Le réseau afrodescendant Finkapé en mode action / Représentés donc mieux acceptés
Après les paroles, les actes. Par la littérature à l’école et par la musique en dehors, le réseau afrodescendant Finkapé entend faire tomber les stéréotypes et favoriser l’avènement d’une société meilleure.
Il y a plusieurs manières d’„agir plutôt que subir“, le sens du terme Finkapé que le réseau d’afrodescendant·e·s, créé à la fin de l’année 2019, s’est donné pour nom. Ne plus subir le racisme, c’est y rendre attentif, le dénoncer. Finkapé l’a fait de manière régulière, depuis la conférence „Being black in Luxembourg“ du 19 novembre 2019 et notamment lors des débats qui ont animé l’été 2020 après la mort de George Floyd, contribuant à une prise de conscience générale de la réalité d’un racisme structurel dans la société luxembourgeoise.
Mais agir contre le racisme, c’est aussi réduire les possibilités d’y être exposé en agissant directement sur la société. En parvenant à inscrire deux projets dans le Plan d’action national pour l’intégration (2021-22), l’association antiraciste, afro-féministe et anticoloniale franchit cette année un cap. „Notre but n’est pas seulement de dénoncer, mais aussi de mettre en place des dispositifs qui profiteront à des multiplicateurs“, explique sa porte-parole, Antónia Ganeto. Or, pour qui veut transformer la situation, l’école est souvent un terrain privilégié. Elle porte en effet des responsabilités dans la formation de la société de demain, comme dans ce qu’elle transmet, souvent inconsciemment, de la société d’hier.
La littérature pour déconstruire
„L’éducation est l’arme la plus puissante que tu peux utiliser pour changer le monde.“ L’Ally Book Club affiche cette citation de Nelson Mandela sur ses comptes de réseaux sociaux. C’est avec cette association créée en août 2020 pour assurer une meilleure représentation des minorités dans les livres que Finkapé a mis au point le projet „Visible“. L’Ally Book Club avait eu pour premier projet de remettre de la diversité et du combat antiraciste dans les livres proposés à la lecture dans les parcs publics. Avec „Visible“, soutenu et financé par le département de l’intégration du ministère de la Famille, de l’Intégration et à la Grande Région, l’œuvre se déploie dans les écoles.
Si l’Ally Book Club est né après le meurtre de Georges Floyd à l’été 2020, sa cofondatrice Sabrina Castello inscrit ce nouveau projet à la suite du rapport „Being black in EU“ dévoilé à l’automne 2018, qui questionnait toutes les discriminations, grandes ou micro, vécues (au logement, au travail, dans la vie quotidienne) et classait le Luxembourg parmi les pays les plus problématiques. Cette nouvelle réplique rappelle au passage l’impact sismique qu’a eu l’étude de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE sur la question du racisme au Luxembourg. „Nous utilisons la littérature comme moyen pour visibiliser, pour déconstruire et pour agir contre le racisme“, expliquait Sabrina Castello lors d’une présentation en ligne du projet „Visible“. Une première partie du projet consiste à établir des listes de lectures par lesquelles les enfants racisés pourront aussi se voir en tant que héros et protagonistes.
Une étude américaine réalisée chaque année par le Cooperative Children’s Book Center au sujet de la diversité dans les livres a établi en 2015 qu’on y voyait plus de camions et d’animaux que de personnes noires, et que ces dernières étaient douze fois moins représentées que les personnes blanches. Dans des livres tels que ceux constituant la série „Little People, Big Dreams“, les caractéristiques subjectives qui valent à l’enfant son assignation à une race, que ce soit ses cheveux, son apparence, sa peau, son histoire ou la culture dont sa famille est issue sont évoquées en des termes positifs.
„Ne pas se voir représenter dans les livres, dans les récits, c’est ne pas être là. Pour la personne concernée, c’est désastreux. On en arrive à constater qu’il y a une norme qui a été définie et qu’elle est blanche, européenne, occidentale. Or, cela ne reflète pas la population réelle“, enchaîne Sabrina Castello. Cette situation d’invisibilité participe à la charge mentale à laquelle les organisations antiracistes n’ont de cesse de rendre attentifs. La lecture antiraciste est en ce sens aussi une mesure d’hygiène mentale.
Le projet n’est pas seulement fait pour les jeunes gens racisés qui en sont les principaux bénéficiaires. „Des études ont démontré que représenter un enfant racisé dans un livre, permet au jeune lecteur racisé“ de s’identifier et de prendre conscience qu’il existe dans le monde. Cela favorise l’estime de soi et son sentiment d’appartenance, à ses semblables, comme également à la société dans laquelle il évolue“, explique Myriam Abaied, avant d’ajouter: „Et d’autre part, cela permet aux personnes non concernées de prendre en compte les différences qui existent dans son environnement.“
Des formations pour accompagner
Cette intervention dans les écoles se prolonge par la création d’une valise pédagogique, réalisée en partenariat avec le Centre d’éducation interculturelle (IKL), service géré par l’ASTI et le ministère de l’Education nationale, dont Antónia Ganeto est la chargée de direction. Mais pour en cerner l’enjeu, comprendre plus en profondeur les mécanismes du racisme n’est pas inutile. La mise en récit de l’altérité a une histoire. Et la retracer permet de travailler sur les racines d’un racisme devenu structurel. Sabrina Castello, qui assure les formations avec Antónia Ganeto, considère à ce sujet: „Il est intéressant d’aller voir comment s’est créée l’altérité, pourquoi il y a un ,je‘ et un autre. Si l’on prend l’histoire et la colonisation comme faits historiques, on comprend que ce n’est pas juste qu’il y aurait eu un contact entre les peuples, et qu’on aurait constaté ce constat ,il y a je et il y a les autres‘. Mais il y a une volonté de hiérarchiser le monde et donc de créer une norme blanche, européenne, occidentale. Ce n’est pas du tout un échange d’égal à égal. La colonisation ne va pas seulement signifier, coloniser un territoire et des humains, mais aussi coloniser des récits par différents procédés.“ On procède en sortant l’Autre du canon littéraire national, comme on le sort de sa qualité d’humain, précise la professeure de français.
La première formation aide le personnel éducatif à „reconnaître et éliminer les préjugés et les microagressions ethno-raciales“, celles commises par les élèves comme celles qui pourraient être l’œuvre du personnel. „Nous cherchons à dépasser une perception morale et individuelle du racisme: le racisme est un système historique de domination dans lequel nous sommes toutes et tous parties prenantes“, prévient la description donnée du cours. Le besoin et la demande de telles formations ne font pas de doute; en une journée les quinze places étaient prises. Il restait encore dix places hier pour la seconde formation, plus spécifique, consistant à donner des conseils pour l’établissement de bibliothèques antiracistes. Cette formation est d’autant plus importante dans le fondamental où chaque classe dispose de sa propre bibliothèque.
Enfin un dernier volet du projet „Visible“ consistera dans la tenue de deux conférences en 2022 autour des thèmes „lire pour exister“ et „écrire pour exister“, au cours desquelles la parole sera donnée à des expertes locales. Il est question notamment d’une intervention de l’autrice et danseuse Elodie Malanda, qui a écrit sur la créativité comme moyen de guérison et d’une autre de Celestina Jorge Vindes, gérante de la librairie afrodescendante „Pépite Blues“, ouverte depuis deux ans à Ixelles.
En finir avec les „musiques du monde“
Après l’école, la musique est aussi un vecteur précieux de rencontres et de dialogues. C’est cette corde sensible que le projet Klang Keller entend faire vibrer. L’association Finkapé porte seule ce qui est son deuxième projet inscrit au PAN. La musique servira à déconstruire les stéréotypes de plusieurs manières. Le projet consiste ainsi en „des séances d’enregistrement de musiques originales avec interviews, des conférences thématiques, des cours d’initiation à la musique d’origines diverses dispensés par des musicien·ne·s formé.e.s dans le cadre du projet, des séances de formation pour les musicien·ne·s n’ayant pas d’expériences pédagogiques et des cours de chant choral ouverts au plus grand nombre sur toute la durée du projet“.
Ce projet entend ainsi remettre en question la pertinence du label de musiques du monde, „qui est assez arrogant, puisque c’est un fourre-tout“, dit Antónia Ganeto. „Notre idée est de revenir en arrière et de proposer de connaître les spécificités des musiques sans les labelliser.“ Ces initiatives aboutiront à un grand spectacle à la fin du projet. „Il parlera de vivre ensemble, de résilience et de métissage. Ce à quoi nous tendons consciemment ou inconsciemment“, confie Antónia Ganeto.
Six formations
Avec les deux formations du projet „Visible“, ce sont pas moins de six formations autour du thème du racisme qui sont portées désormais au catalogue de l’IFEN. Deux autres formations, d’ordre plus général, se concentrent sur la prise de conscience et la déconstruction des stéréotypes d’une part et sur l’éthique du langage et du comportement d’autre part. Deux formations plus spécifiques portent sur les méthodes pédagogiques non discriminatoires et sur la représentation de l’Afrique et des Africains. D’ailleurs, à ce dernier propos, une récente étude de l’Université du Luxembourg sur les représentations du genre dans les manuels scolaires constatait que les pays d’Afrique „sont souvent décrits comme étant ruraux et manquant d’accès aux ressources élémentaires“ et que „ces représentations reposent sur
des visions simplistes et des clichés et ne transmettent pas les réalités des complexités sociétales“.
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Discrimination, racisme je le subis presque tous les jours . Suite à une maladie génétique , divers traitements ,mon obésité est cible , n‘importe les racines ethniques, de propos discriminatoires, propos insultants.Racisme du troisième art et le monde s‘en fout.