/ Un projet au point mort: Peut-on et doit-on espérer la venue d’Uber?
Uber, la plate-forme américaine de réservation de véhicules, n’a pas prévu de s’implanter au Luxembourg. Des considérations légales et économiques l’expliquent. La réforme à venir de la loi sur les taxis devrait lui sembler encore plus dissuasive et tenter, en parallèle, d’enrayer la course folle des prix des taxis.
Depuis le mois dernier, les chances de croiser un véhicule Uber sur les routes du pays ont fortement augmenté. La plate-forme américaine de mise à disposition de véhicules de location n’a jamais été aussi proche depuis qu’elle a annoncé son installation dans les deux principales villes de Lorraine, Metz et Nancy. Mais si un chauffeur Uber peut désormais relier Metz à Luxembourg, il devra repartir à vide. Ce qu’il est possible de faire dans un sens n’est pas possible dans l’autre, tant qu’Uber n’est pas disponible au Grand-Duché. Et à en croire la responsable communication d’Uber France, Uber n’y a aucun projet d’installation en ce sens.
Lancement d’Uber au Luxembourg?
A en croire les explications qui ont circulé à cette occasion, on serait tenté de croire le Luxembourg drapé d’un voile de protection sociale dont seraient dénués ses voisins allemands, français et belge, où Uber opère avec des chauffeurs professionnels. En 2015, alors que les taxis parisiens contestaient la concurrence des chauffeurs Uber, le ministre des Transports, François Bausch, pouvait encore assurer que Luxembourg n’était pas intéressante pour la société américaine.
Son implantation dans les villes lorraines bien moins intéressantes économiquement dit combien l’argument est désormais daté. Après avoir conquis près de 800 villes et être utilisé par trois millions de chauffeurs, Uber veut désormais s’emparer de villes de taille moyenne, ou comme le dit le discours officiel, de mettre à leur disposition ses „chauffeurs partenaires“ pour les aider à devenir „intelligentes et efficaces“.
„Nous explorons constamment de nouvelles opportunités au Benelux, mais n’avons pas de visibilité immédiate sur le lancement d’Uber au Luxembourg pour le moment“, répond, laconique, la responsable de la communication d’Uber pour le Benelux, Lize de Vries Hong. Le Luxembourg n’est pas le seul pays dans lequel Uber n’y voit pas clair. Et puisque nul n’est prophète en son pays, c’est dans son propre Etat de naissance, la Californie, que la société est dans le flou le plus complet.
Le 18 septembre, l’Etat américain le plus progressiste a en effet adopté une loi qui contraint les sociétés comme Uber à considérer leurs chauffeurs comme des salariés, et non plus comme des sous-traitants, pour mieux les faire accéder au salaire minimum et à l’assurance-maladie d’abord, à l’organisation en syndicat ensuite. La société entend encore faire capoter le projet en finançant un vote populaire contre la décision, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier 2020 et augmenterait ses coûts de 20 à 30%.
De son côté, le tribunal du travail français devrait statuer d’ici la fin de l’année sur la demande de neuf chauffeurs de faire requalifier leur contrat de travail en contrat de salarié. La justice doit notamment examiner si la liberté horaire laissée par Uber fait obstacle à la reconnaissance d’un contrat de travail et s’il n’existe pas un lien de subordination entre chauffeur et Uber, notamment du fait que le tarif est fixé d’avance et que les chauffeurs sont soumis à notation.
Scrupuleusement balisé
Le Luxembourg est pour l’heure à l’abri de ces questions juridiques. „Rien n’empêche des sociétés telles que Uber, Bolt ou autres à s’installer sur le marché luxembourgeois pour autant qu’ils se conforment à la législation en vigueur notamment en respectant soit la législation sur les taxis, soit l’article 56bis du code de la route pour les véhicules de location avec chauffeur ainsi que les prescriptions en matière de droit du travail“, explique Danielle Frank, responsable de la communication au ministère de la Mobilité.
Des trois dispositions énumérées, c’est pour l’heure le code de la route qui est l’obstacle majeur à la venue d’Uber. Durant l’été 2015, le gouvernement, par règlement grand-ducal, a fait ajouter à l’article 56bis, qui encadre l’activité des voitures de location avec chauffeur, des dispositions rédhibitoires. Elles prévoient qu’une voiture de location avec chauffeur ne puisse être mise à disposition du client qu’en vertu d’un contrat écrit signé préalablement à la prise en charge et que soit remis à l’arrivée un reçu signé. Surtout, une telle location n’est possible que pour des voyages d’au moins une heure, dont la durée doit être mentionnée au départ de la course.
Le code la route, obstacle majeur
Or, la grande partie des courses effectuées par Uber sont inférieures à une heure. Dans ce contexte, il ne reste qu’à un acteur comme Uber le choix de se muer en société de taxis comme une autre ou de suivre le chemin emprunté par TaxiApp. L’application lancée en janvier dernier se présente comme „alternative légale à Uber“. „Actuellement, notre business model est le même“, expliquent ses créateurs, Michele Lovece et Renzo Bellanima. „Mais, à la différence d’Uber, tous les chauffeurs présents sur Taxiapp sont des taxis agréés professionnels (avec autorisation ministérielle et déclarés auprès du centre commun).“
Pour bénéficier de courses supplémentaires, via TaxiApp, ces chauffeurs indépendants ou salariés de sociétés acceptent de rouler à un tarif réduit. TaxiApp réussit ainsi à proposer des courses entre 15 et 30% moins chères. Elle permet ainsi aux chauffeurs de taxi d’atteindre plus tôt leur chiffre d’affaires journalier.
Là où Uber vante la flexibilité du temps de travail, TaxiApp met en avant sa réduction. Elle n’a pas non plus à craindre Uber qui viendrait sur ce terrain-là, puisqu’elle prend une commission qui n’excède pas 3%, quand Uber prélève 20%. „Nous ne sommes pas contre n’importe quel acteur du marché qui peut venir, dès qu’il respecte les règles existantes“, explique, dans ce contexte, le président de la Fédération des taxis, Paulo José Leitão. „La concurrence est toujours bonne, ça fait descendre les prix, ça fait du bien à tout le monde.“
Elle a beau espérer une baisse des tarifs, l’Union luxembourgeoise des consommateurs (ULC) ne s’aventure pas à espérer la venue d’Uber. Le modèle est trop entouré d’incertitudes, notamment sur la responsabilité du chauffeur en cas d’accident, au vu de son statut, mais aussi sur les contrats de travail des chauffeurs. Le fait que les chauffeurs Uber puissent être de simples partenaires et non des salariés, fait aussi hurler les syndicats.
Pendant ce temps, les prix s’envolent
„Uber est dangereux et doit être combattu aussi bien au niveau politique qu’au niveau social“, tempêtait le président de l’OGBL, André Roeltgen en octobre 2016. „Chaque client qui se réjouit à court terme de pouvoir profiter du dumping des prix à la course, participe à sa manière à la promotion de ce modèle de commerce et de travail qui, d’une manière ou d’une autre, empiétera tôt ou tard négativement, que ce soit sur sa vie sociale ou professionnelle.“
Pour apporter encore plus de sécurité juridique, la réforme de la loi du 5 juillet 2016 entend intégrer le volet des véhicules de location avec chauffeur. Tout chauffeur de ce type de véhicule aurait l’obligation de disposer d’une carte de chauffeur professionnel, d’être déclaré auprès d’un patron – et donc voir le droit du travail s’appliquer à lui – et de conduire un véhicule répondant aux normes environnementales définies par la loi. Elle introduirait aussi une saisie électronique de la durée de travail. Autrement dit, ces dispositions, en pleine contradiction avec le modèle d’Uber, rendraient encore plus improbable sa venue.
La réforme devra aussi apporter enfin une solution à des prix des courses de taxi qui n’ont pas arrêté de s’envoler avec l’entrée en vigueur de la loi de 2016. Les prix ont augmenté de 6,6% entre septembre 2016 et fin 2018. „L’expérience montre (…) qu’une libéralisation des prix entraîne presque toujours une hausse de ceux-ci“, observait l’ULC dans un communiqué de pressé publié le 17 septembre dernier, par lequel elle demandait au gouvernement de faire baisser les prix des courses de taxis qui figurent „parmi les plus chères du monde“.
La Fédération des taxis propose l’augmentation du nombre d’emplacements disponibles, qui permettrait de multiplier des courses et donc de baisser des prix. Elle est par contre opposée à la suppression des cinq zones qui apporteraient „trop de concurrence“.
Dans le monde des taxis, la concurrence est une solution à prescrire avec précision.
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Nach mei‘ Auto’en ob der Strooss ??
Mir sollten eis schummen vir den Protectionismus do.
Je n’ai jamais compris pourquoi les prix des taxis étaient si exorbitants au Luxembourg. Après cet article je comprends. D’un côté il y a eu la libéralisation de prix (donc marché libre), de l’autre côté le service est traîté comme s’il devait être protégé (marché contrôlé). La base du marché libre est la concurrence.
Mais s’il y a des zones, il n’y a pas de concurrence. Cela veut donc dire qu’un taxi est toujours forcé de rentrer vide lorsqu’il a une course endehors de sa zone. Ce n’est ni rationnel ni écologique.
Dans un pays où le dernier bus circule aux environs de minuit dans les villages, on devrait au moins avoir un service de taxi à prix raisonnable. (Et pourquoi pas des „tuc tucs“ pour un covoiturage libre de contraintes.)
La petition Nr 1677 permet de relancer une discussion à la chambre à ce sujet.
Pour faire baisser les prix des Taxi il faut des actions concrêtes: Uber permettra de casser les prix astronomiques
au Luxembourg! Il n’y a pas d’autres solutions, la loi sue les Taxis au Luxembourg est inique…et protectioniste..!