Festival / Entre phénix et sirènes, un festival myth(olog)ique: le Siren’s Call à Neimënster et au Melusina
Pour la cinquième édition de ce festival urbain lancé en 2017, le Siren’s Call misait sur une tête d’affiche en continuité avec celles des moutures de 2018 et 2019 – ainsi, Phoenix clôturait, après MGMT et Metronomy, une sorte de focus sur les maîtres de la pop indé dansante – tout en nous faisant découvrir des petits nouveaux plus que prometteurs, dont les Belges de The Haunted Youth et les Anglais de Sorry nous enthousiasmèrent le plus.
Festival urbain désormais bien installé dans le paysage musical du Luxembourg, le Siren’s Call a réussi à se forger une identité bien à lui, s’étirant entre Neimënster et un Melusina bien climatisé en ce juin pré-estival, s’étendant, avec ses workshops et autres activités pour enfants, son DJ set yoga et autres marchés de créateurs, bien au-delà du simple festival de musique.
C’est pourtant sur les découvertes musicales que l’accent est mis: en débarquant sur le site, l’on découvrit un parvis de Neimënster vide de monde car alors en pleine et insoutenable exposition solaire, abstraction faite d’un petit faisceau d’ombre que projetait la tour de la chapelle, faisceau le long duquel le public prit alors lentement place et dont il suivait le lent déplacement, comme un spotlight humain, lors du concert d’ENGLBRT, nouveau projet du batteur Nils Engel et de Georges Goerens, chanteur-guitariste de Seed to Tree, qui s’est récemment illustré avec son projet solo Bartleby Delicate.
Si on a pu lire çà et là que le projet, plus électro que ce à quoi Goerens nous avait habitués, ressemblerait à Radiohead – c’est devenu, depuis 2000, une référence un peu évidente, qui vient à l’esprit des gens dès qu’on combine un beat à une guitare –, c’est bien plutôt à des artistes de pop électro comme RY X qu’on pense, quoiqu’on trouve en effet quelques arpèges et beats qui ressemblent aux compositions de la bande de Thom Yorke. Même si la musique d’ENGLBRT aurait mieux fonctionné dans un cadre plus intimiste, ce fut là un début prometteur, qui emporta le plus à chaque fois que le duo brisa un peu avec la formule du singer-songwriter légèrement électro pour oser s’aventurer dans des contrées moins conventionnelles.
Après cette mise en bouche, une première excursion au Melusina s’imposa pour découvrir les Irlandais de Sprints, dont la chanteuse remercia les organisateurs pour la clim, disant avec malice qu’une Irlandaise n’était pas faite pour une telle chaleur. Leur son s’inscrit dans cette nouvelle vague de post-punk britannique aux relents hardcore qui a d’abord galvanisé l’Angleterre avant de déferler sur le reste du monde et qui nous a déjà gratifiés de groupes comme les Idles ou Shame, Sprints ajoutant une touche féministe bien rafraîchissante dans un monde encore souvent très viril – à une autre époque, ç’aurait été le guitariste, dont la voix rappelle celle de Tim McIlrath, à qui on aurait confié le rôle de chanteur et qui se trouve ici relayé aux backing vocals.
No need to be sorry
On y reviendra vite, au Melusina, tant la pop indé de Japanese Breakfast sur le parvis de Neimënster nous aura laissés indifférents, qui s’est en fin de compte avérée assez quelconque, qu’on a eu l’impression d’avoir déjà entendu des milliers de fois et dont les titres manquaient cruellement de panache et de mélodies mémorables, même si le groupe dégagea une belle énergie scénique.
Bien nous en fit, puisque nous y attendit alors le rock indé de Sorry, de Bristol, dont on a l’impression qu’ils se sont appelés ainsi pour la simple raison de pouvoir dire sur scène – et ils le firent – We’re Sorry. Mettant au goût du jour des influences entre grunge, rock indé et shoegaze, impressionnant par leur énergie scénique, par une palette sonore à la fois homogène et éclectique et les mélodies envoûtantes de la chanteuse Ash, ce jeune quintet, qui avait déjà été programmé deux fois aux Rotondes (les concerts avaient dû être annulés pour cause de pandémie) est à suivre de près. Ce que fit d’ailleurs mon ami l’acteur Luc Lamesch, qui fut tant enthousiasmé par le concert qu’une fois que le groupe eut manifesté son désir de boire des shots de tequila, il décida de le leur exaucer, allant en commander au comptoir pour les leur apporter sur scène, au grand enthousiasme des jeunes musiciens.
Petit hic, la programmation, assez éparse en début d’après-midi, devient vite touffue dès le début de la soirée, de sorte qu’il fallait procéder par élimination et qu’en l’occurrence, il était impossible de tout voir, à moins de faire d’incessants aller-retour entre Neimënster et le Melusina, aller-retours qui auraient certes remplacé une séance de fitness et que la beauté du chemin le long de l’Alzette, avec ses lampions qui rendaient encore plus pittoresque le site une fois l’impitoyable soleil couché, aurait rendus agréables mais qui n’auraient quand même permis que de voir quelques titres par groupe.
Plutôt donc que de redescendre pour écouter la world music de Star Feminine Band, le jazz de Téléport ou encore l’électro des Belges d’Echt! (qu’on aurait par ailleurs aimés voir tous), on resta donc au Melusina, non pour des raisons de climatisation mais bien plutôt parce que les Belges de The Haunted Youth nous avaient déjà convaincus en amont, alors qu’on les avait découverts sur disque. En live, leur son, qu’on pourrait décrire comme la rencontre réussie entre Black Rebel Motorcycle Club, The Cure et A Place to Bury Strangers (ces derniers sont par ailleurs programmés pour les Congés annulés), est encore plus saturé, dont émerge un chant androgyne, immersif au point qu’on en aurait presque oublié de redescendre pour le concert de Phoenix, les têtes d’affiche du festival.
Ç’aurait été bien dommage tant le set du groupe impressionna, qui commença avec un peu de retard mais dont rien que la scénographie, bluffante d’ingéniosité et d’inventivité, qui transportait le public de Versailles au fin fond du cosmos quand il ne jouait pas sur des effets de profondeur et de jeux d’ombres, valait absolument le détour, au point où on aurait pu se demander si le concert nous aurait autant convaincus sans ces visuels magistraux – mais c’est un peu comme s’imaginer une Wäinzoossiss sans sauce moutarde ou Superjhemp sans sa cancoillotte (pour prendre des comparaisons un peu nationalistes en ces temps de Fête nationale) tant tous les éléments du show harmonisaient.
Car du côté musical, les Français surent tout autant emporter l’adhésion, avec une setlist qui commençait ingénieusement avec l’inénarrable „Lisztomania“ avant de puiser dans une discographie riche en tubes, mettant l’accent sur leur chef-d’œuvre „Wolfang Amadeus Phoenix“ sans négliger pour autant „Alpha Zulu“, leur dernier album en date, dont ils jouèrent notamment le titre éponyme époustouflant et l’entraînant „Tonight“.
Enfin, cerise sur le gâteau pour celles et ceux qui étaient prêts à sacrifier la fin du set de Phoenix, le rock indé de Billy Nomates clôtura au Melusina un festival placé sous le signe des découvertes, festival que l’on put toutefois prolonger, pour les fêtards toujours en forme après sept heures de musique aussi éclectiques que, dans l’ensemble, enrichissantes, par la traditionnelle after au Gudde Wëllen, où musiciens comme spectateurs auront pu continuer l’extase des concerts en se trémoussant aux sons de trois sets DJ.
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