„La petite fille de la mer“ au théâtre d’Esch / Des mondes infinis cachés au grenier
C’est un conte qui invite à la découverte de l’inconnu, thématise les abandons successifs qui jalonnent l’enfance, et qui peut se voir comme une ode à l’imagination des enfants. C’est tout cela que voulait transmettre à son tour Rita Bento Dos Reis, en adaptant „La petite fille de la mer“ de Sophia de Mello Breyner Andresen, une histoire qu’on lui contait petite, et que tous les enfants du Portugal apprennent désormais à l’école.
En 2018, Rita Bento Dos Reis avait adapté „Le livre de l’intranquilité“ de Fernando Pessoa, exauçant ainsi le vœu de la directrice du théâtre d’Esch, Carole Lorang, de proposer une programmation ancrée sur son territoire et adaptée à tous ses habitants. L’année suivante, la metteuse en scène plongeait dans l’inconnu en partant en Chine avec sa famille. C’est en lisant à ses enfants „La petite fille de la mer“ de Sophia de Mello Breyner Andresen, qu’elle a entretenu le confortable héritage émotionnel de son enfance. „J’étais étonnée que, malgré le peu d’images, mes filles étaient tout de même très intéressées par cette longue histoire“, dit-elle. Revenue en Europe au début de la pandémie, l’idée lui est venue de se lancer dans une adaptation du texte pour enfants. Durant le confinement, elle a obtenu une bourse de résidence à domicile pour mener des recherches sur l’autrice, première femme entrée dans le Panthéon portugais, et son œuvre pour en écrire une pièce.
Récemment, on l’a vue assister Jérôme Varanfrain dans son adaptation du „Banquier anarchiste“ de Fernando Pessoa. Avec „La petite fille de la mer“, c’est la deuxième fois qu’elle est seule à la mise en scène au Luxembourg. Et c’est la première pièce pour enfants qu’elle crée. Comme comédienne, à sa sortie du Conservatoire à Liège, le théâtre jeune public fut sa première expérience, occupant de cent représentations le destin d’une petite fille juive dans „Les pieds sur terre“ d’Ariane Buhbinder.
Pour adapter „La petite fille de la mer“, Rita Bento Dos Reis avait très tôt l’idée de raconter l’histoire de deux enfants qui inventent leur propre conte. Une bourse du Fonds culturel national (Focuna) lui a permis de tenir des ateliers Kamishibai dans des écoles pour nourrir son écriture. Elle a ancré son histoire au Luxembourg. Deux enfants, une fillette d’origine portugaise (interprétée par Hana Sofia Lopes) et le garçon luxembourgeois de Schifflange (Pitt Simon) trouvent dans un grenier un journal intime et un projecteur capable de prouesses. Ils essaient des vêtements (les costumes sont de Peggy Wurth) et inventent l’histoire d’une petite fille de la mer qui rencontre un petit garçon de la terre sur la plage. La petite fille aimerait montrer son univers dominé par une grande raie dont elle est la danseuse favorite. Le garçon envisage de l’emmener à la découverte de son monde lorsque la petite fille est kidnappée. Une mouette permettra au garçon de pénétrer l’univers de la disparue et de l’y retrouver.
Une œuvre collective
„La pièce est amusante. C’est le plaisir du jeu, très physique, très visuel, et les comédiens amènent beaucoup de belles choses“, explique la metteuse en scène. Si elle juge „magique“ de voir cette histoire passer de ses lectures intimistes sur les planches, elle souligne qu’elle le doit à un travail collectif. L’histoire que les deux enfants imaginent est projetée sur un drap tendu dans le majestueux décor de grenier qui occupe l’Ariston. Ce sont des vidéos slow motion faites à partir de collages par le studio Lemur du lycée Ermesinde qui décrivent l’odyssée du petit garçon.
Dans un spectacle pour enfants, il faut „des émotions pures séparées par des ruptures claires“, explique la metteuse en scène. Les comédiens doivent laisser parler l’enfant qui est en eux. „Toute l’esthétique est importante“, poursuit-elle. „La lumière, les vidéos, le son, le décor et les costumes doivent dialoguer, sans qu’il y ait besoin que ce soit raccord pour autant.“ Des musiques de Rodrigo Leão et de Dead Combo accompagnent notamment l’intrigue. „Musique et lumières sont les épices qui peuvent rehausser le plat ou le gâter.“
„La petite fille de la mer“ fait le rappel utile, en notre époque saturée d’écrans, que les enfants peuvent débrider leur imagination à partir de trois fois rien. Il y est question de découverte de l’autre, d’épreuves qui font grandir, mais aussi de ce sentiment de saudade, qu’on éprouve déjà petit, à savoir „la tristesse qui reste en nous quand nous perdons ce que nous aimons“.
Info
La pièce est accessible à partir de 7 ans et dure près d’une heure. À l’Ariston, 9, rue Pierre Claude, L-4063 Esch-sur-Alzette. Samedi 25 mars à 17h (en français) et dimanche 26 mars à 11h (en luxembourgeois). Des séances scolaires sont prévues lundi 27, mercredi 29 et jeudi 30 mars. Le spectacle sera joué au CAPE d’Ettelbruck les vendredi 9 et dimanche 11 juin.
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