TOL, Centaure, Casemates / Une nouvelle saison théâtre en perspective
Le Théâtre du Centaure et le Théâtre ouvert de Luxembourg (TOL) célèbrent cette année 50 ans d’existence sur scène et sur les murs. Tandis que leur aîné, le Kasemattentheater, se fait plus politique que jamais.
L’année 1973 fut une année importante pour l’histoire du théâtre luxembourgeois. De retour de Paris et de la Comédie-Française, Philippe Noesen fonda le Théâtre du Centaure qui allait donner un de ses premiers spectacles en janvier 1974 à Esch avec „Le puits de Fuentes“, drame en quatre actes fraîchement composé par Edmond Dune. En novembre, c’est le Théâtre ouvert du Luxembourg, qualifié d’ouvert pour dire qu’il défend aussi bien l’avant-garde que la tradition, accueillait d’autres troupes et respectait la liberté de chacun de ses membres, qui venait à son tour enrichir la programmation théâtrale. Cet anniversaire sera fêté comme il se doit, et de façon similaire dans les deux théâtres de la capitale.
L’événement oriente le choix des pièces. Ainsi, le Théâtre du Centaure a décidé quatre créations emblématiques. La première, une adaptation du „Chant du cygne“ d’Anton Tchekhov (7 au 14 novembre), évoquera, à propos, la création théâtrale à travers un dialogue nocturne entre une comédienne (interprétée par l’ancienne directrice des lieux, Marja-Leena Junker) et un souffleur (Mathieu Moro). Puis c’est ensuite Molière, et à travers lui Philippe Noesen et Marja-Leena Junker, qui seront honorés par deux créations, reposant sur quatre des œuvres de l’auteur qui a été le plus monté au Centaure. La première proposera une opposition de style entre le séducteur Dom Juan et Arnolphe, qui élève sa future épouse. La seconde voit deux façons de voir le monde s’affronter à travers les yeux du misogyne Alceste et l’imposteur Tartuffe. Les deux pièces sont adaptées et mises en scène par la directrice artistique des lieux Myriam Muller, sur une scénographie et avec des costumes d’Anouk Schiltz, en coproduction avec le Kinneksbond de Mamer. Les huit interprètes sont des comédiens habitués du Centaure.
La quatrième création est destinée au jeune public (à partir de six ans). Il s’agit de la mise en scène du texte „Julie et le petit bonhomme abricot“ de Cosimo D. Suglia, dans l’idée de faire venir la nouvelle génération au théâtre. La célébration de l’anniversaire se poursuivra en rendant hommage aux nombreux membres qui ont aidé le Centaure depuis sa création, avec des portraits et interviews réalisés par Bohumil Kostohryz. Une publication et une séance académique suivront le 7 novembre.
Cabaret gourmand au TOL
Il n’a pas été nécessaire de souffler le mot à la directrice artistique du Théâtre ouvert du Luxembourg depuis 1999, Véronique Fauconnet, pour qu’elle fasse appel, elle aussi, à l’art du portrait de Bohumil Kostohryz. „ A cinquante ans, forcément on se pose. Et en regardant les pièces jouées, les photos et affiches faites, il nous est apparu comme une évidence que le thème de l’ADN serait le thème de cette année“, explique cette dernière. Une exposition de photos et d’affiches (virtuel et au TOL à partir du 14 octobre) permettra de rendre hommage „à tous ceux qui ont permis à ce théâtre, avec beaucoup de passion, d’engagement, de conviction, d’être ce qu’il est aujourd’hui“.
Du côté du contenu, le spectacle spécial „Mangez-moi“ (26 octobre au 18 novembre) consistera en un cabaret gourmand proposant un mélange de textes et de musique, dans le style du cabaret comme le TOL en a été longtemps friand par le passé. Il a semblé évident de faire ce spectacle autour de la nourriture, comme „base du partage“, explique Véronique Fauconnet. L’anniversaire s’est préparé pendant le confinement, avec la nostalgie des grandes tables „où l’on peut rigoler, débattre, manger, boire“. Cette pièce vaudra aussi hommage au fondateur du théâtre disparu en 2015, Marc Olinger, un grand gourmand.
La programmation insistera par ailleurs sur les sujets auxquels le TOL aime mettre l’accent, avec l’écriture française, encore et toujours „l’ADN du TOL“. Avec la mise en scène de „La visite“ d’Anne Berest (en janvier), c’est la place des femmes dans la société et le poids qui pèse sur les jeunes mères soucieuses de leur carrière professionnelle qui seront évoqués. Ce sera la première mise en scène de Christine Muller, le TOL se pensant comme un „tremplin pour jeunes“ dans le métier. D’ailleurs, le TOL accueillera aussi en juin une jeune compagnie franco-allemande – qui interprètera „Apprendre à nager“ de Sasha Marianna Salzmann – et remplira sa fonction d’un „lieu pour se faire connaître“.
La mise en scène de „Trahison“ de Harold Pinter (en mars, par Véronique Fauconnet) peut être aussi vu comme un clin d’oeil à Marc Olinger, dont l’auteur de prédilection était Samuel Beckett, dans la lignée duquel s’inscrit Pinter. La saison finira comme toujours par une comédie, en l’occurrence „The Square“, une pièce sur le théâtre, sur le métier d’acteur, écrite par un jeune auteur lorrain (Clément Koch) avec Pauline Collet à la mise en scène.
(Case)mater l’extrême droite
La naissance du TOL et du Centaure a marqué pour le Kasemattentheater, de neuf ans leur aîné, un resserrement sur les pièces en allemand et en luxembourgeois. En 2023, le théâtre de Bonnevoie aura aussi des anniversaires à fêter, mais pas le sien. Il offrira une balade à travers l’histoire culturelle du Luxembourg en explorant cent années d’existence des Cahiers luxembourgeois créés en 1923 (le 8 décembre avec une lecture de Marc Limpach). Pour les cent ans de la naissance de James Baldwin, il accueillera le chanteur de jazz David Linx qui a vécu avec l’activiste afro-américain dans les années 60 dans le sud de la France. Le 100e anniversaire de la mort de Franz Kafka sera aussi célébré par une lecture de Marc Limpach.
Le Kasemattentheater a décidé d’être encore plus politique que d’habitude. Le président du conseil d’administration, Lex Weyer, et le dramaturge Marc Limpach ont souligné l’urgence d’aborder des sujets tels que le nationalisme, la crise climatique, la crise de la démocratie et des identités. Une lecture historique (ce 28 septembre), centrée sur le Luxemburger Volksblatt, journal né en 1933 et revendiquant son attachement à la patrie, racontera comment ses chefs de file se sont jetés dans les bras des nazis, comme l’avait prédit avant la guerre le directeur du Tageblatt Frantz Clément, suscitant leur ire. Une sélection de textes, opérée par Marc Limpach, sera lue par ce dernier, Nora Koenig et Pitt Simon.
La charge contre le nationalisme étroit se poursuivra avec „PatrIDiot“ (12-21 octobre) de l’auteur (et notre collègue) Jeff Schinker. La pièce explore les thèmes de la patrie et de l’identité au Luxembourg et dans le milieu culturel, en suivant les pas d’une comédienne. Ce sera une première comme pour „Alphabet – 26 Theater-Miniaturen für eine sich erwärmende Welt“, écrit et mis en scène par Calle Fuhr (juin 2024). On retrouve au programme la première de „Trick“ (mai 2024) par Ian de Toffoli, „Nornen“ (juillet 2024) par le collectif Independant little lies, „Corpus delicti“ (23-24 février), sur un texte de Julie Zeh, ainsi que les reprises: „Schwester von…“ (14-15 décembre) mis en scène par Anne Simon, avec Marie Jung pour interprète et la lecture (par Marc Limpach et Elsa Rauchs) de „1940/41 Alex Bonn et la situation des juifs persécutés au Luxembourg“ (29 novembre).
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