Festival / Des débuts bruitistes et dansants: la première semaine des „Congés annulés“
Alors que la météo luxembourgeoise fut bien tristounette lors de cette première semaine d’août – la projection, mercredi dernier, de l’excellent „Roter Himmel“ de Christian Petzold dans le cadre du LuxFilmLab nous rappela pourtant qu’à Rhodes ou en Sicile, les choses sont bien pires que les quelques intempéries tant décriées par la populace locale –, les Rotondes surent nous réchauffer le cœur avec une première semaine des „Congés annulés“, dont la programmation faisait autant l’honneur au rock indé bruitiste de A Place to Bury Strangers qu’au minimalisme électronique de Nils Ohrens, au singer-songwriter nappé de synthés d’ENGLBRT qu’au mathrock dansant de The Cookie Jar Complot.
Si la programmation des „Congés annulés“, bien qu’elle mette toujours l’accent sur la musique indé, continue à être fortement éclectique, sa soirée d’ouverture se doit de miroiter quelque peu un tel choix de programmation. Le pari fut réussi quand, vendredi 28 juillet, les festivités furent entamées avec pas moins de trois concerts, qui permirent au public de s’immerger tour à tour dans le rock indé de Francis of Delirium, les compositions on ne peut plus variées de la rappeuse punk Haru Nemuri et, cerise sur le gâteau, le rave rock’n’roll de Fat Dog, formation qui se livra en live à une sorte de rave techno-jazz aussi bigarrée que sauvagement jouissive.
Après ce début riche en couleurs, place à A Place to Bury Strangers, un trio de post-punk américain aux connotations new wave qui, sur disque, se caractérise par une rythmique stoïque et une tendance à des murs de son plus bruitistes que chez la plupart des autres groupes du genre. Peu importe qu’on ait encore été en gueule de bois et horripilé à l’idée de devoir retravailler le lendemain ou qu’on ait eu envie de clôturer en toute tranquillité un dimanche passé en famille – personne (sauf ceux qui connaissent la réputation live du groupe) ne s’était vraiment attendu à la claque sonore que constitua le concert des New-Yorkais.
Sans première partie et lors d’un set très (trop) court d’une petite heure, A Place to Bury Strangers montrent qu’ils auraient très bien pu s’appeler A Band to Wake the Dead, tant ce déchaînement sonore était une sorte de catharsis qui vous nettoyait l’âme et le corps, selon une logique toute aristotélicienne qui veut que plus on voit des gens se mettre en pièces sur scène, mieux on se porte après.
Déconstruisant leurs chansons au cour d’escapades bruitistes dignes de Sonic Youth, balançant leurs guitares pour plus de feedback assourdissant, se relayant au chant, le trio investira, en plein milieu du concert, la salle pour se poser avec ses instruments au beau milieu de la foule, y entamant une jam tribale des plus déchaînées quoiqu’un brin longue pour ceux qui ne se trouvaient pas à proximité immédiate du groupe.
Focus sur la création locale
Après ce premier moment fort du festival, lundi fut plus calme, avec une première soirée consacrée à des musiciens de la place, ENGLBRT, nouvelle formation qui n’aime pas les voyelles et derrière laquelle se cachent le batteur Nils Engel (d’où le ENGL) et Georges Goerens, chanteur et guitariste de Seed to Tree qui s’est récemment fait remarquer par son projet solo Bartleby Delicate (d’où donc le BRT), y présentait, après une première partie assurée par Artaban, son nouvel E.P. „Odes to Everything“.
De cette courte collection de quatre chansons, on retiendra surtout l’inaugural „Harm“, qui associe avec brio des arpèges de guitares rappelant le Radiohead d’„In Rainbows“, avec des synthés de pop indé et une jolie mélodie vocale. Au-delà de l’entraînant „House“, des titres comme „Overflown“ et „Euphoria“ ne se distinguent pas tant que ça du projet solo de Goerens et s’inscrivent donc dans la veine de ces singer-songwriters comme RY X dont les guitares sont nappées de synthétiseurs et dont les chansons, aussi belles que légères, manquent parfois de mordant et de friction.
Deuxième soirée luxembourgeoise malicieusement intitulée „We Have Bands“, jeudi dernier vit les „Congé annulés“ inviter deux formations luxembourgeoises dont la réputation n’est plus à faire: alors que les jeunes The Cookie Jar Complot ont réussi à se forger une réputation de nouveaux espoirs du post- et mathrock en à peine un an, cela grâce à des compositions raffinées, aussi dansantes qu’intelligentes, et une présence scénique convaincante, le rock indé toujours un peu inspiré des années 1980 de Ice In My Eyes, entre The Cure, Hot Hot Heat matinée de dérives plus psychédéliques, paraissait en comparaison du quatuor précédent un peu plus, voire par moments trop relâché, de sorte qu’il aurait peut-être été plus intelligent, d’un point de vue dramaturgique, de programmer d’abord Ice In My Eyes, puis The Cookie Jar Complot.
Enfin, vendredi dernier vit les Rotondes rendre hommage à l’électro contemporaine, avec les deux sets de Nils Orens et Sapphire Slow. Les compositions de cette dernière se construisaient par lente superposition de couches sonores entre ambient, électro minimaliste et mélodies vocales déformées à même de déclencher, selon l’humeur du spectateur, ou bien une immersion graduelle ou alors un haussement d’épaules un peu indifférent tant il fallait se laisser happer par la lenteur hallucinatoire du set.
Plus entraînant et énergétique, le set de Nils Orens, qui s’inscrit à la fois dans le paysage des jeunes musiciens électros marqués par la techno et la house que dans la veine des compositeurs néoclassiques amoureux de sons ambient comme Nils Frahm et Martin Kohlstedt, nous plongea dans une électro mélodique dansante tout en sacrifiant quelque peu les éléments de composition plus classiques, dont il nous avait gratifié lors de sa première partie pour Martin Kohlstedt à l’Ancienne Belgique en avril dernier.
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