Klangwelten / Songes d’asphalte: Babx explore de nouveaux terrains
„Les saisons volatiles“ n’est pas l’œuvre la plus confortable pour entrer dans l’univers de Babx. Bien que son nom sonne encore trop souvent aux oreilles des amateurs de chanson française, ce qui ne serait pas une tare pour un musicien de 38 ans, David Babin en est déjà à son septième disque, conçu comme autant d’explorations de nouveaux espaces.
A la fin 2017, Babx livre „Ascensions“, un disque fiévreusement poétique, subtilement politique, écrit dans l’urgence, après les attentats du 13 novembre 2015. L’œuvre culmine avec la trilogie Omaya (et la participation d’Archie Shepp) dédiée à une combattante kurde, morte sous les mandariniers et les armes de Daesh. Il y imagine des ascensions à géométrie variable du plaisir malsain du président Nicolas Sarkozy survolant la Libye qu’il a mise à feu et à sang jusqu’à aux mots d’une mère pour l’enterrement d’un terroriste.
L’œuvre livrée avec un unique concert, Babx a ensuite pu renouer avec une idée qui lui trottait dans la tête avant que la mort ne hante les trottoirs. L’idée ou plutôt l’appel d’un album solo, au piano, dans les contraintes d’un confinement imposé, sur les hauteurs de l’Est parisien.
Il habite alors un appartement qui surplombe le parc de Belleville mais qui regarde en direction de deux aires de jeu, un terrain de basket et un city stade, au pied d’un bloc. Les parties endiablées, le tournage de clips de rap, les dealers qui occupent le terrain, renvoient à n’importe quelle périphérie des grandes villes. Mais l’apparition quotidienne et tout en couleurs de danseuses chinoises est le plus sûr indice que l’on se trouve bien à Paris. C’est ce motif qui jalonnera son observation méticuleuse de quatre saisons vécues dans une solitude vite relative.
Babx tire le fil, s’imagine ce que préparent ces danseuses à l’éventail. La célébration de l’arrivée d’un leader? Et que veut la cheffe du groupe, Madame Lin, „derviche des asphaltes“ qui n’aime pas l’hiver. Les saisons passent, les songes avec eux, l’été et ses rêves de sable, le mois de novembre, où la rue se prend pour un château hanté. Le piano est souvent monotone comme le spectacle des saisons qui tardent à passer, heureusement troublé par l’impermanence des choses qui se déroulent à sa fenêtre et offrent la matière aux voyages immobiles, et à la création d’un film dans lequel le monde extérieur s’invite dans son observatoire.
Car un jour, Babx est allé voir ces danseuses, pour leur proposer de participer à ce qui sera un film-album, dans lequel il finit par chanter en chinois la chanson qu’il entend chaque jour au loin, et conte, et ce n’est sans doute pas un hasard, la souffrance d’un amoureux éconduit au retour du printemps et des fleurs qui ont vu naître son amour désormais fané.
Dans ce film de confinement, on voit aussi des masques, qui ne sont pas signes prémonitoires, mais rappels que les particules fines, qui riment avec Valentine – le nom de sa compagne – donnent une raison bien plus fréquente de se bâillonner que la pandémie. Mi-avril, n’ayant pas voulu se rompre à l’exercice souvent bancal du concert à la maison, Babx a offert son disque sur Bandcamp. C’est encore là qu’on peut acquérir l’album. Quant à la version physique, il faudra attendre vraisemblablement une rétrospective, à ne certainement pas manquer, pour redécouvrir l’œuvre déjà dense de cet artiste à tout faire. (Jérôme Quiqueret)
Note: 8 sur 10
Morceaux phares: Les particules fines, Madame Lin
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