Festival / Etincellements: la 17e mouture de l’Out of the Crowd à la Kufa
Avec cette 17e mouture de l’Out of the Crowd, le Luxembourg accueille son premier véritable festival expérimental postpandémique. Si la tête d’affiche, toute en grandiloquences post-grunge un peu surannées, déçoit, le festival réserve quelques pépites.
On l’attendait, cette édition du Out of the Crowd, qui d’habitude est un festival printanier – le festival à inaugurer la saison des festivals, en quelque sorte – mais qui fut annulée (en 2020) puis reportée (cette année-ci) pour finir par clôturer un été tout en hésitations festivalières.
Disséminée sur les mois à venir – car quand on voit la programmation de la Kufa de l’année suivante, avec ses concerts de Aiming for Enrike (février), Maybeshewill (mars) et Russian Circles (avril), difficile de ne pas se dire que ces groupes n’étaient pas censés jouer à ce festival connu pour sa qualité et son éclecticisme –, la programmation de cette soirée allait être, on le savait, en mode mineur.
C’était aussi l’occasion de (re)découvrir des groupes locaux qu’on connaissait, certes, mais qui continuent à faire leur bonhomme de chemin, à évoluer, à changer et à s’améliorer, aussi, comme on put le constater pour Pleasing, qui vient de sortir son premier album (en présentation samedi prochain aux Rotondes), et dont le postcore poignant, entre La Dispute et Thursday, inaugurait un festival encore assez peu animé.
Quand on voit ensuite Jana Bahrich de Francis of Delirium s’agiter sur scène, avec ses longs cheveux qui tombent dru, l’on pense un peu, outre les références sempiternelles à des artistes comme Snail Mail, à cause notamment de l’énergie et de la fougue de ses chansons, à Jay Mascis de Dinosaur Jr. Et puis, on se demande, tout au long du concert, pourquoi diable l’on se met à comparer une jeune femme à un vieux con, juste parce que l’on se situe dans un contexte grunge, où il y avait, dans les années 90, plus de vieux cons que de jeunes femmes – et l’on se met à espérer que dans vingt ans, un critique, voyant un jeune musicien chevelu, le comparera à Jana Bahrich – la qualité du concert nous pousse, en tout cas, à y croire très fort.
Pari réussi aussi pour No Metal in this Battle, dont le mathrock, parfois un tantinet éculé, un peu rigide, sur disque, développait sur scène, grâce notamment aux claviers endiablés, un groove qui devait préparer le public à un dernier acte assez décousu, Ice Age paraissant, après tant de concerts de qualité, un peu surannées (on avait parfois un peu l’impression d’assister à un groupe de reprises de Pearl Jam) et, en fin de compte, assez ennuyeux.
Pareil pour Sparkling, qui faisaient revivre dans la Kufa non plus le grunge des années 90, mais cette période dorée où, vers 2005, de jeunes Anglais envahissaient les radios avec des tubes mémorables – certaines des meilleures chansons de Sparkling, Pete Doherty les a déjà écrites il y a 15 ans. Cela n’enlève pourtant rien à la verve et l’emphase du concert, tantôt dansant comme un show de LCD Soundsystem, tantôt enragé comme le jeune Frank Carter.
Le concert le plus mémorable de la soirée restera le show d’Omni Selassi – avec ses deux batteurs qui se déchaînent comme si Aiming for Enrike avait décidé d’écrire de la musique plus planante, avec son chant androgyne, ses chansons déliées, délicieusement planantes et tribales, ses longs passages noisy qui rappellent Sonic Youth, ce trio suisse s’inscrit dans la tradition de groupes comme Quadrupède ou Aiming for Enrike qui, sur la petite scène de la Kulturfabrik, ont toujours su surprendre, éblouir et émouvoir – et ce faisant, préparent d’ores et déjà le public à la suite des choses. Car qui aimé le son de la soirée reviendra pour, je l’ai dit, Aiming for Enrike, Maybeshewill et Russian Circles.
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Les contes de fées post-modernes, post-rock ou post-je-ne-sais-quoi dépeignent un monde constitué de vieux cons et de jeunes moins cons. Ou du moins c’est ce que nous racontent les conteurs, qui, eux, ne sont ni vieux, ni jeunes. Mi-vieux. Des Racon(s)teurs mi-vieux, en somme.