Festival de Cannes / Existences trouées
Portrait drôle et très peu politiquement correct d’un acteur porno à la retraite, „Red Rocket“ dresse également le portrait d’une Amérique des bas-fonds où rôdent des existences perdues sans avenir aucun.
Si vous en avez marre du degré de sérieux qui larve la plupart des films de Ken Loach et autres réalisateurs versés dans le social realism, „Red Rocket“ de Sean Baker est taillé pour vous: racontant l’histoire d’un acteur porno retraité, le film dresse le portrait déjanté d’un milieu white trash où pullulent les existences ratées. Après avoir passé presque deux décennies à tourner des films de cul, Mikey Saber (Simon Rex) se retrouve sans le sou et essaie de se rabibocher avec son ex, dont le passé est similairement glorieux, Lexi (Bree Elrod) et Mikey ayant tous deux décidé de quitter leur patelin texan pour une carrière dans le X.
Après avoir vainement essayé de trouver du travail (le trou de quelque 17 années dans son CV n’ayant pas vraiment aidé à en trouver), Mikey se met à vendre de la beuh et passe ses journées à rôder dans le coin avec Lonnie (Ethan Darbone), leur jeune voisin, grand consommateur de films pornos et par conséquent grand admirateur de Mikey. Pour fêter qu’il gagne assez de sous avec la vente de substances illicites pour subvenir aux besoins de sa femme et de la mère de celle-ci, chez qui ils logent, il les invite dans un Donut Hole, où il rencontre la jeune Strawberry (Suzanna Son), qui a 17 ans et en qui Mikey voit son ticket de retour dans le business qu’il vient de quitter: son but sera de séduire la jeune fille et de la convaincre à devenir actrice porno.
Drôle et mélancolique, Sean Baker suit le parcours d’un personnage paumé, que son passé et son job ont irrémédiablement détruit: incapable de baiser sans Viagra, Mikey ne peut s’empêcher de répéter les schémas comportementaux qu’il s’est vu perpétuer dans les innombrables films qu’il a tournés et pour lesquels il a remporté plusieurs prix. A une femme qui lui demande pourquoi c’est lui qui a eu à plusieurs reprises un prix pour le meilleur blow job, il répondra avec mépris que lors de telles scènes, c’est l’homme qui doit diriger la femme et que cette dernière importe assez peu, en fin de compte. Son argument-massue: si l’actrice qui se fait baiser avait un véritable rôle à jouer, ce serait elle qui aurait eu le prix, et non pas lui. Portrait au vitriol d’un homme toxique, le film montre également comment son personnage est écrasé par une société elle aussi toxique, qui produit en série des individus cassés sans leur donner la moindre perspective.
„Red Rocket“ de Sean Baker, en compétition, 3,5/5
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