Exposition / „En jeu! Les artistes et le sport“: Quand l’art s’empare du sport
Jeux olympiques obligent, le Musée Marmottant Monet s’inscrit dans cette période d’avance célébrée, qui aura lieu cet été 2024 à Paris, avec une exposition qui retrace l’univers du sport, vu par les artistes, ceci de 1870 à 1930.
Exercice de plein air, travail des perspectives et des points de vue, fascination pour le mouvement des corps et la vitesse, émancipation de la femme, affranchissement des codes et des hiérarchies dans l’art, le sport est un prétexte idéal pour renouveler les genres et donner de la société une représentation moins figée.
Le sport, autrefois réservé à l’élite, venu du monde anglo-saxon, peu à peu se démocratise. Les femmes, qui étaient surtout là pour la remise des coupes et des médailles, sont représentées faisant du sport, parfois de manière édulcorée, comme un éternel idéal féminin – mais il y a du progrès! Jeux de couleurs et de mouvement, connaissance du corps, atmosphères nouvelles, le sport séduit les foules, que les bourgeois canalisent de la sorte. Le monde ouvrier, depuis l’aménagement du travail, peut se laisser aller à cette liesse. Ainsi le sport, d’élitiste, est devenu populaire, on peut le constater aujourd’hui encore, autour de la publicité et de la communication faites pour les prochains Jeux cet été, à Paris.
Il faut savoir que Pierre de Coubertin (1863-1937), historien et pédagogue français, influencé par la culture anglo-saxonne, a inventé les Jeux olympiques, dont la première édition s’est tenue à Athènes, en 1896, en hommage à l’olympisme antique. Lors de cette visite, nous sommes d’ailleurs accueillis par le moulage d’un anonyme, Lutteur, dit Lutteurs de Médicis, moulage exécuté à la fin du XIXe siècle, d’un groupe en marbre créé au Ier siècle avant J.C. Paris a accueilli les Jeux Olympiques en 1900 et 1924. Cent ans après, l’art pourrait également donner sa version, dans un tout autre style.
Des prouesses et des audaces
Cette période, de 1870 à 1930, est celle d’une mutation de la société, de son industrialisation, de la vitesse, du sport, et en peinture, d’un bouleversement de la hiérarchie et des genres, pour le paysage, des sujets saisis sur le vif, une peinture de plein air. On abandonne la grande histoire pour la couleur et l’instant, son atmosphère. Le sport est donc le prétexte idéal pour avancer dans les techniques et les styles, faire pavoiser les couleurs, déformer pour donner la sensation de vitesse. Nombre d’artistes importants sont ici réunis, grâce à des prêts exceptionnels. Thomas Eakins, lui-même sportif, et Ferdinand Gueldry, peignent de manière prodigieuse des courses de rowing. The Biglin Brothers Racing, (1872, huile sur toile) de Thomas Eakins, donne l’idée d’une coordination des mouvements de deux sportifs, par la similitude des vêtements et leurs postures identiques. Cadence, rythme, qui ouvrent sur le mouvement. Ceci dans une liesse populaire. La foule amassée est propice aux jeux de couleurs. Nous retrouvons cette liesse dans l’œuvre d’Alfred Sisley, pour ses Régates à Molesey (1874, huile sur toile). C’est un instant saisi, impressionniste, où les drapeaux pavoisent, où l’eau et le ciel envahissent l’espace, dans des effets de lumière et de reflets.
Puis le sport se démocratise. Des pratiques encore élitistes, comme l’équitation, côtoient le football et le rugby. Ce sont des jeux de maillots, des couleurs éclatantes, des corps à l’exercice. Des prouesses et des audaces, comme pour La Course, (1904 huile sur toile) de Kees Van Dongen, où l’artiste, pour donner la sensation de vitesse, dans un style fauve, qui accentue par la couleur et la touche l’expression et la dynamique, déforme les corps des jockeys et des chevaux, soumis à la vitesse. Il faut contempler la modernité d’un Toulouse-Lautrec, avec Le Jockey (1899, lithographie en couleurs), son point de vue particulier, jockey de dos, dans une efficacité et un dépouillement qui cadrent au plus près le sujet.
La boxe fait son apparition, et avec elle une atmosphère plus lourde, plus violente. Quelque chose d’âpre, de populaire. Comme un exercice de vérité. Remarquable œuvre d’Honoré Daumier, Le Lutteur (vers 1852, huile sur toile), où depuis les coulisses, le corps imposant et presque brutal face à nous, un lutteur regarde par un pan de rideau soulevé le ring où se battent deux hommes. Nous découvrons d’autres aires de jeux, ici le ring, ailleurs les arènes, les stades.
Puis la femme fait enfin du sport. On la représente de manière stylisée, féminine, parfois dans ses froufrous, sur une piste de ski, à l’inverse des hommes qui règnent par la force et la dextérité. Il n’empêche, la figure évolue, même si elle reste idéalisée, dans un décor luxuriant, comme dans La Partie de tennis (1925, huile sur toile), d’Octave Guillonnet. La frondaison dense et vive des arbres, l’élégance des tenues, en font un moment privilégié, presque romantique. L’heure est à la diffusion des événements sportifs par l’affiche, la presse s’en empare également, et la photographie. La gravure se renouvelle, notamment avec Pierre Gatier, qui sait capter les courses hippiques et la société mondaine.
Une période foisonnante
Le corps dans son effort, la décomposition du mouvement, fascinent et font l’objet d’études. Georges Demenÿ, photographe, précurseur du cinéma, gymnaste français, fin connaisseur du mouvement et de la force musculaire, d’abord associé au promoteur de la chronophotographie en France, Etienne-Jules Marey, poursuit ses recherches et développe une iconographie du mouvement dans la marche, le saut à la perche, le lancer de disque, l’escrime, la boxe française. Nombre d’artistes se sont inspirés de cette décomposition des mouvements, comme de trajectoires enfin observables dans le détail.
La période est foisonnante, aussi bien dans le sport que dans l’art, et c’est dans la résonance de l’un avec l’autre que l’esthétique et la technique se font complices d’avancées prodigieuses. En jeu, donc!
En jeu! Les artistes et le sport, 1870-1930
Musée Marmottant-Monet (2, rue Louis-Boilly, 75016 Paris)
Jusqu’au 1er septembre 2024
www.marmottan.fr
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