Théâtre / Trois femmes qui peuvent toujours rêver: „La ville ouverte“
Dans un texte qui revisite le mythe de Damoclès, trois femmes n’ont plus que le rêve pour échapper à leur condition.
Dans „La ville ouverte“, Samuel Gallet brouille les frontières entre le rêve et la réalité, entre le monde antique et le monde contemporain. Dans sa mise en scène, Aude-Laurence ClermontBiver commence par brouiller la frontière entre fiction et réalité. A l’arrivée des spectateurs, deux comédiennes, Catherine Marques et Juliette Allain, sont déjà sur scène, chacune dans leur chambre, qu’un matelas sépare (la scénographie, minimaliste, est de Marco Gondinho).
La plus jeune, Erine, tapote sur son téléphone, allongée sur le lit. L’autre, pas plus détendue, est Andréa, qui trahit sa rancœur dans des regards perdus dans le lointain. L’arrivée de la troisième, Suzanne (Bach Lan Lê-Bà Thi), marque le début de la pièce. Elle se lance la première dans un monologue dans laquelle elle explique comment le monde lui semble abject et comment elle aurait aimé ne jamais revenir à la maison ce jour où elle a éteint son téléphone et a pris le train pour s’éloigner de son foyer.
Combattre le mâle
Chacune explique le mal qui les ronge et comment elles auraient aimé le combattre. Ce sont trois générations en proie à trois déclinaisons d’un même problème qui n’est jamais nommé, mais qui doit se situer quelque part entre le patriarcat et son rejeton, le capitalisme.
L’aînée Andréa fourbit des rêves de carnage sur son lieu de travail où tout lui semble feint. Suzanne ne supporte plus sa vie de couple. Quant à Erine, c’est l’effondrement du monde qui la rend malade. Chacune a l’impression de vivre avec une épée de Damoclès sur la tête. Alors, la nuit, toutes trois se retrouvent en rêve pour aller régler son compte au propriétaire de l’arme. C’est là que le cœur de la pièce prend un caractère loufoque en plus d’être sérieux.
On est plongé alors à Syracuse, en plein mythe de Damoclès, ce courtisan de Denis le Tyran dont il enviait le pouvoir et auquel ce dernier lui a proposé de prendre sa place. C’est une Syracuse d’aujourd’hui, avec le flot de migrants traversant la Méditerranée.
Andréa devient la générale qui prévoit le stratagème par lequel Erine doit tuer le tyran, sur des conseils de Suzanne qui n’a pas réussi à abattre Damoclès, pas plus qu’elle n’a réussi à se séparer de son mari. L’accomplissement du crime ne changera rien à la condition des trois femmes.
On ne comprend pas bien pourquoi elles ne sont pas en mesure de changer leur destin dans le réel. ll faut dire que le texte mis en scène par Aude-Laurence Clermont-Biver est une commande réalisée par Samuel Gallet dans un cycle d’écriture sur l’onirisme. Son auteur a voulu écrire ce que la société contemporaine fait aux rêves. Mais ce faisant, c’est un texte qui semble dire que la femme est condamnée au rêve, à la passivité, qu’il semble nous livrer.
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