L’histoire du temps présent / Ceux qui hurlaient avec les loups
A force d’être niés ou mal nommés, certains événements du passé finissent, semble-t-il, par imposer leur volonté. L’histoire du Reserve-Polizei-Bataillon 101 en est un exemple. Cette unité a été l’une des chevilles ouvrières de l’entreprise génocidaire nazie. 14 Luxembourgeois ont servi en son sein. Leur éventuelle participation à ses crimes continue de hanter notre conscience collective. Rien que ces derniers mois, pas moins de quatre auteurs se sont emparés du sujet.
Le 25 décembre 1962, la petite ville de Maragole, dans le Sud du Luxembourg, est sortie de sa torpeur par un meurtre. Le flûtiste de l’orchestre local a été empoisonné pendant l’entracte du traditionnel concert de Noël. L’enquête révèle peu à peu que le crime pourrait avoir un rapport avec une unité de police allemande, qui pendant la guerre, sévit notamment en Pologne. C’est ainsi que commence „Concert de Gala“, le premier roman d’Alphonse Cruchten, un polar dont le véritable sujet est la perpétuation de la mémoire. Celle qui, apparemment refoulée des consciences ou effacée par le temps, n’en continue pas moins d’agir. Remonte fatalement à la surface.
Il en est ainsi de l’histoire du Reserve-Polizei-Bataillon (RPB ) 101 et, plus particulièrement, des 14 soldats luxembourgeois de la Compagnie des volontaires qui y furent intégrés. En juin 1942, cette unité de 500 hommes fut envoyée dans le district de Lublin, en Pologne occupée. Pendant l’été de cette première année et à l’automne de la suivante, elle fusilla près de 38.000 Juifs et en déporta 45.000 autres. Dans l’intervalle, elle participa aussi aux opérations dites de „Partisanenbekämpfung“, qui consistaient à traquer et à abattre les résistants et les Juifs qui se cachaient dans les forêts du district.
Les exactions du RPB 101, et l’éventuelle participation des 14 Luxembourgeois, hantent depuis la conscience collective. Loin de s’estomper, le besoin de savoir ce qu’ils ont fait semble se renforcer à mesure que le temps passe. Ces derniers mois, plusieurs auteurs se sont emparés du sujet. Alphonse Cruchten, dans son roman, mais aussi le journaliste Mil Lorang, dont le nouveau livre vient de paraître. Enfin, deux jeunes historiens, Elisabeth Hoffmann et Jérôme Courtoy viennent de rendre publique une découverte qui pourrait relancer le débat.
Les Luxembourgeois pris dans la controverse
L’histoire du RPB 101 a été mise en lumière dans les années 1990, après la publication de deux livres: „Des hommes ordinaires“, de l’historien Christopher Browning et „Les bourreaux volontaires de Hitler“, du politologue Daniel Goldhagen. Les deux auteurs y soulignaient que les hommes du bataillon n’étaient pour la plupart pas des nazis fanatiques. C’étaient des réservistes d’âge mûr, arrivés à l’âge adulte avant la prise de pouvoir de Hitler. Certains avaient même été des sociaux-démocrates encartés.
Le commandant de l’unité avait autorisé ceux qui ne souhaitaient pas participer aux exécutions de s’abstenir. Alors pourquoi choisirent-ils malgré tout, quasiment tous, de tirer, à bout portant, sur des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dénudés et désarmés? Par esprit de corps, répondit Browning. Parce qu’ils étaient animés d’un „antisémitisme éliminatoire“ propre à la culture allemande, rétorqua Goldhagen.
Ces deux positions s’affrontèrent dans ce qui devint l’une des plus importantes controverses dans l’écriture de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale. Les 14 Luxembourgeois du RPB 101 y jouèrent un rôle crucial. Browning argua que la présence de ces non-Allemands parmi les tueurs invalidait la thèse de son adversaire.
Clairement impliqués dans le génocide
L’évidence avec laquelle la participation des 14 Luxembourgeois était évoquée à l’étranger provoqua des remous au Grand-Duché. Le premier à se frotter au sujet fut Lucien Bau qui, en 1996 publia un article dans le Tageblatt, dans lequel il estimait probable que les Luxembourgeois du RPB 101 avaient pris part aux massacres. Deux d’entre eux, Roger Wietor et Jean Heinen, répondirent immédiatement dans la presse, niant toute complicité, se présentant au contraire comme les véritables victimes.
Le ministère de la Justice confia alors à Paul Dostert la mission de se pencher sur le sujet. Celui-ci eut accès aux même sources que Browning et Goldhagen, en l’occurrence le dossier établi dans les années 1960 par le parquet d’Hambourg, au cours d’une d’instruction contre d’anciens membres du RPB 101. Après avoir remis son rapport au gouvernement, Dostert publia également un article dans la revue „Hémecht“, en 2000. Sa conclusion était qu’il était désormais clair que des Luxembourgeois étaient impliqués dans le génocide des Juifs.
Il souligna cependant aussi qu’il n’avait trouvé aucun élément prouvant irréfutablement que l’un d’entre eux avait appuyé sur la détente au moment où avaient lieu les exécutions de masse. C’était là l’essentiel pour le gouvernement. Son but n’était pas de découvrir la vérité historique mais de couvrir ses ressortissants et de préserver l’image de marque du pays. Aucune poursuite judiciaire n’étant possible, l’affaire finit par mourir à petit feu. En apparence du moins.
Une enquête journalistique
La recherche de la vérité n’a cependant jamais cessé. Elle a même avancé de façon spectaculaire ces derniers temps. Mil Lorang consacre un chapitre de son nouveau livre, „Luxemburg im Schatten der Shoah“, aux Luxembourgeois du RPB 101. L’ouvrage réunit une série d’articles publiés dans le Tageblatt. Au-delà de l’effort de synthèse et de vulgarisation, il s’agit d’une véritable enquête journalistique. Lorang a mis la main sur des documents inédits: un entretien de huit heures avec Heinen, enregistré dans les années 1990, ainsi que les mémoires, jamais publiées, de l’un de ses anciens camarades.
Il s’agit de documents très crus dans lesquels les deux hommes racontent pour la première fois ce qu’ils ont, tout au moins, vu. On y découvre, dans des mots familiers, le quotidien d’une troupe d’hommes que leur hiérarchie avait affranchie du respect des lois les plus élémentaires de la civilisation. Sans aller jusqu’à admettre une quelconque culpabilité, Heinen finit par lâcher: „Wenn man unter Wölfen ist, muss man auch mit ihnen heulen.“ Il confesse même que si on lui avait donné l’ordre d’exécuter un Juif, il l’aurait fait, sinon il aurait risqué sa tête.
L’aveu est troublant à double titre. Premièrement parce qu’il signifie que la possibilité du passage à l’acte était réelle. Deuxièmement parce que, comme le relève Lorang, prétendre qu’on risquait gros si on refusait de participer aux massacres est un mensonge pur et simple. Le commandant du RPB 101 avait laissé à ses hommes la possibilité de ne pas le faire. 10 à 20% ont choisi cette option. Aucun d’entre eux n’a jamais eu à en pâtir. Il faut noter au passage qu’il n’y avait aucun Luxembourgeois dans ce groupe.
La preuve par l’image
Sincères jusqu’à un certain point, les deux vétérans n’ont pas été capables de lever entièrement le trouble. Deux jeunes historiens du Musée national de la Résistance, une institution complètement revitalisée ces dernières années, s’en sont chargés à leur place. Elisabeth Hoffmann et Jérôme Courtoy ont publié ce vendredi, dans l’hebdomadaire woxx, un article basé sur le fruit de leurs recherches. Ils ont découvert une photo ayant appartenu au Wachtmeister X, l’un des Luxembourgeois du RPB 101. On y voit ce dernier poser au milieu d’un groupe d’assaut, dont il était vraisemblablement le sous-officier. Derrière eux, gît un cadavre. Le cliché a été pris après un „combat“ contre des Juifs et des „bandits“.
Cette photo prouve pour la première fois l’implication directe de Luxembourgeois dans les exactions du RPB 101. Celui à qui elle appartenait est mort en 1944 sur le front Est. Après la guerre, il a été déclaré „Mort pour la patrie“ au Luxembourg. Heinen et l’auteur anonyme du mémoire ont quant à eux fait carrière au sein de la Sûreté. Pendant des décennies, quoi qu’ils aient vraiment fait, ils ont été considérés comme des martyrs, voire des héros. Ils se sont cachés derrière des mensonges, avec la complicité de tous ceux qui ne voulaient pas vraiment savoir.
S’il est toutefois important de continuer à étudier le sujet, ce n’est pas pour faire d’eux des salauds. Ils ne sont pas les seuls à être concernés par cette histoire. On le doit d’abord à tous ceux à qui on veut, apparemment, transmettre la mémoire de la guerre mais à qui on ne transmettra rien du tout si on leur ment ou si on ne nomme pas les choses. On le doit aussi aux morts, aux véritables victimes et aux véritables héros.
Il faut se souvenir que sur 461 soldats de la Compagnie des volontaires, contraints de rejoindre les forces armées allemandes à la fin de l’année 1940, 264, soit plus de la moitié, ont plus tard été enfermés en prison ou en camps de concentration. Une cinquantaine y a perdu la vie. Eux avaient décidé de ne plus obéir aux Allemands. Ils ont fait un choix clair sachant qu’ils auraient à en payer les conséquences.
Die Luxemburger Freiwilligen Kompanie wurde sofort nach der Besetzung in die Wehrmacht integriert und nach Weimar verschleppt. Diese Soldaten waren also genauso zwangsrekrutiert wie später alle anderen luxemburgischen jungen Männer. Sie waren genauso Naziopfer, wurden in die verhasste Uniform gezwängt und mussten gegen ihren Willen und ihre Überzeugung für Hitler in den Krieg ziehen. Sie waren alle Kanonenfutter. Was hätten sie tun sollen? Ihre Familien waren Geiseln der Nazis. Diejenigen, die sich der Zwangsrekrutierung entzogen, indem sie sich irgendwo versteckt hielten, waren nicht unbedingt Helden. Sie brachten zahlreiche Menschen in Lebensgefahr. Viele, die sich nach Kriegsende als Patrioten aufspielten, waren alles andere als Widerstandskämpfer. Die meisten waren kleinlaut, sie hatten keine andere Wahl. Die Zahl der Mitläufer wird nicht unerheblich gewesen sein. Man darf und muss nur dankbar sein, dass einem diese schwere Zeit erspart geblieben ist.
Je suis dégouté quand ne peu pas appeler un loup un loup et e ne me cache pas non plus derrière un nom fictif comme certain ici. Pour honorer tous ceux qui véritablement ont souffert ou faisaient de la vrai résistance active ou passive, ont doit pouvoir appeler un bouraud par ce nom ou salaud si on veut. Je comprends neantmoins maintenant pourquoi mon grand-père n’a pas voulu être honoré comme résistant de son vivant
@ Jo Schmit. D’après vous, tous les enrôlés de force, réunis après la guerre dans la “ Ligue ons Jongen „, ont donc été des bourreaux ou des salauds? Qu’est-ce que vous entendez par “ résistance passive „? Sinn dat déi, déi d‘ Fauscht an der Täsch gemat hunn?