LuxFilmFest / A l’encontre du „feel good movie“
A l’heure d’un palmarès assez fort, petit retour sur cette édition hybride, dont le plus grand miracle, outre une programmation dans l’ensemble assez forte, est d’avoir eu lieu sans encombre. Le Luxembourg continue ainsi de montrer à ses voisins qu’une vie culturelle est non seulement possible, mais plus que jamais nécessaire.
Cette onzième mouture du LuxFilmFest vient de se terminer et, contrairement à l’édition 2020, interrompue à cause de la pandémie et du début du premier confinement, elle s’est passée sans heurts, avec une version hybride qui permettait de voir les films dans les salles (à effectifs réduits pourtant) et à domicile, sur nos écrans privés. Force est d’admettre, malgré qu’on n’y retrouve pas l’ambiance de l’expérience dans les grandes salles, que le dispositif a fonctionné, grâce notamment à une plus grande flexibilité de visionnage, même si le digital ne remplaçait pourtant pas les séances en salle (d’ailleurs, cette hybridisation nous a permis de vérifier qu’on est plus concentré dans une vraie salle qu’à la maison, où la possibilité d’arrêter le film à tout moment pour se refaire un café gâche un peu l’immersion).
Le retranchement du festival vers le home cinéma accentue néanmoins les différences sociales – alors que le géoblocage excluait d’emblée les frontaliers, un tel choix privilégie aussi ceux et celles qui disposent de grands écrans chez eux, alors qu’au cinéma, même si les tarifs unitaires ne permettent pas d’effacer toutes différences sociales, une fois fait l’acquisition d’un billet d’entrée, l’expérience de visionnage est pareille pour tout visiteur.
Sur le plan du contenu, de haute qualité assez élevée, le festival privilégiait la forme hybride, certains documentaires ayant eu recours à des formes narratives fictionnelles („The Mole Agent“) là où nombre de fictions s’inspiraient d’événements historiques ou de réalités sociales actuelles („Nomadland“). Si le festival a heureusement évité un écueil – celui de l’avalanche de biopics – il manquait peut-être à cette programmation – de haute qualité, certes – la folie de l’invention fictionnelle à l’état pur. Face à un monde où pullulent la précarité, l’abus, les conflits et la migration, face aussi à la nécessité d’accomplir, encore et encore, le travail de la mémoire (qu’on pense aux films sur la Shoah („The Living Witnesses“), sur Srebrenica („Quo Vadis, Aida?“, couronné à très juste titre par le Grand prix et le prix de la Critique), sur la migration („Gervar’s Land“ ou „Nemesis“, qui a eu le prix du Documentaire), on pouvait éprouver le sentiment que le réel écrasait la fiction.
Un faux parfum de scandale: l’affaire „An zéro“
Alors qu’on baignait en plein dans le festival, un article de nos collègues du Journal venait répandre un faux parfum de scandale, publiant une enquête qui partait du constat que la réalisatrice n’était pas d’accord avec la version finale du film.
Les auteurs de l’article, dont Bill Wirtz, qui apparaît lui-même dans le film, affirment que les producteurs auraient supprimé tout aspect positif relatif au Luxembourg. C’est tout simplement erroné: Simone Beck, une des intervenantes, y prône par exemple l’esprit d’ouverture qui qualifie le grand-duché. L’article affirme encore qu’on y aurait enlevé toute allusion au slogan „Mir wëlle bleiwen, wat mir sinn“: C’est faux à nouveau, puisqu’on retrouve le slogan dans le volet fictionnel, sous forme d’une affiche tapissée sur le mur (par ailleurs, je vois mal en quoi tout film qui ôte ce slogan serait anti-luxembourgeois).
On y lit que le film essaie de semer la panique en montrant la fuite paniquée des résidents. C’est, encore une fois, assez loin du compte: si la population réagit effectivement d’une telle manière dans le volet fictionnel, les experts consultés insistent sur la nécessité de suivre les consignes gouvernementales et sur les dangers qu’il y aurait à sortir de chez soi. Le film insiste ainsi sur un décalage (probable) entre théorie et mise en pratique – et constitue de ce fait un avertissement. Se dégage de cette argumentation l’impression que les collègues du Journal n’ont pas saisi la différence entre fiction et documentaire, pourtant marquée on ne peut plus clairement dans le film.
Le véritable problème est ailleurs: „An zéro“ n’est pas un film anti-luxembourgeois, c’est tout simplement un film bâclé. Et je suis persuadé que le director’s cut prévu n’effacera pas ses innombrables défauts: un pseudo-débat monté de toutes pièces par des gens interviewés en réalité un par un – là, l’article du Journal met le doigt sur un énorme défaut déontologique du film –, et une fiction écrite avec les pieds, mal jouée, qui fait peine à voir.
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