Interview avec Ramon de Pineway / „Je veux rester dans le rock“
Ramon Herrig (chant), Andy Kayl (basse), Claudio Petucco (guitare), Christian Junk (claviers) et Christoph Krause (batterie) constituent à eux cinq l’entité Pineway. De quoi s’agit-il? De métal pop, de hard apaisé mais sinueux. La batterie escalade des cimes sans limites au milieu des notes de synthé et des riffs torturés qui crissent par-dessus les intonations sereines quoique grandiloquentes du chanteur. Très punchy, leur nouvel album „Echosystem“ semble avoir été conçu pour le live. Et ça tombe bien puisque Pineway le joue ce vendredi à la Rockhal. Rencontre avec Ramon, le leader du quintette.
Tageblatt: Sur „Echosytem“, on entend du grunge, du folk accéléré, du métal-pop, de la powerpop, du synth-rock, des riffs hard … Quelles sont les influences principales de Pineway?
Ramon Herrig: Chacun apporte son propre style; me concernant, je suis très Tool. Comme il se dit dans notre équipe, „Ramon est à 110% Tool“; c’est presque une religion pour moi. Mais j’écoute aussi pas mal de métal, Soilwork ou In Flames; j’aime les chanteurs qui vont mélodiquement loin avec leur voix. Et puis j’apprécie d’autres groupes, comme Incubus mais aussi Puscifer et A Perfect Circle (tous deux menés par Maynard James Keenan, le chanteur de … Tool – N.D.L.R).
Vous vous appelez Ramon: vous n’écoutez pas les Ramones?
Le punk n’est pas mon domaine, même s’il y a des morceaux de ce genre que j’apprécie. Je n’écoute pas du tout les Ramones et n’ai rien à voir avec eux (rires). Aussi, tout le monde croit que je suis Espagnol parce que je m’appelle Ramon. Mais non. Mes parents aimaient bien ce prénom, c’est tout; nous sommes des Luxembourgeois purs et durs.
Le nom Pineway, lui, d’où vient-il?
Sur „Medusa“, un passage dit „One last time I pine away“. „To pine away“, c’est une expression anglaise, rarement utilisée, qui signifie „se dissoudre“. Ça peut être connoté positivement ou péjorativement. Puisque la musique est si importante pour nous, chacun se dissout dedans; on arrête d’exister en tant qu’individus pour créer une unité en se dissolvant.
Il y a trente ans, Kurt Cobain s’éteignait: qu’est-ce ce que cela vous inspire?
Lorsqu’il est parti, j’étais trop petit. Mais c’est un personnage énorme dans l’évolution du rock, en plus d’avoir contribué à façonner ce style que l’on nomme le grunge. Kurt Cobain inspire beaucoup, par ses textes, sa façon de chanter, son esprit de liberté. Sa rébellion.
L’un de vos morceaux justement s’intitule „Breach“, ce qui veut dire „enfreindre“. Si vous étiez adolescent aujourd’hui, contre quoi vous révolteriez-vous ou qu’auriez-vous envie de transgresser?
Ah, l’époque de l’indignation adolescente est bien passée. Je me révolterais contre l’excès de règles. J’ai l’impression qu’on nous en impose davantage, sans cesse, pour cadrer des aspects minuscules de la vie. Jusqu’à nous laisser une liberté de plus en plus restreinte.
Qu’est-ce qui fait qu’à 41 ans, on a envie de faire de la musique avec la même énergie que si on en avait, pour inverser les deux chiffres de votre âge, 14?
Dès tout petit, mes parents m’ont mis sur le chemin de la musique. Ainsi, j’ai appris l’orgue avec les pédales basses et puis la clarinette ainsi que le solfège au Conservatoire. C’est justement aux alentours de 14 ans que j’ai commencé à jouer de la guitare et, par extension, à découvrir un style de musique plus agressif. A partir de là, je n’ai jamais laissé tomber. Avec Andy nous avons toujours fait du rock voire du métal. Et, à 41 ans, ça ne me viendrait pas à l’esprit de jouer de la musique folklorique ou plus classique; je veux rester dans le rock.
Vous avez toujours été lié avec Andy grâce au rock. Un groupe, n’est-ce pas une sorte de mariage entre amis?
Andy et moi, on se connaît depuis l’école maternelle, on est allés ensuite dans le même lycée, on a même travaillé ensemble, en tant qu’informaticiens. Avec les autres membres de Pineway, on ne se connaît pas depuis aussi longtemps, bien sûr. Mais à partir du moment où on a élaboré „Shift“, et parce qu’en pleine crise Covid on a appris à travailler différemment, je pense qu’on a trouvé notre façon de fonctionner. Bien plus que des amis, je nous vois aujourd’hui comme une petite famille.
La chanson „Mr. Loner“ porte sur l’isolement social. Les paroles découlent-elles de vos propres questions existentielles?
J’essaye toujours de m’occuper de mon monde intérieur. Mais ce n’est pas fait sous une forme égoïste, non, plutôt en relation avec les gens qui m’entourent. Et peut-être au fond que j’essaye de me pencher sur les questions que toutes et tous se posent, en essayant de devenir une meilleure personne, en tout cas quelqu’un de bien.
Je me révolterais contre l’excès de règles. J’ai l’impression qu’on nous en impose davantage, sans cesse, pour cadrer des aspects minuscules de la vie. Jusqu’à nous laisser une liberté de plus en plus restreinte.Pineway
„Legacy“ parle de la tristesse de perdre un être cher.
Pour être précis, ce morceau parle d’une de mes tantes avec laquelle j’étais très lié depuis mon enfance, qui a toujours été là pour moi, et que j’ai vue mourir d’un cancer des poumons. Donc j’ai travaillé sur ce deuil par l’écriture.
Ça vous a fait du bien?
Ça m’a fait pleurer et pleurer. Si j’écris un texte, ça me fait sortir ce qu’il y a en moi; même si ça va rester, au moins une partie va sortir. Ecrire me permet de vivre plus sereinement avec mes sentiments.
Si le groupe se cherchait encore sur „Shift“, „Echosystem“ s’avère plus homogène et affirmé: est-ce que, vous-même, vous vous êtes trouvé?
Je crois que oui. J’ai réussi à bien ranger ma vie, grâce à ma femme et mes enfants, et puis j’ai trouvé ma place dans la société – ce qui n’a pas toujours été facile. D’une certaine manière, je me suis calmé. Mais d’un autre côté, on n’arrête jamais de chercher, je pense que c’est un point essentiel de la vie, c’est important de ne pas rester assis et de ne rien faire. Je pense qu’on cherche toujours quelque chose donc on se cherche toujours.
L’essence de la vie, abordée dans „The Truth“, c’est cela?
Tout à fait. C’est ce moment où l’on est tranquille, où l’on réalise la beauté de la vie, où l’on se dit que c’est bien d’exister. Et, en sentant l’énergie en soi, où l’on a l’envie de faire.
Pineway – Release Party
12 avril à partir de 20 h à la Rockhal (5, av. du Rock’n’Roll, L-4361 Esch/Alzette)
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