrupule à faire la fête en période de guerre.
Au moins jusqu’à ce qu’arrive le temps décrit par Wehenkel comme celui des révoltes (1917-21), qui commence avec la parution en août 1917, du journal La voix des jeunes et son manifeste du „cénacle des extrêmes“, signé par deux nouveaux venus, Pol Michels et Gust Van Werveke. Leur texte est un appel aux jeunes du monde entier à se soulever, au nom de l’idée européenne, de l’amour et d’un printemps des peuples à venir. L’Assoss est en contact, à travers Michels avec l’avant-garde littéraire allemande et est au premier rang quand la révolution éclate à Munich le 6 novembre 1918. Van Werveke et Alice Welter, fille du ministre socialiste, participent à la réunion du conseil des ouvriers et soldats. Au Luxembourg, des membres de l’Assoss participent activement au mouvement pour l’avènement d’une république. Certains sont ensuite tentés par le communisme, comme Nicolas Konert qui fonde en 1920 le journal communiste Der Kampf, épaulé par les écrits de Michels. Mais l’échec de la grande grève de mars 1921 fait rentrer l’Assoss dans le rang.
Henri Wehenkel, qui excelle dans l’art de resituer socialement et politiquement, en quelques formules bien senties, les personnalités et les époques dont il traite, évoque ensuite le temps des bals masqués. L’Assoss s’occupe de problèmes plus terre-à-terre comme l’accès aux cités étudiantes. L’événement le plus important de ces années 20 qui semblent s’étirer jusqu’en 1933 est le premier bal créé le 13 mars 1926 au cercle municipal. „L’Assoss devenait un lieu de rencontre pour les futurs membres de l’élite administrative, judiciaire et politique du pays“, écrit l’historien. „La révolution se transformait en religion, illuminant de ses astres morts le chemin des nouvelles générations.“
Mais c’est par l’édition de mars 1933 de son bal que l’Assoss reprend un temps des couleurs politiques. A la sortie de cette fête qui réunit 2.000 participants, on bouscule les usages et le respect envers l’Eglise dans les rues de la ville. Le mois suivant, Henri Koch-Kent prend la présidence. Il met sur pied une formation de combat et d’attaque des nazis luxembourgeois qui multiplie les bagarres. Il sera débarqué dès le mois d’août, et la parenthèse anti-fasciste se refermera rapidement, après le rejet en octobre 1936 d’une motion de soutien à l’Espagne républicaine et une opposition à la loi muselière de 1937 diluée par le poids des anciens.
Démocratisation et mobilisation
Henri Wehenekel se charge aussi de décrire la reconstruction d’après-guerre, non sans avoir au préalable épinglé les dérives fascistes de certains membres. L’Assoss offre „un lieu de convivialité échappant au contrôle de l’Eglise“, édite des recueils de poésie, tient des conférences et organise des thés dansants. Mais elle n’a plus les désirs révolutionnaires et de divertissement de l’entre-deux-guerres. Ses membres se recrutent plutôt dans les disciplines littéraires, artistiques et sciences politiques. La plupart s’engagent au parti socialiste. L’Assoss doit désormais défendre les intérêts d’une nouvelle génération d’étudiants d’origine plus modeste qui découvrent le syndicalisme étudiant. Elle peut devenir un instrument de lutte sociale comme Ben Fayot le réclame en décembre 1958 en défendant le sérieux des fils d’épiciers et d’ouvriers devenus étudiants. „Bien sûr leurs parents qui ont fait d’immenses sacrifices pour leur permettre d’étudier, ne leur ont pas donné la désinvolture qui est celle des couches intellectuelles hantant les bistrots à bière Mousel.“
Certes, l’anticléricalisme reste „une arme de légitime défense“, face à une Eglise qui se raidit. En 1951, l’Assoss crée d’ailleurs des cinés-clubs qui diffusent des films à l’heure de la messe. L’antimilitarisme en est le prolongement. L’Assoss se distingue par des interventions audacieuses que Wehenkel prend le temps de décrire dans le détail, comme la perturbation d’une réunion du Réarmement moral en 1963 au Casino syndical de Bonnevoie. 1965 est l’année de l’action la plus importante de l’Assoss, dirigée contre le service militaire obligatoire introduit en novembre 1944. Dans la nuit du 12 au 13 février, les murs des casernes du Grand-Duché se couvrirent de petites vignettes multicolores avec des inscriptions telles que „Huelt ons d’Arméi vum Pelz, schéckt d’Offizérier op d’Schmelz“. A l’entrée des casernes, l’affiche de Léo Reuter demande „Hu mir dat néideg?“. Les casernes sont consignées et cette action participera à la fin du service militaire obligatoire obtenue en 1966, tandis que la mobilisation contre la guerre du Vietnam se poursuivait.
La révolte de mai 1968 aura radicalisé de nombreux étudiants et, à sa manière, provoqué la disparition de l’Assoss. A la fin du mois de décembre 1969, elle devient une avant-garde socialiste et révolutionnaire, dont se détourne une partie des membres. Finalement, la composante révolutionnaire de l’Assoss trouve un nouveau nid en s’appropriant l’Union nationale des étudiants luxembourgeois (UNEL) à la fin de l’année 1969. Ce passage d’une association à l’autre fait l’objet de plusieurs descriptions dont celles du syndicaliste et historien Frédéric Krier qui rédige les deuxième et troisième (avec Adrien Thomas) parties du livre. Créée en août 1920 par l’Assoss et sa concurrente catholique pour participer aux instances internationales, l’UNEL avait sombré avec les déchirements de 1933, avant de renaître en 1951, à l’initiative de cercles universitaires d’étudiants luxembourgeois. L’UNEL voulait faire du syndicalisme au sens de la charte adoptée à Grenoble en 1946. Elle voyait l’étudiant comme un travailleur intellectuel indépendant pour lequel elle réclamait notamment un présalaire, des droits de sécurité sociale. Mais, elle ne pouvait pas résister aux années 60 et aux exigences de politisation.
Cartellisation puis renaissance
Reprise par ceux de l’Assoss, l’UNEL devient un mouvement non plus un syndicat. C’est le début d’une cartellisation de l’UNEL avec une multiplication des mouvements d’extrême gauche, des luttes d’influence et des jeux de pouvoir, difficiles à suivre et infructueux. Elle vivote jusque dans les années 90. L’Association des cercles étudiants au Luxembourg (ACEL), créée en 1984 prend sa place laissée vide. Pour retrouver une représentativité, l’UNEL s’ouvre aux lycéens. Elle ne parvient pas à se repolitiser vraiment et devient même indiscernable de l’ACEL lorsque Frank Engel prend sa présidence en 1995 et propose une fusion refusée par l’ACEL.
Durant les années 90, l’UNEL ne fait que suivre les mouvements lycéens, dont la Jumbostreik de 1991, qui débouche sur une dénonciation d’une école discriminatoire envers les élèves issues de familles non luxembourgeoises et du manque de représentations des élèves. Mais au IIIe millénaire, l’UNEL réussit à redevenir une force motrice, par l’arrivée d’une nouvelle génération de militants, issus notamment de la „Jugend fir Fridden a Gerechtegkeet“ opposée à la guerre en Irak en 2003, auxquels la dernière partie du livre donne la parole pour en décrire les coulisses. L’UNEL se pense alors „comme une force disruptive qui ne joue pas le jeu politique luxembourgeois“, explique Adrien Thomas. Elle se voit „comme une guérilla très mobile“, une structure légère, qui lui permet d’être à la pointe de l’opposition à la constitution européenne en 2005 et de la lutte contre le projet de loi 5611 sur le chômage des jeunes l’année suivante. Le succès de la grève de 2014 contre la réforme des aides scolaires renforce sa position: „Pour le ministère, il existe toujours un risque non négligeable d’ignorer les revendications de l’UNEL“, dit Vera Dockendorf. Cent ans après, l’UNEL est toujours et bel et bien là.
Infos
„Générations – Assoss-UNEL: 1912-2022“ de Frédéric Krier, Pol Reuter, Adrien Thomas et Henri Wehenkel.
Paru le 6 octobre 2021 aux éditions capybarabooks (328 pages, 20 euros). Disponible en librairie ou auprès de contact@capybarabooks.com.
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Von besonderer Bedeutung ist, dass die bereits 1933 voll im Einsatz stehende studentische Opposition „die Geburtsstunde der Résistance war“*, was damals mit den Nazis sympathisierende Kreise oder ihre geistigen Erben auch heute noch nicht wahrhaben wollen. Die „Voix des Jeunes“, Zeitung der 1912 gegründeten Studentenorganisation ASSOSS, hatte seinerzeit eine gewisse Konkurrenz von rechts in dem Blatt „De Wecker rabbelt“, das vom rechtsgerichteten „Akademiker-Verein“ (AV) herausgegeben wurde. Dieser als Gegenstück zur ASSOSS und anderen Studentenclubs wie „Club des étudiants luxembourgeois (CEL) aufgebotene Jünglingsverein „rabbelte“ laut und ungeniert auf der Wellenlänge des Faschismus. „Das klerikale Studentenblatt „De Wecker rabbelt“ predigte nicht etwa Liebe und Menschlichkeit, sondern, im Gefolge des „Luxemburger Wort“, Autoritarismus und Antisemitismus.“**
Das fragwürdige „Maulkorb“-Gesetz sah in der Tat nicht nur die Auflösung der kommunistischen Partei vor, sondern lief darauf hinaus, „durch seine weiteren Bestimmungen der Exekutive verdächtige Kreise oder Personen unter ständigem Druck zu halten, Haussuchungen vorzunehmen usw“, wie der Hitler-Bote in Luxemburg, H. von Radowitz***, in seinen Notizen festgehalten hatte. Am 6. Juni 1937 wurde glücklicherweise das Gesetz in einem allgemeinen Volksentscheid zwar knapp, aber mit 50,67 Prozent Nein-Stimmen (72.300 Personen) gegen 49,33 Prozent Ja-Stimmen (70.371 Personen) glimpflich zu Fall gebracht. Die Demokratie hatte einen stolzen Sieg davongetragen!
*Dr. Armand Mergen: „Die Kriegspubertät der 30er Jahre“ (Letzebuerger Journal, 04.02.1992)
**Henri Koch-Kent: „Der parteilose Einzelgänger“, Verlag Editpress, 1990
***Henri Koch-Kent: „Ils ont dit Non au fascisme“, 1982
(Rob Roemen, Aus Liebe zur Freiheit, S.178, 1995)
MfG
Robert Hottua