Cinéma / 46e Festival du film italien de Villerupt: Si loin, si proche
Le 46e Festival du film italien de Villerupt (France) se déroule du 27 octobre au 12 novembre. L’actrice luxembourgeoise Marie Jung y participera pour la deuxième fois, en tant que membre du jury.
Villerupt a beau se situer à quelques kilomètres de la frontière, c’est bien dans un tout autre monde que les cinéphiles du Luxembourg peuvent s’immerger à l’occasion du Festival du film italien. Le festival, comme la sensibilité communiste, tous les deux intimement liés à la communauté italienne, ont survécu à la crise de la sidérurgie et confèrent une véritable aura de partage et de convivialité à ces deux semaines consacrées au cinéma transalpin.
Marie Jung a une bonne excuse pour expliquer pourquoi elle n’a découvert qu’en 2020 ce festival qui réunit plus de 30.000 spectateurs chaque année autour de 70 films. L’actrice luxembourgeoise a grandi en Suisse, puis est partie faire carrière en Allemagne et ne s’est installée dans le pays de ses parents qu’en 2020. C’est en 2021 qu’elle l’a finalement découvert, pour la présentation du film „Io sto bene“ de Donato Rotunno, dans lequel elle tenait le rôle principal. „Pour le peu d’opportunités que j’ai eues, je l’ai fréquenté beaucoup“, s’amuse-t-elle. Ses compétences en géographie et le dépaysement furent tels qu’elle dit ne s’être rendu compte que récemment que Villerupt était assez proche du Luxembourg pour que des bus la relient depuis la capitale.
Pour cette édition 2023, elle ne sera donc plus en terrain inconnu, quand elle s’y rendra pendant trois jours comme membre du jury. Sa prestation dans „Io sto bene“ et sa présence en 2023 à Cannes pour le film „Acide“ de Just Philippot ne sont pas étrangers à cette fonction honorifique. Le Festival de Villerupt a pris l’habitude de se dérouler en terre luxembourgeoise comme d’y puiser des membres de jury – quand ce ne sont pas des films. Chaque année, un critique de cinéma du Luxembourg fait partie du jury critique (cette année, Thibaut Demeyer).
Marie Jung siègera aux côtés de l’agent d’artistes, acteur, producteur et cofondateur du Festival du film francophone d’Angoulême, Dominique Besnehard, d’Anne-Dominique Toussaint, productrice notamment du très beau „Respiro“ (2002), et de Bruno Putzulu, comédien. Marie Jung ne cache pas son enthousiasme. „Pour moi, le métier consiste en des rencontres humaines et artistiques. Faire partie d’un jury est de la nourriture artistique et intellectuelle. Car on voit en peu de temps beaucoup d’œuvres, et en fonction d’un choix qu’on n’a pas effectué soi-même. On se nourrit des films, mais aussi du partage et des conversations avec des gens qui travaillent dans le même champ et qui ont d’autres points de vue.“
Seize films sont en compétition, mais le jury de Marie Jung portera son choix parmi sept films. Six films sont soumis à un jury jeunes. Six films qui vont certainement être distribués en France sont soumis au jury critique, dans l’idée qu’ils participent à sa promotion, tandis que six films sont soumis au jury des exploitants, invités à les programmer ensuite dans les salles. Le public peut seul voter parmi les seize films en lice son préféré.
Parité garantie
Cette année, la parité est respectée, avec huit réalisateurs et huit réalisatrices, fait remarquer le directeur artistique du festival, Oreste Sachelli. Seront notamment présents „La chimère“ d’Alice Rohrwacher présenté à Cannes et „La Bella Estate“ de Laura Luchetti présenté à Locarno. Mais la majorité des films sont des découvertes, poursuit Oreste Sachelli: „Il y a beaucoup de premiers films. Est très présente la thématique de la famille dans tous ses états, essentiellement pour ses dysfonctionnements – si tout fonctionne bien, il n’y a pas d’histoire. Il y a des problèmes liés à la succession, liés aux relations parents-enfants difficiles et violentes parfois, des jeunes à la dérive.“ Il cite pour étayer son propos „Rossosperanza“, second film d’Annarita Zambrano, où des rejetons de familles aristocratiques en vue sont envoyés dans une maison de correction cinq étoiles, à l’abri des regards.
A Villerupt, Marie Jung verra d’abord des films, avant de voir des films italiens. „Dans l’art que je pratique, au théâtre comme au cinéma, on fait des rencontres humainement, artistiquement, et après on trouve une langue artistique dans laquelle on raconte des choses. Mon rêve serait qu’on dise un jour qu’un film n’est pas typiquement d’un pays ou d’un genre“, dit-elle d’abord. „C’est utopique, car il y a toujours une culture. J’aime beaucoup les langues, dont la langue italienne que je parle un tout petit peu. Chaque langue amène un comportement et une fantaisie particuliers. Je ne peux pas non plus le nier“, nuance ensuite cette polyglotte qui maîtrise six langues couramment.
Le Festival de Villerupt propose seize films hors compétitions, parmi lesquels on retrouve des auteurs déjà confirmés, comme Marco Bellochio, dont on peut découvrir „L’enlèvement“. Seront aussi projetés „Io capitano“ de Matteo Garone, lion d’argent du meilleur réalisateur à Venise et représentant de l’Italie aux Oscars, et „Il cerchio“, documentaire de l’Italo-française Sophie Chiarello, qui suit des élèves d’un quartier de Rome durant les cinq années de leur passage à l’école primaire.
Vingt films sont présents dans la catégorie Panorama, avec une mention particulière pour „Il giovane favoloso“, biopic sur le poète Giacomo Leopardi. Le festival présente aussi des thématiques. Un thème sera consacré à Milan, comme lieu de tournage, qui a d’abord joué un rôle mineur dans le cinéma italien, avant l’avènement des chaînes privées et d’un certain Silvio Berlusconi. On y découvrira des films comme „Venez donc prendre le café chez nous“ d’Alberto Lattuada, que les organisateurs sont allés retrouver à Cinecittà ou „Miracle à Milan“ de Vittorio De Sica, palme d’or à Cannes, dans une version restaurée. Le festival offre aussi une carte blanche à Jean Gili, critique de cinéma et cofondateur du Festival du film italien d’Annecy, pour évoquer Ettore Scola. La rétrospective comptera sept films, de „Parlons femmes“ en 1964 – pensée comme la suite des „Monstres“ de Dino Risi – à „Qu’il est étrange de s’appeler Federico“, un film de 1993 sur son amitié avec Federico Fellini, en passant par „Une journée particulière“, projetée lors de la soirée d’ouverture ce vendredi, et „Affreux sales et méchants“, qu’Ettore Scola était venu présenter à Villerupt en 1978.
Incontournables prix
Enfin, est programmé un portrait en quatre films de Jasmine Trinca, qui recevra un Amilcar (le nom des prix décernés lors du festival) de la ville de Villerupt. La comédienne a fait son apparition en 2001 comme actrice de „La Chambre du fils“, dernière palme d’or italienne à Cannes. „La meglia giuventu“ lui a valu le prix Mastroianni à Venise en 2009. Elle joue en 2023 Maria Montessori dans „La nouvelle femme“ de Lea Todorov. Cette dernière, ainsi que Jasmine Trinca, feront partie des nombreux invités du festival.
Marie Jung devra, elle aussi, décerner un prix, même si c’est un exercice épineux. „En général, je ne suis pas fan de comportement compétitif, même s’il est très présent dans notre métier. Cela vient peut-être du fait que j’ai eu la chance d’être éduqué dans un système scolaire en Suisse pas du tout compétitif. Mais, la compétition est utile pour mettre en valeur des œuvres qui ne seraient autrement pas vues autant.“ Elle a trouvé la parade en choisissant la démarche, l’œuvre qui la nourrit le plus, plutôt que de chercher laquelle elle est la meilleure.
Programme complet: festival-villerupt.com
A Esch
Comme chaque année, la Kulturfabrik accueille le Festival du film italien. A travers une résidence de l’illustrateur et peintre d’origine sicilienne, Maninelkaos, qui présentera une exposition au Ratelach et une autre à la galerie Terres rouges. Le festival, ce sera aussi une „Notte dell’orrore“, avec deux films programmés, mais aussi trois concerts: la rappeuse Shunaji et „Brucherò nei pascoli“ (2 novembre), „La buonasera“ (bal le 12 novembre).
- Un livre sur le colonialisme récompensé – Le choix de l’audace - 14. November 2024.
- Trois femmes qui peuvent toujours rêver: „La ville ouverte“ - 24. Oktober 2024.
- Une maison à la superficie inconnue: Les assises sectorielles annoncent de grands débats à venir - 24. Oktober 2024.
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können.
Melden sie sich an
Registrieren Sie sich kostenlos