Exposition / „Earth Is Not Flat, But Soon Will Be“: L’extinction qui vient
A Neimënster, la curatrice Yasemin Elçi nous emmène voir, en compagnie de cinq photographes reconnus internationalement, la réalité du changement climatique.
Yasemin Elçi est un nouveau visage du paysage des arts plastiques luxembourgeois. Ancienne galeriste à Istanbul, puis journaliste basée au Luxembourg, elle opère désormais de plus en plus souvent comme curatrice. Au printemps 2023, elle avait conçu l’exposition „A Room of One’s Own“. Nommée d’après l’essai de Virginia Woolf sur la condition des femmes, l’exposition évoquait les difficultés rencontrées par les femmes dans un monde de l’art dominé par les hommes et proposait les moyens de stimuler la créativité des femmes à travers des histoires photographiques oscillant entre réalité et fiction.
En cet été, elle récidive dans les mêmes lieux avec une deuxième exposition dans laquelle elle aborde cette fois la question du changement climatique, avec une approche davantage documentaire. Elle a fait appel à cinq artistes reconnus internationalement pour mettre en lumière les effets déjà en cours du changement climatique. L’exposition aborde des sujets négligés, loin des images d’Epinal que sont devenues par exemple les fontes de banquise.
Le désir de dominer
„Il ne s’agit pas seulement de changement climatique“, explique Yasemin Elçi. „Il s’agit également du désir inflexible de l’humanité de dominer, de l’illusion de l’humanité de se croire supérieure à la nature, aux animaux, à ses ancêtres et à sa propre espèce. C’est l’histoire de la façon dont les humains s’infligent du mal à eux-mêmes en nuisant aux autres êtres.“ Et d’un point de vue tant esthétique qu’informationnel, l’exposition est convaincante.
La qualité conceptuelle de l’exposition se réflète dans le titre à tiroir que lui a choisi Yasemin Elçi. „Earth Is Not Flat, But Soon Will Be“ évoque l’arrogance envers les civilisations passées auxquelles on prête d’avoir pensé que la Terre était plate, la désinformation actuelle qui entoure le changement climatique mais aussi le résultat métaphorique de l’Anthropocène, à savoir des dommages irréversibles à la fois sur l’environnement et sur les sociétés
Nichole Sobecki avec „Where Our Land Was“ conte les histoires intimes de Somaliennes en proie à la transformation de leur terre, aux conséquences de la désertification sur l’économie pastorale qui se réduit et sur la pauvreté qui augmente. Dans ce travail d’immersion de six ans, elle documente le trafic d’êtres humains et les émigrations dans un pays qui est le théâtre de la première guerre climatique; Natalya Saprunova s’intéresse aux Evenk, peuple indigène de Sibérie, éleveur de rennes, dont le mode de vie est menacé par l’exploitation minière. Mathias Depardon (sans lien avec le célèbre Raymond) documente la consommation exponentielle de sable en Inde, aux Maldives et au Cap-Vert qui ronge les plages naturelles, pour la construction, la cosmétique et l’électronique.
Le zoo, un impensé
C’est à travers le regard de Kerem Uzel que le monde occidental, premier responsable des dérèglements, est ausculté. Le choix est astucieux et permet de plonger aux racines des inégalités à l’échelle planétaire, en documentant le prolongement moderne du colonialisme que sont les zoos. Aux zoos de Berlin et de Hambourg, le photographe raconte le plaisir aux dépens des autres qu’on y entretient, souvent négligé malgré la conscience environnementale. Enfin, Andrea Mantovani conte la destruction de la forêt primaire Bialowieza à la frontière de la Pologne et la Biélorussie. La fiction s’y immisce lorsqu’il photographie une installation de palettes dans la partie méridionale de la forêt détruite pour abreuver l’Europe de ces supports en bois. Quand la fiction, encore une fois, sert à cerner la réalité …
A l’abbaye de Neimënster. Jusqu’au 13 octobre 2024.
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