Il y a 101 ans / Un hiver très chaud
10 novembre 1918 – 10 janvier 1919. Durant deux mois, l’avènement d’une république luxembourgeoise semble possible. Dans „La République trahie“, l’historien Henri Wehenkel nous replonge dans l’enthousiasme et la complexité des événements, un siècle de falsification de l’histoire plus tard.
A bientôt 80 ans, Henri Wehenkel n’a toujours pas délaissé les grognards. Il ne s’est toujours pas faufilé sous la tente des maréchaux comme il en avait fait le reproche à l’historien Gilbert Trausch au début des années 80. Si, dans „La République trahie“, il lui arrive de se glisser sous la tente du maréchal Foch, c’est pour comprendre comment la République luxembourgeoise aurait pu survenir et comment elle a finalement pu échouer.
Henri Wehenkel a saisi l’occasion des cent ans de la tentative d’instauration de la république, pour revisiter le sujet longtemps déserté par les historiens, qui lui préférait l’annexionnisme et les questions internationales que la situation du Luxembourg posait. L’historien de la Commune et de la Guerre d’Espagne n’a pas hésité à „rouvrir les tombes au risque d’offenser la mémoire de toutes les personnes bien intentionnées aimant et vénérant notre dynastie“, comme il le dit en préambule.
Comme il l’avait fait en 2018, dans „Chien et loup“ pour la période de la Seconde Guerre mondiale, Henri Wehenkel s’attache à réinjecter de la complexité et de l’épaisseur à la période. Il le fait en collant au terrain et aux faits, à hauteur des hommes et femmes qui y ont participé. Ainsi, comme „Chien et loup“ rappelait qu’il n’y avait pas que quelques idiots qui avaient collaboré entre 1940 et 1945, „La République trahie“ rappelle qu’il n’y avait pas dans le mouvement pour la république que ces „éléments indigènes désorbités et momentanément dévoyés“ et la „foule d’étrangers peu désirables“ auquel l’historien catholique Arthur Herchen a voulu réduire le mouvement dans les manuels scolaires.
L’historien passe en revue les raisons qu’il pouvait y avoir de désirer une république au sortir de la guerre. Pendant quatre ans, loin d’incarner l’indépendance du pays, la monarchie avait au contraire fait des courbettes à l’envahisseur allemand. Dès l’été 1914, lors du siège de Longwy, quand la Grande-Duchesse recevait à plusieurs reprises l’Empereur Guillaume II – tandis que l’état-major définissait comme but de guerre la transformation du Grand-Duché en Bundesland – jusqu’à l’été 1918, quand elle accueillait le chancelier allemand pour préparer le mariage de la princesse Antonia.
La fin du droit divin
Dès le départ de l’occupant allemand, le 10 novembre 1918, à l’hôtel Brosius, une assemblée de 500 personnes réclame la république. Un conseil ouvrier et paysan est créé, avec un seul homme politique, le socialiste Jos Thorn, et une majorité d’artisans des quartiers périphériques de la ville, ceux qui s’étaient révoltés en 1848. S’ils s’inspirent des expériences russes et allemandes, leur démarche est socialiste et mise sur la volonté du peuple. Le gouvernement Reuter, depuis peu installé, cède rapidement en plusieurs points et notamment sur ce qui reste comme deux grandes victoires du mouvement républicain: remettre le destin de la Grande-Duchesse aux voix du peuple et introduire la journée de huit heures.
Le mouvement a ainsi obtenu la fin de de la monarchie de droit divin et „la fin du patronat de droit divin“. Mais, pour rendre effective la réduction du temps de travail, il aura fallu que les ouvriers s’y emploient. Le progrès social n’est pas un acte généreux du gouvernement, mais le résultat d’une lutte collective, rappelle Henri Wehenkel, à la manière d’un Howard Zinn pour les Etats-Unis, ou d’un Gérard Noiriel, pour la France, plus récemment.
Il ne manqua que deux voix à la Chambre le 13 novembre pour que la Grande-Duchesse abdique. Son avenir est renvoyé à un futur référendum, que le Conseil d’Etat déclare intenable au début d’un mois de décembre qui est celui du flottement. La Grande-Duchesse est ainsi suspendue tout en continuant d’exercer son pouvoir. Le gouvernement, dans cette situation, démissionne mais reste en place. Ainsi, Reuter et deux de ses ministres s’en vont pathétiquement à Paris forcer la porte des Affaires étrangères, et rentrent au pays avec une fin de non-recevoir.
La fureur du terrain
Par cercles concentriques, en alternant les courtes biographies, les analyses politiques et en rentrant dans les faits, Henri Wehenkel nous replonge dans l’emballement de l’époque. L’historien partage son plaisir de relever les petites phrases glanées dans les comptes-rendus de police et dans les journaux, qui permettent de mesurer l’emballement d’une masse, dont on ne connaît ni les visages ni les histoires. Il n’oublie pas non plus de mentionner l’environnement sonore, fait de musiques et de chants.
Quand en d’autres pays, ils furent les premiers, les soldats au Luxembourg sont les derniers à se mettre en marche, à la mi-décembre, avec une vigueur contagieuse – ils sont suivis par 150 des 170 gendarmes. Face au délitement de l’autorité et au statu quo, l’action républicaine entend forcer les choses le 9 janvier 1919 en faisant voter l’abdication par la Chambre ou en l’occupant dans le cas contraire. Les tergiversations juridiques des libéraux font capoter le projet.
Intervenant au nom de l’ordre, les forces françaises ne parviennent pas à disperser la foule de milliers de personnes qui attendent à l’extérieur. Le soir, un comité de salut public proclame la république. Mais c’est un leurre. Le lendemain, au réveil, la ville est occupée par l’armée française, la censure de la presse rétablie, les manifestations interdites comme à l’heure de l’occupation allemande. La république est tuée dans l’oeuf, à l’initiative du commandant des forces françaises, sans que la présidence française n’en sache rien. Après avoir obtenu de la Grande-Duchesse qu’elle cède sa place à sa soeur Charlotte, le ministre d’Etat retire sa démission le 14 janvier. Et le soufflet révolutionnaire retombe.
L’issue des événements ne satisfait peronne. C’est une „révolution manquée“ pour les uns et une „restauration inachevée“ pour les autres, constate Henri Wehenkel. „Le Luxembourg est entré dans la modernité à reculons par un retour offensif du passé accompagné des promesses non tenues de la souveraineté populaire.“ En septembre, le référendum sauvera la dynastie, mais avec un pourcentage décevant (53% de oui en tenant compte des abstentions et des votes nuls) surtout venu des campagnes (38% dans le canton d’Esch et 39% dans celui de Luxembourg). Ces chiffres reflètent „l’identité contradictoire des Luxembourgeois“, que Henri Wehenkel a voulu réhabiliter avec „La République trahie“.
Repenser cette période en sa compagnie, c’est aussi se débarrasser de la croyance que la monarchie est garante de l’indépendance du pays. „En formulant une telle hypothèse, on admet implicitment qu’un petit peuple ne serait pas capable de se gouverner. On pourrait considérer avec autant de légitimité que l’exiguïté du territoire et la proximité des institutions sont des conditions favorables à l’établissement d’une authentique démocratie.“
„La République trahie“, éditions d’Lëtzebuerger Land, 179 pages
- Un livre sur le colonialisme récompensé – Le choix de l’audace - 14. November 2024.
- Trois femmes qui peuvent toujours rêver: „La ville ouverte“ - 24. Oktober 2024.
- Une maison à la superficie inconnue: Les assises sectorielles annoncent de grands débats à venir - 24. Oktober 2024.
Eine oder gar DIE verpasste Chance. Aber unter der Rechtspartei eine Utopie, die Republik auszurufen. Damals hiess es „Gott mit uns“. Absolut keine Chance angesichts der majoritär rechten gängigen Gesinnung “ und willst du nicht mein Bruder sein, schlag ich dir den Schädel ein „.
Die Seite hier ist voll mit tagealten resp. wochenalten Meldungen und jetzt auch noch 100 Jahre alte News.
Respekt.
Sind alle Journalisten in den Weihnachtsferien?