Critique / Coup de pub: „Air“ de Ben Affleck
Après „The Lost King“, il incombe à „Air“ d’endosser le rôle du film édifiant de la semaine, qui poursuit cette idéologie très américaine du „il suffit d’y croire et de s’accrocher pour qu’on réussisse dans la vie“.
Dans les années 1980, dans le domaine des chaussures de sport, Nike s’incline devant ses concurrents de chez Adidas et Converse. Sonny Vaccaro (Matt Damon), chargé de changer la donne mais à qui on a cependant attribué un budget ridicule pour ce faire, veut tout tabler sur Michael Jordan, qu’il estime, alors qu’il se repasse en boucle un match où le jeune joueur a joué un rôle-clé dans la victoire de son équipe, être en passe de devenir le meilleur joueur de basket de tous temps.
Il n’est pas seul à y croire: alors que, dans son entreprise, chacun le prend pour un taré et qu’il se prend le chou avec son patron Phil Knight (Ben Affleck), ancien hippie qui a pourtant élevé la sortie des sentiers commerciaux battus au rang d’art de guerre, Sonny décide d’ignorer les avertissements de ses collègues qui n’arrêtent pas de lui dire que Jordan déteste Nike au point qu’il refusera à tout jamais d’en porter et s’en va parler aux parents du jeune prodige, rencontrant en la personne de Deloris (Viola Davis) non seulement une adepte inconditionnelle du talent de son fils, mais aussi une négociatrice férue, qui arrivera à conclure l’affaire du siècle pour son fils.
Restaurant avec habileté une époque en tablant, comme „Blackberry“ l’a fait pour les années 1990 et le monde des smartphones, sur des images d’archives et une bande-son nostalgisante, „Air“ est bien mieux écrit, réalisé et joué que l’insipide „Lost King“ de Stephen Frears, de sorte que le film parvient à divertir tout au long de ses 112 minutes.
Pourtant, et malgré le fait qu’„ Air“ paraît à des moments dénoncer ce faux zen pseudo-bouddhiste qu’affichent les entrepreneurs néolibéraux, l’idéologie qui colorie le long-métrage de Ben Affleck est plus que discutable, qui raconte un monde dominé par le fric, où l’argent est à la fois la seule force motrice et la finalité ultime et qui veut donner à lire comme de la rébellion – alors la NBA exige, pour ses chaussures, un certain pourcentage de blanc, Sonny et ses collègues décideront de s’en passer, optant de payer, pour chaque match où Jordan les portera, les amendes, faisant de cette révolte contre l’exigence de blancheur de la NBA un (ingénieux) coup de marketing – ce qui n’est qu’une exploitation mercantile d’enjeux raciaux.
Car si on cherche à nous faire comprendre que la mère de Jordan, en insistant que son fils touche un pourcentage sur chaque vente du basket portant son nom, aurait pavé le chemin à un meilleur paiement des joueurs de basket, souvent de jeunes Noirs venant de milieux défavorisés, „Air“ est en fin de compte un film qui, en se focalisant sur un récit édifiant où chacun ressort en grand vainqueur, escamote une grande partie de la réalité – à savoir celle de tous ceux qui, sans l’appui parental d’une Deloris et moins géniaux qu’un Michael Jackson, sont broyés par la machinerie sportivo-mercantile.
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