Forum / Travail du dimanche: notre gouvernement est bel et bien réactionnaire
C’est un changement qu’on veut nous vendre comme étant „moderne“. Ce mot, qui sonne tellement creux, est utilisé à l’usure par l’un ou l’autre membre du gouvernement. En vérité, il ne veut absolument rien dire, et chacun qui l’utilise devrait être obligé d’y ajouter des explications supplémentaires, presque comme un mode d’emploi.
Un autre adjectif utilisé dans le titre du présent papier mérite qu’on s’y attarde un peu, je veux parler du terme de „réactionnaire“. Sachez que d’après le dictionnaire ce mot „désigne une perspective politique conservatrice et traditionaliste d’une personne. Les idéologies réactionnaires peuvent être radicales dans le sens d’un extrémisme politique au service du rétablissement des conditions passées“. Rien à ajouter!
Voilà donc que le gouvernement, par la bouche de son ministre du Travail, est en train de tout vouloir „moderniser“, sauf soi-même … Il semble avoir à cœur d’assurer et d’assumer le rôle de guignol du gouvernement, tellement il est, à tous les coups, à côté de la plaque, que ce soit dans le domaine du Travail ou dans celui du Sport, qu’il chapeaute également, paraît-il.
„Chaque fois que j’ouvre la bouche, il y a un idiot qui parle“, se plaisait à dire mon ancien prof de biologie au Lycée de Garçons de Limpertsberg. Mes lecteurs fidèles doivent (re)connaître. Cette phrase pourrait être partagée par la personne décrite ci-avant.
Petite parenthèse: avez-vous déjà remarqué que souvent, au niveau des responsables gouvernementaux, ce sont les anciens fonctionnaires de l’Etat, ou des apparatchiks, qui sont les meilleurs porte-parole du patronat, une fois au gouvernement. Il en était de même lorsqu’il s’agissait de ministres socialistes, il y a quelques années … Mais revenons à nos moutons.
Le travail du dimanche pour les autres
Voilà donc que le ministre du Travail se propose d’autoriser, pas pour lui, mais pour les autres, le travail du dimanche, 52 fois par an. Quelle innovation, quelle idée, quel courage, j’en reste bouche bée! Si le cardinal catho, avec sa secte, avait encore un quelconque pouvoir ou influence, il monterait au front pour défendre ses ouailles qui étaient censés, jadis, dont le soussigné, d’assister aux vêpres le dimanche après-midi. Ce dernier était sacré, point à la ligne … Précisons qu’après le temps des vêpres, c’est le foot qui, heureusement, a meublé nos après-midi le dimanche, pendant des décennies …
Un „Ersatz“ du service religieux?
J’ai l’impression que NOUS n’avons pas encore compris que le ministre en question, qui se distingue par des interventions très très très intelligentes, a l’intention d’introduire une nouvelle forme de service religieux le dimanche après-midi, un office qui aura lieu dans les centres commerciaux, dans les commerces des centres-villes, ou ailleurs. Ploutos, le Dieu du fric de la mythologie grecque, est de retour. Dorénavant, il sera vénéré tous les dimanches. Dorénavant, il remplacera Jésus et ses supporters.
Pour le gouvernement, le risque politique ou électoral est minime, la plupart des salariés appelés à travailler le dimanche ne sont pas électeurs, car les fonctionnaires, électeurs à 100%, ne sont pas visés. Au contraire, ils seront de l’autre côté de la barrière, dans un rôle de consommateur potentiel. Une fois de plus, avec notre système d’apartheid „civilisé“ (ou institutionnalisé ?), ce seront les immigrés ou les frontaliers qui vont saigner, sauf ceux qui sont mariés à des luxembourgeois. Suivez mon regard …
En fait, le projet de loi du ministre du Travail, qui, au cours de sa vie, n’a jamais travaillé le dimanche, se propose de „permettre aux salariés de travailler jusqu’à 8 heures le dimanche, tout en maintenant la majoration de salaire pour l’ensemble des heures ainsi prestées“. Cette ouverture (sic) concerne tous les commerces définis dans une loi de 1995, qui réglemente la fermeture des magasins de détail dans le commerce et dans l’artisanat.
Lisez la prose cynique que le ministre a daigné ajouter comme motivation. „Le travail dominical (…) reflète les évolutions actuelles d’une société et d’un monde du travail en mutation (sic), en offrant aux salariés l’opportunité d’une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle (…) tout en répondant aux besoins croissants des entreprises pour une meilleure adaptation aux réalités économiques.“
Monsieur le ministre, si vous voulez améliorer le sort des employés concernés, augmentez tout simplement le salaire social minimum.
C’est le pompon de la part de quelqu’un qui ne connaît rien, mais absolument rien, au sujet des réalités économiques ou sociales de notre pays. Sachez qu’une fois de plus, on prend, pardon, on essaie de prendre, les enfants du bon Dieu pour des canards sauvages.
Sachez que le travail du dimanche est déjà pratiqué aujourd’hui dans le secteur concerné, mais limité à quatre heures par employé. Il peut même passer à huit heures, à condition d’être négocié au sein d’une convention collective, mais nous voilà dans un autre dossier que le ministre se propose de revoir, de „moderniser (?)“.
A la baisse, bien entendu. „Réactionnairement (sic)!“
La nouvelle politique sociale du gouvernement
Le but du ministre, et donc du gouvernement, c’est de mettre en place un système qui squeeze, qui contourne, les conventions collectives. La porte ouverte à toutes formes de dérive … C’est cela la nouvelle politique sociale du gouvernement.
Et cela se fait au moment, où, sous la houlette de l’ancien commissaire européen du Travail luxembourgeois, la Commission européenne a demandé que plus d’entreprises aient recours à une convention collective.
Sachez également que le ministre du Travail se propose, en parallèle, de vouloir introduire une négociation directe entre les salariés et le patronat, sans passer par les pouvoirs intermédiaires, dans le cas présent les syndicats représentatifs.
Petite remarque: comme tout gouvernement qui ne se respecte pas, le gouvernement actuel essaie de contourner, de mettre hors-jeu, les syndicats ou autres pouvoirs intermédiaires, tellement nécessaires dans une démocratie qui mérite ce nom. Et pas seulement dans le domaine sous rubrique. Erreur fatale à la longue, contraire aux intérêts de notre modèle social qui se distingue par un vrai dialogue social. Et, surtout, la paix sociale, quasi la suite logique.
Et puis il faut savoir que l’ouverture des commerces le dimanche favorise surtout, presque exclusivement, les grandes enseignes. Les petites structures éprouvent des difficultés à rivaliser avec les grandes, surtout en termes de ressources, ce qui risque d’exacerber les inégalités commerciales, surtout en centre-ville, en faveur des grandes structures. Une telle mesure risque de porter un coup mortel définitif aux petites enseignes, déjà en grande souffrance, et qui forment quand même le charme de nos centres-villes tout en y insufflant de la vie …
Quelle société voulons-nous ?
C’est la question que, légitimement, on peut se poser. Est-ce que pour le gouvernement actuel, les fondements de l’existence, le sens de la vie des êtres humains se réduit à la consommation de quelques-uns aux dépens d’une majorité? La réponse est oui!
Dis-moi combien tu consommes, et je te dirai qui tu es! Attention, dans ce dossier se cache à peine une vraie question sociétale, voire une dimension philosophique. Le dimanche, jour de repos à l’origine, doit rester un moment de repos précieux, destiné à être consacré d’abord à la famille ou aux amis. Le parti politique qui, depuis des décennies, veut se positionner comme étant le meilleur défenseur de la famille, n’hésite pas à poignarder cette dernière définitivement. Sans même parler du droit élémentaire de voir en toute décontraction ses amis, de participer à la vie associative, que ce soit dans le domaine culturel, sportif ou autre. Ou de faire au moins une fois par semaine ce dont on a envie.
Allons-nous transformer, définitivement, notre société en alpha oméga de la consommation? Est-ce que nous n’avons plus qu’à proposer, désormais, comme organisation de la vie, comme sens premier de la vie, une promenade dominicale au centre commercial ou l’accumulation, des fois éhontée, de biens de grande consommation? Avec un pouvoir d’achat réduit pour la plupart de nos concitoyens, fonctionnaires de l’Etat ou autres exclus. Sachant en plus qu’un même euro ne peut être dépensé qu’une seule fois, que ce soit en semaine ou le dimanche.
Ainsi, nous assistons, depuis quelque temps, à une sur-marchandisation des esprits et de la société, même des mots et des choses, de la nature et de la culture, des corps et des esprits, caractéristiques pour notre société d’aujourd’hui. Notre propre existence risque de se réduire, principalement, à celle de simple consommateur. Et ce seulement quelques siècles après les Lumières, ce courant de pensée philosophique tellement typique pour notre continent, et dont les artisans principaux furent notamment Montesquieu, Voltaire ou J.J. Rousseau qui, avec d’autres, se sont concentrés sur un même sujet: la remise en question des structures politiques et des systèmes de valeurs traditionnelles (religion, monarchie absolue, éducation, sciences, etc).
Mais pardon, l’Etat et son bras prolongé le gouvernement, ne devrait-il pas encourager ou mettre en avant d’autres valeurs ou activités sociétales, œuvrer pour transformer les consommateurs en de vrais citoyens, au lieu d’ouvrir toutes les vannes de cette marchandisation sans limites et tellement bête?
Dans ce contexte, on peut citer Aristote, le disciple de Platon: „Le bonheur réside dans le repos et la contemplation“. Vive le bonheur! Rideau!
- Das erwarten sich die Redakteure und die Winzerin vom neuen Projekt - 20. November 2024.
- Vom Ehemann betäubt, von Fremden vergewaltigt: Opfer sagt erstmals vor Gericht aus - 20. November 2024.
- Bauern protestieren weiter gegen Mercosur-Abkommen - 20. November 2024.
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können.
Melden sie sich an
Registrieren Sie sich kostenlos