Luxembourg en 1753 / Un panorama de la capitale refait surface
La vue dessinée par l’officier autrichien Wenzel von Callot vient rejoindre les quelques panoramas connus de la capitale avant 1800. Mais il les surpasse tous par la richesse de ses détails et de ses enseignements.
C’est une histoire européenne qui a permis au panorama de Wenzel von Callot de retrouver la lumière et d’être désormais exposé au regard des visiteurs du Lëtzebuerg City Museum. En 2018, un étudiant allemand travaillant sur des gravures et dessins italiens est tombé sous le charme d’une vue du château de Mansfeld lors de recherches à Paris. Les poursuivant à l’Albertina de Vienne, il vérifie dans le catalogue manuscrit qu’il feuillette la présence d’un plan de Luxembourg. Sa curiosité est récompensée au-delà de tout espoir avec la découverte du saisissant panorama de la ville dressé par l’officier autrichien en 1753. Il contacte des historiens luxembourgeois pour les informer de l’existence de ce plan au cas où elle leur aurait échappé. Effectivement, le plan leur était inconnu.
„La vue est une nouvelle preuve que tous les documents luxembourgeois de l’Ancien régime sont dispersés dans des archives, bibliothèques et musées éparpillés sur tout le continent européen“, observe Gilles Genot, conservateur du Lëtzebuerg City Museum. Sa présence dans la plus grande collection iconographique du monde n’était toutefois pas imprévisible. L’Albertina où il reposait a été fondée en 1776 par le duc Albert von Sachsen-Teschen, pour accueillir sa collection de 15.000 dessins et de centaines de milliers de gravures. Il était le dernier gouverneur des Pays-Bas autrichiens, auxquels la forteresse appartenait depuis 1715 et, à ce titre, il s’était déjà rendu à Luxembourg. Les conservateurs du musée de la ville de Luxembourg supposent que c’est Josef Wenzel de Liechtenstein, responsable de l’artillerie pour tout l’Empire autrichien, qui aurait pu la lui remettre en mains propres. Il n’y aurait alors eu qu’un intermédiaire dont le nom figure à l’arrière du plan, entre son auteur et son conservateur.
Des tests de mines à Hamm
Ce circuit court expliquerait d’ailleurs l’excellent état de conservation de ce plan. La technique employée, la plume et l’encre noire, mais aussi le contenu du plan, indiquent également que cette œuvre n’était sans doute pas pensée pour circuler de mains en mains ni destinée à un usage militaire. L’année précédente, Wenzel von Callot avait eu pour mission d’inventorier l’artillerie de la forteresse. C’est cette même année que Josef Wenzel de Liechtenstein, venu à Luxembourg pour suivre des essais de mine, chargea l’officier de réaliser ce panorama. L’une des informations historiques nouvelles apportées par le panorama que le second a commandé au premier est d’ailleurs la mention de tests de mines. On peut désormais situer leur expérimentation dans le temps, mais aussi dans l’espace, à savoir à Hamm, dont les mines de fer ont pu offrir un cadre aux essais.
Ce n’est pas le seul enseignement qu’il y a à tirer de cette œuvre qui s’étend sur 213 centimètres, pour une hauteur de 35 cm. Le passage de la forteresse sous régime autrichien signifie la poursuite de l’agrandissement de la forteresse entamé par Vauban, dont le fort Obergrünewald depuis lequel Callot dessine. C’est sous ce règne que la forteresse s’agrandit le plus en termes de surface, que la vallée est fermée par des écluses, qu’une multitude de forts extérieurs est construite, que des casemates sont creusées. La ville finit le siècle entourée de tous ses côtés d’une triple ligne de fortifications. Le panorama de von Callot est donc d’un intérêt de premier plan pour l’histoire des fortifications. On en connaissait l’emplacement par des dizaines de plans vus de dessus qu’il existe pour l’époque. Le panorama permet d’en découvrir l’aspect de face. Il permet notamment de situer toutes les petites tours espagnoles ou de voir à quoi ressemblaient les fortifications du rocher du Bock.
Par contre, si le plan n’a manifestement pas de fins militaires, son auteur se garde bien de prendre le risque de livrer des secrets militaires. La vue choisie est celle d’un côté de la ville d’où il n’y a aucun secret à trahir. Lorsque les Français ont fait le siège de Luxembourg en 1684 – qui a donné un premier panorama réalisé par Adam Frans van der Meulen –, ils l’ont mené de l’autre côté, au sud de la ville. C’est là ainsi qu’au niveau du Glacis que les travaux de renforcement des fortifications ont été les plus nombreux depuis la reprise de la forteresse par les Autrichiens. En 1753, à trois ans de la guerre de Sept ans, avant-goût de guerre mondiale, le danger de guerre est réel et la menace qui vient du Sud n’est pas écartée. Le panorama offre aussi le profil d’une ville haute reconstruite à l’issue du siège de 1684, duquel les spécialistes attentifs peuvent identifier quelques détails architecturaux, dont l’emplacement depuis lequel, sur l’église Saint-Nicolas désormais disparue, on guettait jour et nuit tout départ de feu.
La qualité du dessin est hors normes pour les standards luxembourgeois de l’époque, pour un officier d’artillerie, mais pas par rapport aux grands peintres de l’époqueconservateur du Lëtzebuerg City Museum
Histoires à écrire
Wenzel von Callot a 48 ans, et 18 ans de carrière militaire derrière lui lorsqu’il compose son panorama. L’Albertina ne dispose pas d’autre vue composée par ses soins. Le panorama présente des qualités techniques mais aussi une certaine liberté artistique qui permettent de poser la question de sa place dans l’histoire de l’art. „La qualité du dessin est hors normes pour les standards luxembourgeois de l’époque, pour un officier d’artillerie, mais pas par rapport aux grands peintres de l’époque.“
La qualité artistique s’apprécie au grand luxe de détails, qui donnent des indications sur l’emplacement de maisons ou de bâtiments (telle une glacière à l’abri du rocher du Bock), dont on ignorait l’existence ou l’emplacement, mais aussi sur les nombreux vergers et jardins qu’on observe au premier plan dans la vallée du Pfaffenthal. Un spécialiste de botanique pourrait identifier les cultures des vergers et jardins. Gilles Genot rend aussi attentif à la présence d’arbres plantés à l’intérieur des fortifications, qui devait constituer une réserve de bois pour le chauffage ou la construction d’armes en cas de siège.
„C’est la somme des détails qui fait de ce plan un document extraordinaire“, s’enthousiasme l’historien. En tant que spécialiste d’histoire moderne qui a travaillé sur l’intégration du duché de Luxembourg dans les Pays-Bas bourguignons et habsbourgeois aux XVe et XVIe siècle, il se montre particulièrement intéressé par le château de Mansfeld. La vue du château résidentiel, gouverneur de la forteresse, construit au XVIe siècle et rattrapé peu à peu par les fortifications successives a donné des informations précieuses pour la reconstitution en trois dimensions réalisée en 2018 par les Amis du château de Mansfeld.
Les musées de la ville doivent encore réfléchir et négocier pour trouver de quelle manière il sera possible à terme de rendre accessible le magnifique panorama au public luxembourgeois. En attendant, on peut s’y plonger et s’y perdre jusqu’au 12 avril.
Wenzel von Callot et ses liens
Wenzel von Callot pourrait-il avoir un lien avec Jacques Callot, le graveur de Nancy renommé et reconnu de son vivant pour ses eaux-fortes et notamment ses représentations des misères de la guerre de Trente ans? Des historiens du XIXe siècle l’affirment. Il reste à vérifier l’information qui donnerait un cachet supplémentaire à l’œuvre, d’autant plus si on pouvait établir quelque lien artistique entre Wenzel von Callot et son éventuel ancêtre mort en 1635. En tout cas, cela ne semble pas incongru, puisqu’une famille Callot fait partie des familles lorraines qui se sont mises au service des Habsbourg à une époque où le duché de Lorraine était encore indépendant.
Un panorama peu bavard sur la vie sociale
Le panorama de Wenzel von Callot est peu bavard sur l’histoire sociale de la forteresse (qui voit alors se côtoyer 9.000 habitants et 4.000 soldats) et de ses faubourgs. „Tous les éléments de la vie quotidienne, les personnes, chariots, soldats ne sont pas visibles. Une explication claire et nette à cela n’existe pas“, observe Gilles Genot. On ne distingue que deux personnes, microscopiques, sur le plan. Dans certains détails, comme des portes ouvertes ou des volets mal fermés, l’officier suggère une présence humaine. Mais il faut recourir à d’autres sources pour mettre de la vie derrière les murs et dans la vallée fertile qu’il dessine. Dans un article paru en 2012 dans le magazine Ons Stad, le directeur du Lëtzebuerg City Museum, Guy Thewes évoquait une anecdote qui a eu pour cadre ce paysage et cette période qu’il dit être celle d’un „grand renfermement“. „En 1744, la garnison confisque plusieurs terrains situés à proximité de la porte d’Eich pour les intégrer dans les fortifications“, raconte-t-il. „La mesure frappe aussi les trois sœurs Dodrimont qui possèdent à cet endroit un jardin contenant 48 arbres fruitiers. Âgées de 20, 15 et neuf ans, les trois filles sont orphelines et habitent une minuscule chambre dans une maison au Pfaffenthal. Leur situation matérielle est précaire. Pour nourrir ses deux sœurs mineures, l’aînée tricote, mais c’est le verger qui leur permet de subsister.“ Bien que ce lopin de terre représentait „l’unique petit patrimoine et seule ressource pour leur fournir du pain“, les soldats leur refuseront même de vendre le bois des arbres qu’ils abattent.
Promenade guidée
Les dimanches 15 mars et 5 avril, à 14.30 h et le 5 avril à 14.30 h, l’historien André Bruns propose une découverte de la ville et de la forteresse à l’appui du panorama de 1753, depuis l’endroit où Wenzel von Callot l’a dessiné. La conférence dure 1.30 h au départ de l’hôtel Meliá. Des chaussures de marche et des jumelles sont recommandées. Participation sur inscription: visites@2musees.vdl.lu / tel.: 47 96 45 00.
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Dat waren nach Zäiten.Deemools konnten déi Adeleg nach hir Bedéngschte beetsche sou vill se wollten, ouni an der Press geschleeft ze ginn.
Tempi passati.