„La Russie ne va pas s’arrêter à l’Ukraine“ / Témoignage d’un ancien prisonnier de la République populaire autoproclamée de Donetsk
Torturé et maintenu en captivité pendant 700 jours par la République populaire autoproclamée de Donetsk, Ihor Kozlovsky, chercheur en sciences religieuses et poète, témoigne de sa rude expérience sans oublier de professer un message de paix.
Lorsqu’en novembre 2013, le président prorusse de l’Ukraine, Viktor Ianoukovitch, refuse de signer un accord d’association avec l’Union européenne, Ihor Kozlovsky rejoint le mouvement populaire Euromaïdan qui, au départ de la place centrale de Kiev, obtiendra en février 2014 sa destitution. Entre mars et novembre 2014, ce chercheur en sciences religieuses et poète coorganise dans sa ville de Donetsk un marathon de prière interconfessionnel pour la paix. C’est durant cette période que des organisations séparatistes s’organisent en Crimée et dans l’Est de l’Ukraine, pour s’ériger en républiques autoproclamées et provoquer la guerre du Donbass. La violence des nouvelles autorités pousse beaucoup d’activistes à rejoindre l’Ukraine libre. Ihor Kozlovsky, avec un enfant handicapé, cloué au lit, ne peut rejoindre sa famille, faute de véhicule médicalisé à disposition. Le 27 janvier 2016, la „République populaire autoproclamée de Donetsk“ l’accuse faussement d’avoir voulu détruire la statue de Lénine. On vient le chercher à son domicile pour l’emmener dans les caves de la Sécurité intérieure. Il y vit la torture puis endure des conditions inhumaines de détention pendant près de deux ans, avant d’être libéré en échange de prisonniers russes. Depuis, il raconte son histoire à qui veut bien l’entendre et sa vision d’un conflit entre Ukrainiens épris de liberté et Russes qui la sacrifient aux intérêts de leur Etat. Il était récemment l’invité de l’association Ad pacem servandam – Pour la Paix et contre la guerre, présidée par Claude Pantaleoni, créée en 2017 aussi bien pour venir en aide aux victimes et aux réfugiés des conflits en Europe, que pour développer une culture de paix. Entretien.
Tageblatt: Pourquoi être entré en résistance?
Ihor Kozlovsky: Nous ne sommes pas contre les Russes, contre la Russie en tant qu’Etat. Ils doivent pouvoir vivre et se développer. Mais notre désir est d’être indépendants, de vivre et nous développer nous aussi. La Russie est un empire, qui se comporte comme tel. Elle ne prend pas en compte la dignité des autres ethnies. On te persécute quand ton opinion est différente. Quand les Russes ont le choix, c’est normal, c’est leur droit. Ce que les Russes ont le droit de choisir pour la Russie, nous Ukrainiens n’avons pas le droit de le choisir pour nous. En plus, la Russie est tout même rentrée en Ukraine avec les armes, a tué nos citoyens et pris notre territoire.
Pourquoi avoir choisi de résister de manière pacifique?
Au début du conflit, nous avions encore l’espoir de le régler pacifiquement. Nous pensions qu’en tenant sur notre position, nous pourrions être écoutés. Au début des années 2000, c’était un rêve que le millénaire à venir soit une époque sans guerre, de dialogue et de paix. C’était naïf. Se réunir entre croyants avec la prière, c’était réaliser un potentiel qui peut amener à la paix. Mais, quand il y a des gens qui ne partagent pas ce système de valeurs, les croyants sont perdus d’avance. En plus, il n’était pas dans mes moyens de combattre avec des armes et de mener des combats militaires. Et c’est très dangereux. La plupart des habitants vivent dans les villes. Si l’on commençait une guerre ouverte dans les quartiers, la plupart des habitants, innocents, seraient morts. L’Ukraine ne veut pas faire mourir ses citoyens et cherche des voies moins sanguinaires.
La fin prématurée du marathon et votre arrestation reflètent-elles la faiblesse du pacifisme?
Je ne suis pas tout à fait 100% pacifiste. Je regarde aussi la réalité avec les yeux ouverts. Je suis pour une armée forte. On a eu la preuve qu’être à une frontière avec un pays très agressif et fort, sans avoir d’armée, ça coûte très cher. Il y a beaucoup de personnes qui ne peuvent pas prendre les armes, que ce soit les femmes, les personnes âgées ou d’autres en raison de leurs croyances religieuses. Leur force à eux est leur force spirituelle. J’y vois un grand potentiel. Je voulais aussi détruire cette image que la Russie diffusait dans le monde selon laquelle les gens manifestaient pour elle. Avec le marathon des prières, je voulais faire une image qui montrait que nous étions là, à manifester pacifiquement pour l’Ukraine.
Je voulais aussi détruire cette image que la Russie diffusait dans le monde selon laquelle les gens manifestaient pour ellechercheur et poète ukrainien
Vous dites que le plus dur dans votre captivité était de maintenir sa dignité. Comment y êtes-vous parvenu?
C’était possible parce que je suis une personne mûre et mon système de valeurs me permet de retrouver un espace personnel où je peux me retrouver avec ma conscience et retrouver là la vérité. Viktor Frankl [ndlr: neurologue et philosophe autrichien (1905-87)], après avoir survécu aux camps nazis, a développé une thérapie fondée sur le sens de la vie, par laquelle il appelle la conscience un „dieu intérieur“. Tu dois regarder avec les yeux de ta conscience. Tu comprends que tu es totalement entre les mains des autres. Ils peuvent faire ce qu’ils veulent avec ton corps, mais la seule chose qu’ils ne peuvent pas avoir, c’est ta force intérieure.
Pardonnez-vous à vos bourreaux?
C’est facile de dire oui, mais en vérité, c’est beaucoup plus compliqué. Il faudrait une conversion de l’autre personne, qu’elle comprenne que ce qu’elle a fait était faux, que c’est un délit. Mais si elle ne change pas et qu’elle continue à torturer d’autres personnes, mon pardon ne sert à rien. Le plus important est de ne pas entretenir de haine dans son propre cœur, sinon l’agression va se retourner contre soi et nous détruire. Et je ne le veux pas. C’est comme ce conte soufi dans lequel un saint à qui on demande s’il déteste le diable, répond que son cœur est tellement plein d’amour pour le Seigneur, qu’il n’y a plus de place pour le diable.
Quelle est la situation des personnes qui vivent actuellement dans les territoires occupés?
Les problèmes dans les territoires occupés sont multiples. Bien sûr, les personnes n’ont pas de liberté; mais à part cela, il n’y a pas de travail. L’industrie est détruite. Beaucoup d’usines ont été démantelées et transférées en Russie. Beaucoup de mines sont fermées. Et ceux qui réussissent malgré tout à travailler le font pour un salaire très bas. Il manque aussi de médecins, car beaucoup de spécialistes sont partis en Ukraine. Pendant la pandémie, la situation s’est d’ailleurs énormément aggravée, car la plupart des points de passage sont fermés et les gens ne peuvent plus aller en Ukraine. La situation sanitaire est très grave à cause du manque de médicaments et d’hygiène. Il y a tellement de victimes que les gens n’arrivent pas à les enterrer.
Comment la paix pourra-t-elle advenir? Que pourra l’amour auquel vous accordez beaucoup de pouvoir?
L’amour ce n’est pas une émotion, c’est une action. C’est un immense travail. Grâce à lui, on peut petit à petit changer le monde. Mais si on reste sur place, aimer ne va rien changer. L’organisation Ad pacem servandam qui m’a invité est par exemple un amour actif. Elle crée les conditions d’échanges entre les uns et les autres, permet que des personnes indifférentes connaissent une injustice et en viennent à s’investir pour un monde meilleur. L’amour est le respect des autres personnes avec toutes leurs faiblesses et défauts. Il cherche à défendre tous les droits humains pour vivre les uns avec les autres. L’exact contraire, c’est la situation dans laquelle on est persécutés, battus, fusillés, juste pour avoir une opinion différente. Le processus vers une paix sera long. C’est à Moscou de changer sa position. Nous, nous ne voulons rien de Moscou, ni leur territoire ni leur système. Qu’ils nous laissent tranquilles et qu’ils libèrent nos concitoyens. On continuera pragmatiquement à avoir des relations. Je pense qu’il faut des efforts réunis de toute la communauté mondiale pour résoudre la situation. Les diplomates doivent comprendre que ce n’est pas un problème de l’Ukraine seule. Ce qui est dangereux est que la Russie a cassé le système des relations internationales établi après la Seconde Guerre mondiale. C’est un délit international.
Il ne faut pas oublier que la Russie ne va pas s’arrêter à l’Ukraine. Si elle arrive à conquérir ces nouveaux territoires, elle en voudra d’autres. Et si ce n’est pas par la pression militaire, ce sera par la pression économique.chercheur et poète
Quel rôle peut jouer l’Europe dans la résolution du conflit?
La solution de ce problème est à Moscou. Mais les pays européens peuvent exercer une pression diplomatique sur la Russie. Il ne faut pas oublier que la Russie ne va pas s’arrêter à l’Ukraine. Si elle arrive à conquérir ces nouveaux territoires, elle en voudra d’autres. Et si ce n’est pas par la pression militaire, ce sera par la pression économique, par la pression de l’alimentation en gaz et en pétrole, qu’elle essaie de mettre sous sa dépendance. Il faut remettre au centre de cette politique, pas seulement les intérêts économiques, mais les valeurs de vivre ensemble en paix et de l’amour.
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Wie gehabt vermeidet man tunlichst vom grunde des konflikts zu sprechen,naemlich dem maidan putsch von 2014 gegen den gewaehlten praesidenten der ukraine,ferngesteuert aus washington.
Monsieur Kozlovsky ne fait pas état des nombreuses personnes pro-russes qui, en 2014, à Odessa, après une chasse à l’homme effrénée, se réfugièrent dans un immeuble syndical pour y être brûlées vifs. Les incendiaires / meurtriers étaient des nazis ukrainiens qui, en Ukraine, jouissent d’une parfaite impunité. Gospodin Kozlovsky omet également de mentionner que le nazi collaborateur nationaliste antisémite Stephan Bandera a été érigé en héros national par les sieurs Poroshenko, Selensky et autres. Quid de la division Waffen SS Galizien, composée exclusivement d’Ukrainiens de l’ouest et dont les crimes lui valut les éloges de Heinrich Himmler ? Leurs nostalgiques défilent sans gêne pour leur rendre hommage tandis que le pouvoir de et à Kiev s’incline hypocritement devant le mémorial de Babi Jar, lieu où furent massacrés d’innombrables juifs et prisonniers de guerre soviétiques, les Allemands étant vaillamment secourus dans leur tâche par moult Ukrainiens.
Je tiens à souligner que je compatis avec Monsieur Kozlovsky pour les maux lui infligés que rien ne justifie.