France / Barnier pourra-t-il se passer du 49-3 pour faire adopter son budget?
Cette première semaine de discussion en séance plénière du projet de budget pour 2025 se termine, ce samedi matin, dans un climat difficile, qui n’incite guère à l’optimisme. Rarement en effet sous la Ve République, même durant les deux dernières années où l’exécutif ne disposait déjà au Palais-Bourbon que d’une majorité relative, les dysfonctionnements n’auront été aussi nombreux ni aussi évidents.
On aura ainsi vu, le week-end dernier, la commission des Finances de l’Assemblée adopter, l’une après l’autre, une kyrielle de propositions d’amendements tendant, en gros, à alourdir les ponctions fiscales d’une bonne trentaine de milliards d’euros – certes sur les plus hauts revenus, dans l’ensemble, mais dans une proportion qui ne serait évidemment pas restée sans conséquences lourdes sur les investissements étrangers en France, voire le simple maintien dans l’Hexagone du siège de grandes sociétés. Et cela, donc, avec certaines voix de la „majorité“ toute relative du gouvernement. Puis rejeter tranquillement, au moment de valider l’ensemble du dispositif, les propositions qui venaient d’être validées au coup par coup.
Sur ce point-là au moins, Michel Barnier ne pouvait que pousser un soupir de soulagement. Mais ladite commission, présidée par le député de La France Insoumise Eric Coquerel, allait continuer à opposer des contre-propositions au texte gouvernemental, ce qui relève après tout de son rôle, mais n’aura cessé de susciter certains états d’âme au sein du „bloc central“ soutenant en principe l’exécutif. Un bloc de moins en moins homogène, puisqu’à l’occasion d’une élection interne à l’Assemblée, à la suite d’une nomination au gouvernement qui laissait vacant un siège de vice-président, il s’est divisé à nouveau, en permettant son remplacement par un élu écologiste, après la désignation d’une élue de l’opposition d’extrême gauche à la tête de la commission des Affaires économiques.
Il y aura eu aussi, dans la suite des péripéties douloureuses pour le fragile pouvoir de M. Barnier – dont la qualité d’écoute à l’égard des parlementaires est cependant saluée assez largement – le rejet, hier, à l’unanimité, de la partie recettes du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2025, ce qui revenait à retoquer l’ensemble du texte. Plusieurs mesures clés en avaient déjà été supprimées cette semaine, comme la refonte des cotisations patronales et le gel des pensions de retraite, voulues par le gouvernement pour dégager chacune quatre milliards d’économies.
Guedj: „Il n’y a pas de pilote dans l’avion“
Une situation inédite qui démontre, selon l’élu PS Jérôme Guedj, qu’„il n’y a pas de pilote dans l’avion“. Et la députée verte Sandrine Rousseau de surenchérir: „Il y a vraiment une fronde qui dépasse le Nouveau Front populaire, j’espère que le gouvernement va l’entendre.“ Son collègue mélenchoniste Hadrien Clouet n’a pas été plus indulgent: „Lorsque le budget de Michel Barnier est arrivé en commission, il n’avait aucun soutien; maintenant qu’il repart, il n’a que des adversaires.“ Au point qu’une élue macroniste, Stéphanie Rist, estime désormais qu’il „faut revoir la copie et y apporter des modifications si on veut que ce texte soit voté“.
S’il ne s’agissait que d’„apporter des modifications“, le travail, sans être facile, resterait peut-être raisonnable. Mais le problème est plus vaste. D’abord parce qu’il reste, alors que le débat budgétaire a commencé plus tard que d’ordinaire, environ 2.500 amendements à examiner. Sur les quelque 3.500 déposés à l’origine, chiffre qui montre au passage que leur multiplication est devenue une façon de paralyser l’examen d’un texte, bien plus que de l’améliorer. Ensuite parce que plus les débats avancent (si l’on peut dire …), plus les fissures au sein du „bloc central“ deviennent apparentes, notamment entre la droite classique, les macronistes et le centre dirigé par François Bayrou.
On n’en est certes pas encore arrivé à une dislocation de la „majorité“; mais jusque sur ses propres bancs, on commence à se poser de plus en plus ouvertement la question: comment Michel Barnier pourra-t-il échapper au recours à ce fameux article 49-3 de la Constitution, qui lui permettra, au prix de l’engagement de responsabilité de son gouvernement, de faire passer son budget sans vote? Au risque d’une victoire de la motion de censure qui ne manquera pas d’être déposée, mais que le RN pourrait ne pas (encore) voter. On a connu des situations plus confortables.
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