Dans une interview télévisée, sur une petite chaîne privée qu’elles squattent régulièrement pour des séances dignes des enfoirés ou des guignols de l’info, ces deux compères se font un plaisir de déblatérer sur des sujets d’actualité. Si vous aimez le cabaret politique, genre Muppet Show, je vous enjoins d’y jeter un regard, des fois c’est lénifiant, des fois c’est terrifiant, des fois c’est d’un niveau affligeant. Pas sûr que Piggy, miss Piggy dans la version originale, une des principales marionnettes de la série télévisée, au caractère exubérant, narcissique et aux crises de colère légendaires, ferait une crise de jalousie.

C’est cette appréciation qui incombe à leur dernière prestation qui a mis le feu aux poudres, en déclenchant quelque chose de potentiellement explosif ou dangereux dans la presse et sur les réseaux sociaux. Précision: il est question à la fois du fond et de la forme, hélas!

Mais passons d’abord aux présentations: Simone Le Pen, comme échevine meilleure gregario de la bourgmestre de la Ville de Luxembourg, n’était pas connue jusqu’à présent pour ses déclarations fracassantes ou des propositions originales, cultivées dans son propre jardin. Comme d’autres dans son parti, pour ses discours ou autres interventions, elle aimait surtout faire fonctionner le système „Université de Nancy“, si vous voyez ce que je veux dire …

Suivre la meute, les yeux fermés si possible, tel a toujours été son mot d’ordre. Elle était surtout connue pour ses compétences de savoir ouvrir les portes déjà ouvertes depuis belle lurette. C’est sûrement le secret de sa longévité politique.

De peu échappée à la prison!

L’autre personne, Astrid Zemmour, connue pour avoir navigué, au cours de sa très très très longue carrière politique, de la gauche vers la droite, voire l’extrême droite, avant de jeter son ancre au CSV. Déjà à l’époque, ce parti faisait les poubelles régulièrement. Pour les briscards, il est de notoriété qu’elle a été condamnée par la Justice, en deuxième instance, il y a plus de 35 ans, pour corruption dans le chef de son activité comme bourgmestre d’une grande municipalité du sud du pays. Elle a été interdite „de remplir des fonctions, emplois ou offices publics pendant une durée de cinq ans“. Comme l’écrira le Lëtzebuerger Land plus tard: „Mais le CSV protégea la transfuge socialiste en la plaçant sur la liste aux élections européennes de 1989 … and the rest is history.“ Donc pas la peine d’enfiler, aujourd’hui, le costume du chevalier blanc. En fait, Mme Zemmour a entamé une très très très longue carrière européenne parce que devenue inéligible sur le plan national. Son mot d’ordre, avec sa voix nasillarde, était pendant des décennies: plastronner, plastronner, toujours plastronner! Vous la jetez par la porte principale, elle va rentrer par la fenêtre peu après.

Voilà pour le décor!

Ces deux compères se sont donc retrouvées l’autre jour, pour commenter, ensemble, l’actualité en général et le problème de la mendicité en particulier. Je savais que cela promettait, et je n’ai pas été déçu, loin de là.

Mes oreilles ont sifflé quand j’ai entendu le déferlement de mensonges, de contre-vérités, surtout juridiques, de lapsus, de clichés, de préjugés, de paroles populistes, d’inepties, d’amalgames, de dédain, de mépris. Vraiment, c’est très rare d’entendre autant de merdes en si peu de temps.

Des florilèges. En veux-tu? En voilà!

– „Les luxembourgeois ne mendient pas!“ Déclaration complètement fausse. Parmi les mendiants, les Luxembourgeois constituent au contraire la majorité. Mauvaise connaissance du terrain! Par contre, en ce qui concerne les habitants de la Ville de Luxembourg, les non-Luxembourgeois constituent la majorité, c’est vrai. Confusion volontaire, peut-être, mais confusion quand même?

– La plupart des mendiants sont des personnes „de couleur foncée“. Racisme, quand tu nous tiens!

– „Les mendiants sont toujours agressifs.“ Totalement faux, à moins que leur simple présence soit ressentie comme une agression.

– „Des mendiants m’ont roté dessus.“ Impossible de contrôler. Mais fait avéré ou faits avérés …?

– „En cas, je peux faire du jujitsu, avant, je pratiquais ce sport.“ Ça va pas la tête? Blague ou surestimation de soi-même? „On n’a pas tous les jours vingt ans“, chante e.a. Patrick Bruel. Ou préfiguration des fonctions de la future police municipale où les membres du collège échevinal de la Ville de Luxembourg, si possible armés, vont enfiler eux-mêmes l’uniforme ad hoc pour imposer la loi (ou leur loi?), faire des rondes, interpeller, intervenir sur le terrain. Comme on dit aujourd’hui en France: „grave, très grave“! Oui, du n’importe quoi! En comparaison, le café de commerce et son niveau intellectuel fait figure d’université …

– „La plupart des mendiants sont des criminels étrangers.“ Besoin de commentaire? Ou arrêter le pastis en trop grandes quantités?

– „La plupart des mendiants sont des esclaves.“ Et oui, la voilà la rengaine de la mendicité organisée par des voyous étrangers qui viennent en Mercedes décharger le matin „la racaille des mendiants“ en Ville. Et encaisser le soir. Sans un soupçon de preuve. Complètement gratuit! Et même au cas où, un élu du peuple devrait dénoncer des faits précis, si avérés, si connus, à la police ou au parquet. Rien de ce genre, à ma connaissance!

– „La police ne dispose plus de cellules de dégrisement comme avant.“ Pardon? Faut-il mettre les mendiants directement en prison, sont-ils tous des criminels, des alcooliques, plus que certains politiques? Heureusement qu’ils n’ont pas été tous déjà condamnés par la justice, comme Mme Zemmour par exemple.

– La cerise sur le gâteau, comme dirait mon ami MB, est sans aucun doute, l’affirmation suivante de Mme Le Pen: „Les mendiants, je les ai toujours gavés, je les gave toujours.“ En luxembourgeois, la citation est plus prégnante: „Ech hunn se ëmmer gefiddert, ech fidderen se dauernd.“ Quel mépris de la gent humaine! Quelle arrogance, quel mépris de classe sociale. Dégueulasse! Mettre les êtres humains au même niveau que les animaux, ça en dit tellement long.

Dorénavant les digues sont ouvertes

Hélas, si, dans notre société, il fallait encore une preuve supplémentaire pour souligner de quelle façon des digues protectrices d’un vivre en commun civilisé, respectueux des minorités, des moins bien lotis, dans notre société dite démocratique, a dérapé, grâce aux efforts conjoints d’un ministre de l’Intérieur à côté de la plaque et d’un collège échevinal véritablement obsédé par le dossier des mendiants, cette preuve a été livrée par les deux égéries, devant des caméras de télévision en marche.

On n’ose imaginer le Luxembourg, un jour, en proie à des problèmes sociaux dramatiques, ou les beefsteaks seront plus petits pour tout le monde, ou il faudra gérer des moins-values budgétaires et autres. Les mendiants, les cas sociaux, les RMgistes, les pauvres, les non-Luxembourgeois, les salariés au SSM, les chômeurs, les réfugiés, etc. seront à plaindre.

Depuis les dernières élections législatives, un vent plus froid s’est installé au Luxembourg, on dirait le Mistral. Pour la plupart, le nouveau gouvernement, „petit Léon“ en tête, en est responsable, mais pas que. Une nouvelle mentalité, un climat malsain est en train de s’installer, cela n’augure rien de bon pour des lendemains qui ne chanteront pas.

Si un nouveau gouvernement a comme activité principale, presque unique, la chasse aux mendiants, cela en dit long.

Pauvre Luxembourg. Pauvre gouvernement. Pauvres hommes/femmes politiques.

Ressaisissez-vous svp! Il n’est pas encore trop tard!

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