L’histoire du temps présent / 1940: Nouvelle année scolaire au Lycée de jeunes filles à Luxembourg
Je m’étais proposé de regarder la situation au Lycée de jeunes filles à Luxembourg, au moment où son directeur Edouard Oster répond à la demande pressante du conseiller Louis Simmer et lui remet une liste d’élèves juives (13 septembre 1940), de même au moment du „renvoi“ de ces élèves (30 octobre 1940).
Dans le tram, après l’enregistrement de mon exposé pour le „Zäithistoriker“ à 100,7, les documents que j’avais parcourus me restaient présents. Ils me semblaient refléter les confusions de cet automne 1940. Et je voyais soudain, qu’en changeant le regard … Et je me suis remis au travail.
De Georges Buchler
L’année scolaire 40/41 débute officiellement le mardi 1er octobre. Le lundi a été célébré la messe du Saint-Esprit dans la crypte de la cathédrale. Samedi 28 septembre, le Gauleiter a tenu sa première Großkundgebung dans les halles d’exposition à Limpertsberg: Luxemburg ist und bleibt deutsch.
Le Kommissar
Les lycées luxembourgeois vont être intégrés au système scolaire du Reich. Ce processus est fortement impulsé par un nouvel acteur, l’Oberschulrat Hanns Lippmann, 45 ans, commissaire du CdZ pour l’enseignement supérieur. Il s’installe à St Maximin, au Regierungsgebäude. En son nom, Simmer convoque une conférence des directeurs pour le mardi 3 septembre. D’autres réunions suivront au début et au milieu de chaque mois.
En quatre réunions des directeurs, Lippmann accompagne la transformation de l’enseignement secondaire luxembourgeois. A la différence des directeurs, il connaît la feuille de route.
Il veut une Angleichung rapide aux staatliche Oberschulen allemandes, l’intégration des enseignants dans le système administratif du Reich, l’ouverture du monde scolaire à la VdB et la Luxemburger Volksjugend. „Das Schuljahr muss […] in jeder Beziehung als Übergangsjahr angesehen werden“, écrit Lippmann.
Dans son rapport du 10 septembre über das Höhere Schulwesen und über das Hochschulwesen in Luxemburg, il explicite des Sofortmaßnahmen. Ce rapport est attendu par le Ministerialrat Bohne du Reichsministerium für Wissenschaft, Erziehung und Volksbildung à Berlin. Le 6 septembre celui-ci demande aussi des précisions sur les plans de Lippmann pour les Schulungen des enseignants.
La réunion du 3 septembre a lieu avant la Verpflichtungserklärung: le Gauleiter exige en effet que chaque membre du personnel scolaire signe le formulaire suivant, transmis par la commission administrative: „Ich verpflichte mich, alle Anordnungen der Deutschen Zivilverwaltung in Luxemburg und der von ihr in Luxemburg eingesetzten Dienststellen gewissenhaft durchzuführen.“ Simon précise: „Denjenigen Beamten und Lehrern, die sich außerstande sehen, die vorgenannte Verpflichtungserklärung zu vollziehen, ist mit sofortiger Wirkung die Ausübung jeder Diensttätigkeit zu untersagen. Weitere Maßnahmen gegen diese Beamten und Lehrer behalte ich mir vor.“
Le 7 septembre, c’est à Lippmann qu’on soumet le cas des élèves de première, rentrées de l’évacuation en France et qui n’avaient pu passer l’examen. Il décide sur dossier à qui accorder le diplôme.
A la réunion du 3 octobre, la situation des stagiaires est évoquée. Lippmann se rend à Coblence le 5, pour une Besprechung auprès du Oberpräsident der Rheinprovinz. Le 8, cette administration indique les établissements de la Rheinprovinz où seront affectés les sept stagiaires qui ont réussi l’examen pédagogique en été. Ils remplaceront mit sofortiger Wirkung mit vollem Lehrauftrag des enseignants allemands appelés sous les armes. La réunion du 15 octobre prépare la distribution des Personal- und Besoldungsbögen.
Lippmann commande dix exemplaires du livre „Erziehung und Unterricht“, pour aider à se familiariser avec le système éducatif allemand.
Au cours du mois de septembre, des groupes de travail élaborent les plans d’heures. Lippmann fixe la tâche hebdomadaire des enseignants. Une liste provisoire des manuels est établie. Il a été décidé le 3 septembre d’utiliser des manuels du Reich en histoire, géographie, biologie, physique et chimie. Pour la lecture, les anciens manuels resteront au programme, mais: „Lesestücke und Gedichte, die nicht besprochen werden dürfen (jüdische Schriftsteller), werden besonders bezeichnet. Die Direktoren haben sich verpflichtet, diese Anordnung, die eine Konzession an die vertrauensvolle Zusammenarbeit bedeutet, streng zu beachten. Eine Nachprüfung ist zu jeder Zeit möglich.“ Les leçons dureront 45 minutes pour libérer les après-midis du mardi et jeudi.
Edouard Oster a pris des notes pendant certaines de ces réunions avec Lippmann. Il a préparé des questions à poser à l’Oberschulrat. Elles reflètent l’état de son information.
Ainsi, le 16 septembre, en rapport aux après-midis libérés, pour activités culturelles dit-on, les directeurs font valoir le règlement scolaire, strict sur le comportement des élèves en dehors de l’école (cinéma ou théâtre uniquement accompagnés par un adulte …) et soulignent leurs devoirs religieux (messe, confession). Dans cette même réunion, trois jours après avoir remis la liste des élèves juives à Simmer, Oster demande: „Sind Verfügungen über die Zulassung nichtarischer Schülerinnen geplant?“
Octobre
Une première Schulung est annoncée du 21 octobre au 8 novembre. Elle se tiendra à Bad Stromberg. Pour le Lycée de jeunes filles deux dames et un homme sont prévus.
Edouard Oster réunit une conférence des professeurs, le lundi 14 octobre. Elle décide de tirer les trois participants au sort. Robert Kieffer prend alors la place d’un collègue, père de famille. Finalement les dames ne participeront pas à cette première Schulung. Robert Kieffer est donc le seul représentant du lycée à Stromberg.
Le lycée fait une demande collective d’entrée dans la VdB le 25 octobre. Dans les quelques jours qui précèdent: suppression du parlement et du conseil d’état ; introduction d’un Sonderdienststrafgericht für Beamte; destitution d’Albert Wehrer qui est interrogé à la Villa Pauly les 24 et 25 octobre … Le 24 octobre, Louis Simmer transmet la directive suivante: „Die weltlichen Lehrer und Lehrerinnen aller Schulordnungen sind auf Anordnung des Chefs der Zivilverwaltung verpflichtet, an den wöchentlichen Schulungsabenden [der VdB] teilzunehmen.“
Ce même 24, le Landesleiter de la VdB, Kratzenberg, annonce que l’entrée à la VdB sera fermée aux fonctionnaires. Dans l’après-midi du 25 octobre, une conférence du personnel du lycée décide de l’entrée ou non à la VdB. Les dossiers d’épuration gardent des traces des discussions. Deux positions se confrontent: Autour d’Edmond Wampach, ancien président de l’alliance française, se groupent des hommes mariés. A leur avis il ne faut plus attendre, il faut entrer avant que ce ne soit définitivement trop tard.
Anne Beffort réunit derrière elle nombre de ses collègues féminines. Elle refuse d’entrer. Trois dames quittent la conférence pour demander avis au chargé d’affaires américain, Platt Waller.
Les directeurs Wagner (Athénée), Faber (Ecole industrielle) et Oster ont demandé l’avis de l’Oberschulrat, qui leur conseille: „Die Direktoren sollen den Mitgliedern ihres Lehrpersonals dringend raten, der VdB-Bewegung beizutreten; es wird jedoch niemand des Amtes enthoben, wenn er nicht beitritt.“
Finalement, la décision est prise d’entrer. Tous les membres laïcs du personnel enseignant signent la demande d’adhésion collective. L’un d’entre eux est déjà membre depuis plusieurs semaines.
Robert Kieffer n’a pas vécu ce moment. A Stromberg, il retrouve Pierre Biermann, déjà résistant. Tous les deux ont reçu la nouvelle de l’entrée dans la VdB de leurs établissements respectifs. Ils décident, par solidarité avec leurs collègues, de signer une demande à leur tour.
Le 29 octobre, le conseiller Simmer transmet la directive du Cdz qui exclut les enfants juifs des écoles. C’est le jour de la réunion de service pour tous les enseignants du pays, au cercle municipal. Elle se tient en présence du Reichserziehungsminister Rust. Pendant cette manifestation, au milieu du corps enseignant de son lycée, Edouard Oster fait un malaise.
Le lendemain Oster est à son poste au lycée. Il y affiche un message invitant les élèves juives à passer à son bureau. Il informe aussi Simmer, que les livres d’auteurs juifs ou dont le contenu insulterait l’Allemagne ont été retirés de la bibliothèque des élèves.
Parmi les 30 signataires de la demande collective, deux hommes reçoivent un avertissement ou un blâme en 1945/46. Huit auront une mention honorifique lors de l’épuration (six femmes et deux hommes). Parmi eux, Robert Kieffer. En août 1945, il est nommé directeur du Lycée de jeunes filles. Il est membre de la commission d’épuration de Louis Simmer qui soulève la question de ses responsabilités quant à l’entrée dans la VdB et l’expulsion des élèves juives.
En 1952, la LPPD prépare l’édition d’un Livre d’or de la Résistance. Pour le chapitre sur la résistance estudiantine, elle demande à Kieffer les noms des élèves concernées de son établissement. Parmi les noms qu’il remet sont ceux des élèves juives expulsées.
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La première dame depuis la gauche est Germaine Hemes, la 2e dame (5e personne depuis la gauche) est Melle (Hélène???) Palgen. Elles étaient prof au Lycée lors de mon entrée en 1947. Robert Kieffer était le directeur. Salutations L. J-M