Pit Riewer, 22 ans, au salon du CAL / Tableaux révélateurs
Etudiant en art à Anvers, âgé de 22 ans, Pit Riewer va d’étonnement en surprise depuis que ses trois toiles ont été sélectionnées pour figurer au salon du Cercle des artistes luxembourgeois. Dans une recherche d’équilibre entre le figuratif et l’abstrait, ses scènes sauvées de la banalité du quotidien diffusent une nostalgie très urbaine.
C’est l’un des moins chers, l’un des plus jeunes, mais certainement pas le moins talentueux des 47 artistes exposés au salon du Cercle artistique luxembourgeois, qui fête cette année ses 125 ans. Ses trois toiles de taille modeste font partie des rares à afficher un prix à trois chiffres. Elles tranchent avec les œuvres opulentes et coûteuses d’Eric Mangen et de Monique Becker qu’elles côtoient. Pit Riewer savoure d’être à côté de ces grands noms de la scène artistique locale. Lorsqu’il a présenté en septembre ses œuvres au jury, il ne pensait pas être retenu. Certes, il savait qu’il avait une technique plus élaborée et des choses à partager. Mais il a fallu tout de même que sa mère l’encourage à tenter sa chance pour qu’il ose poser sa candidature.
Et pourtant, c’est tout sauf un hasard si de fidèle visiteur du salon en est devenu un nouvel exposant. Le jeune homme de 22 ans peint depuis l’enfance. Il a d’abord suivi des cours le week-end, puis, adolescent, s’est formé sur internet, comme beaucoup de congénères, avant de mettre l’art visuel au programme de son baccalauréat international. Il a ensuite passé sa première année d’études supérieures dans une école d’art contemporain aux Pays-Bas. Son expérience dans un établissement où il était bien vu de toucher à tout, l’a convaincu qu’il préférait se concentrer sur son médium de prédilection qu’est la peinture. C’est la spécialité qu’il a choisie à la Royal Academy of fine arts d’Anvers où il a poursuivi ses études et finira cette année son bachelor. Durant les deux premières années, il a pu y affiner sa technique par la multiplication des dessins de nature morte et de nu. La troisième année étant celle d’une liberté nouvelle, il peut désormais se consacrer à développer ce qu’il n’ose encore qu’avec une certaine retenue appeler son œuvre.
Les trois toiles que Pit Riewer présente au salon du CAL témoignent de son souci de trouver „l’équilibre entre des choses figuratives et d’autres extrêmement abstraites“, entre deux maîtres qu’il cite, Edward Hopper, dont il aime l’aspect cinématographique du travail, et Mark Rothko, qui pousse le dépouillement jusqu’à ne garder que l’ambiance. Suivant les conseils d’enseignants, le jeune artiste a libéré ses toiles d’un foisonnement de détails et passe désormais plus de temps sur les couleurs et les couches, pour obtenir la matière mate qu’il aime donner à ses tableaux.
Peindre l’attente
Les trois tableaux présentés au salon du CAL sont ceux d’une même période dans la vie du jeune homme. Mais ils ont aussi une autre homogénéité dont il avait douté jusqu’à ce qu’elle lui paraisse évidente au vernissage. Tous trois donnent l’occasion au spectateur de se raconter un film, de tisser une narration entre trois scènes qui partagent un même univers empreint d’une nostalgie et d’une solitude, jamais pesantes.
Il y a là un portrait de son frère qui est une étude de couleurs, non naturalistes. Pit Riewer y traque la sensibilité qui se cache dans les couleurs (et notamment dans le bleu et l’orange qu’il chérit plus particulièrement), l’émotion par les nuances, en recourant à une matière assez liquide pour garder l’énergie semblable à celle que dégagent les dessins à l’encre de Chine. Le travail sur la lumière et le silence est un point commun des deux autres tableaux. Sur le premier, „Wait!“, Pit Riewer capte une scène banale de la vie quotidienne (faire la queue en voiture) pour en faire un moment d’exception où, comme pour combler l’attente, la lumière des phares révèle sa densité dans le reflet de la voiture qui précède.
La peinture est minimaliste. Elle fige un moment de solitude d’autant plus aigu qu’elle est vécue en ville. Ce calme avant ou après le tourbillon, c’est aussi le thème de la troisième toile, „Station“, où cette fois-ci un jeune homme attend seul le soir, le transport qui le ramènera vers d’autres aventures. Pit Riewer peint ici le silence retrouvé dans une journée qu’on imagine dense, comme il la peint dans une toile qui appartient à cette série et qu’on ne verra pas au CAL, dans lequel il se représente en train d’attendre seul dans un lavoir automatique d’Anvers la fin de la lessive.
Le travail du jeune artiste a du caractère. C’est pourquoi sa présence au CAL a déclenché de nouvelles opportunités de rencontre et le pousse à poursuivre ses recherches stylistiques dans la voie qu’il a tracée. Le jeune artiste s’est rassuré de voir les gens s’arrêter devant ses toiles et se poser des questions. Elles n’ont d’ailleurs pas mis beaucoup de temps à trouver preneurs. Ce n’est pas une mince satisfaction après un long isolement: celui du peintre seul face à la toile, doublé de celui imposé par le confinement, qui a marqué ses deux dernières années études.
A voir
Le salon du Cercle artistique luxembourgeois se tient jusqu’au 14 novembre au „Tramsschapp“ (49, rue Ermesinde à Luxembourg). Il est ouvert tous les jours, de 14.00 à 19.00 h en semaine et de 10.00 à 19.00 h le week-end. Des visites guidées sont prévues. Infos: www.cal.lu.
A noter que le prix Révélation du salon a été remis à Julie Wagener, que l’on a vue cette année à la Triennale Jeune création du Casino – Forum d’art contemporain et l’année dernière à la galerie „Nei Liicht“.
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