BD „Une vie de villa“ / Suivez Claire lors de son exploration de la „Réimervilla“ et découvrez les intentions de l’éditeur Jérôme Konen
La récente parution de la bande dessinée „Une vie de villa“, dont les dessins sont dûs à Serge Weis et les textes à Claire Michel, placée sous l’égide de Jérôme Konen marquera durablement deux domaines qui ont été réunis pour l’occasion: celui, didactique, de l’archéologie et celui, ludique, de la représentation graphique. Critique et interview avec l’éditeur.
Le projet, initié par Jérôme Konen, à la tête des éditions du même nom („Jérôme Konen Productions“) qui se spécialisent dans ce domaine, prend la forme d’une bande dessinée documentaire unique et visuellement admirable sur l’essor, la vie et la chute de l’Empire romain autour de la villa gallo-romaine d’Echternach. La découverte de l’histoire romaine n’a jamais été aussi accessible que dans ce livre artistiquement illustré. Une nouvelle expérience de lecture passionnante pour les jeunes et les moins jeunes.
Voyage dans le temps
D’emblée, le personnage de Claire invite le lecteur à un voyage dans le temps en rappelant le fait qu’en 1975 apparaissent, au milieu des champs, de vieilles pierres constituant le seul vestige d’une grande et luxueuse maison. Elle sert de guide, de „cicerone“, comme l’on dit en italien, en référence au nom du philosophe et orateur romain Cicéron (106-43 av. J.-C.), symbole de l’éloquence romaine.
Le „Roman dream“, l’art de vivre à la romaine au pays de Willibrord, les infrastructures architecturales, l’histoire, l’atmosphère de l’époque, tous ces éléments se découvrent progressivement au fil d’une lecture qui se veut fluide, distrayante et en même temps éducative. Apprendre l’archéologie et l’histoire gallo-romaine au moyen d’une bande dessinée, n’est-ce pas un peu s’inscrire dans la démarche de l’humaniste Montaigne qui révisait ses déclinaisons grecques en pratiquant un jeu de balle?
Le lecteur, quel que soit son âge et quels que soient ses horizons culturels, prend ainsi conscience qu’en creusant le sol à Echternach, les archéologues ont dégagé un labyrinthe de murs, qu’il s’est ensuite agi de démêler. Comme le précise le personnage de Claire, „cette méthode d’exploration du passé permet de mieux connaître les civilisations anciennes enfouies sous tes pieds“. Articulé en une quarantaine de rubriques qui s’appellent et se complètent (de „Nos ancêtres les Trévires“ à „L’avenir médiéval d’Echternach“), cette bande dessinée, richement et finement illustrée, met en scène autant d’aspects intrinsèques et périphériques instruisant le lecteur tout en le divertissant.
BD polyvalente
Ce livre peut se parcourir comme une suite chronologico-thématique ou, au contraire, comme un ouvrage de consultation ponctuelle qui fournit, ici et là, des informations circonstanciées (en français ou en allemand dans la mesure où deux volumes ont été produits) faciles d’accès et rendant encore plus vivantes les scènes de la vie quotidienne.
En effet, qu’il s’agisse des origines de la villa, des mosaïques, des exportations dans le bassin méditerranéen, des aliments et de la cuisine, de l’ameublement, des parures féminines, du rôle du bain dans la société rurale, de la place des enfants dans la société, de la transformation du verre et du fer, de la dévotion en famille, etc., les „realia“ archéologiques, historiques, commerciales, sociétales, etc. sont avantageusement mises en relief et incitent non seulement à poursuivre la lecture et l’observation des illustrations, mais encore à éventuellement pousser plus en avant des investigations documentaires sur tel ou tel sujet. Cette démarche s’appuie entre autres sur la qualité remarquable du graphisme qui combine précision du trait et souci apporté aux détails picturaux.
Entretien avec l’éditeur Jérôme Konen
Tageblatt: Comment en êtes-vous arrivé à ce projet de livre?
Jérôme Konen: L’artiste originaire de Mersch Serge Weis avait déjà contribué à mes ouvrages précédents („Kasematten“, „Bergwerke“). Après la production du livre „Bergwerke“, j’ai découvert chez lui, dans ses archives, un chef-d’œuvre illustré, composé de 52 planches couvrant l’ensemble de l’époque gallo-romaine, à l’exemple de la villa romaine d’Echternach. Cette réalisation était en fait une mission que lui avait confiée l’Institut national pour le patrimoine architectural (INPA, anciennement „Service des sites et monuments nationaux“). Bien que le texte n’ait pas été achevé et bien qu’un certain nombre de choses aient été encore perfectibles, j’avais le sentiment que le projet éditorial à venir était un défi que j’ai volontiers relevé. Serge Weis a par ailleurs produit ses illustrations en l’espace d’une année. Il s’est documenté par lui-même sur chaque détail. Claire Michel, quant à elle, est une historienne venant de Rouen. Elle a participé à la création du texte et était aussi chargée de la vérification des détails historiques. Le texte français était plus ou moins complet, et il existait même plusieurs versions des différents paragraphes, tantôt dactylographiées, tantôt manuscrites. Il n’y avait pas de traduction allemande à l’époque, ce qui explique en partie l’échec du projet dans sa version initiale.
De quelle manière s’est réalisée la production du livre?
J’ai en premier lieu pris l’initiative de la reproduction des 52 planches. Dans la mesure où les illustrations étaient très détaillées, il fallait une haute résolution ainsi qu’un système adéquat de flashs en sorte de faire ressortir les couleurs adéquates. Vu que ces illustrations se trouvaient sur du papier à dessin jaune, l’impression sur papier blanc a dû passer par Photoshop. J’ai voulu essayer de le faire par moi-même et faire en sorte de maintenir une qualité constante. La mise en page, quant à elle, était plus ou moins donnée par la disposition des illustrations sur les planches. La longueur du texte a parfois dû être adaptée à ce format. Je me suis décidé pour une police d’écriture qui rappelle les inscriptions romaines, c’est-à-dire en lettres capitales afin de sciemment ralentir le rythme de lecture et ainsi de permettre au lecteur de disposer de plus de temps pour se plonger dans chaque page au lieu de simplement survoler l’ensemble. Si l’on prend une loupe, on peut même découvrir des détails surprenants! Enfin, le contraste entre le texte et les images a fait l’objet d’un soin particulier de sorte que ces deux éléments se complètent. C’est pourquoi j’ai choisi des couleurs douces et pastel. Il ne s’agissait en aucun cas de produire une bande dessinée faisant l’effet d’une affiche, mais une BD documentaire susceptible de trouver son public sur le marché du livre luxembourgeois.
Qu’en est-il de la traduction allemande?
Les traductions française et allemande ne sont pas identiques du point de vue de la longueur du texte. Cela a été un des problèmes principaux quant à la traduction de ce livre. Pour chaque langue employée dans une telle ou telle version, j’ai eu recours à un lectorat professionnel. Il s’agit notamment de ne pas faire varier le style d’écriture. La traduction allemande de cette bande dessinée a pris beaucoup de temps, car le volume du texte allemand a dû être adapté à chaque planche, sachant que le contenu était censé rester le même, notamment du point de vue stylistique. Cela a constitué une équation parfois difficile à gérer. Le projet éditorial n’était pas évident. Il a duré plusieurs années, mais je trouve que le résultat est très réussi. Il s’adresse à la fois aux adultes et aux jeunes, qui peuvent ainsi avoir une vue d’ensemble sur l’époque gallo-romaine dans nos régions. Si on en a envie, on peut aller voir les vestiges de la villa romaine d’Echternach: cette BD est, en ce sens, idéale en sorte de se représenter concrètement les choses. Comme je le dis toujours, l’époque des Romains est semblable à la nôtre, excepté concernant l’électricité!
Serge Weis, Claire Michel: „Une vie de villa“
Luxembourg, Jérôme Konen Productions, 2024
ISBN 978-9-99598-202-7
64 pages
29,50 euros
Informations pratiques
www.konen.lu/publications/villa-fr
www.konen.lu/publications/villa-de
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