Concert / Explorations cosmiques: Pascal Schumacher à la Philharmonie
Pour la tournée de son deuxième album solo „Luna“, Pascal Schumacher s’entoure de l’Echo Collective et de Magnificent Matter pour un show immersif entre miniatures intimistes et compositions plus orchestrales.
Pour les concerts de sa tournée de „Luna“, lors de laquelle les compositions de son très réussi deuxième album solo sont constellées d’extraits de son prédécesseur „Sol“, Pascal Schumacher a eu l’excellente idée de se faire accompagner des Bruxellois de l’Echo Collective, un quatuor à cordes que l’on retrouve aussi sur l’album et qui se situe, comme l’affirme le vibraphoniste lorsqu’il le présente au public, toujours entre différents univers musicaux – un peu comme le fameux Kronos Quartet, ouvert lui aussi à toutes sortes de collaborations et dont le travail avec le compositeur Clint Mansell et le groupe écossais Mogwai pour la bande-son de „The Fountain“ du controversé Darren Aronofsky vient quelque peu à l’esprit en entendant en live le très beau „Infinity“, dont le crescendo en intensité, avec ses cordes qui s’emballent, s’emmêlent et se fortifient, est d’une maîtrise parfaite.
Entre différents univers musicaux, Pascal Schumacher l’est lui-même, qui se situe, avec ses deux albums „Sol“ et „Luna“, de plus en plus dans un monde bigarré, entre improvisations jazz et compositions postclassiques comme en écrivent aussi Nils Frahm ou Ólafur Arnalds – des compositions où bien souvent les couches sonores s’enchâssent, se superposent et s’enchevêtrent –, entre bande-son orchestrale de films qu’il reste à réaliser et un versant plus classique ou plus orchestral du postrock (il faut préciser que le terme de rock, dans cette dénomination, induit souvent en erreur) tels que le pratiquent des groupes comme GoGo Penguin, Mono ou Maybeshewill (d’ailleurs tous venus au Luxembourg lors de ces derniers mois, abstraction faite de Maybeshewill, qui dût annuler son concert à la Kulturfabrik pour cause de well you know).
Alors que Nils Frahm et Ólafur Arnalds commencent souvent leur set avec des compositions plus épiques, où une mélodie initialement simple et accrocheuse se mute peu à peu en un véritable édifice sonore, entamant leurs concerts avec des morceaux un peu plus tape-à-l’oreille donc, Schumacher entre sur scène en se concentrant, pendant vingt minutes, sur ses compositions plus minimalistes, où son vibraphone est au centre de l’attention, le musicien se lançant dans une belle improvisation, histoire de se mettre dans le bain, histoire aussi de nous mettre dans l’ambiance après un ou deux craquements des enceintes.
S’ensuit un extrait de „Sol“ où le vibraphone est émaillé des sonorités rythmiques des crotales et de beats, avant que le vibraphoniste nous présente les très intimistes et minimalistes „Melancolia“ et „Nostalgia“, le premier étant issu de „Sol“, le deuxième de „Luna“, ces deux compositions permettant de voir à quel point les deux albums sont conçus pour fonctionner ensemble, dans une relation de complémentarité telle qu’en live, il est parfois difficile de les distinguer, un peu comme des frangins ou des sœur qui se ressemblent beaucoup au premier coup d’œil mais qui gardent cependant assez de traits distincts pour que l’œil (ou l’ouïe, dans ce cas) sache les différencier.
Immersif
À partir du cinquième morceau, les choses prennent de l’entrain: c’est là que Pascal Schumacher annonce l’arrivée sur scène de l’Echo Collective, avec qui il entame la pièce éponyme du nouvel album, qui est aussi son incipit. Après „Luna“, dont l’atmosphère est mélancolique et légèrement inquiétée, son vibraphone rêveur étant accompagné de violoncelles plus énervées, et qui s’apparente quelque peu aux compositions orchestrales qu’on trouve sur „Hymn to the Immortal Wind“ de Mono, les musiciens enchaînent avec l’atmosphérique „Charles Duke“, dont le titre fait référence à un astronaute qui a laissé une photo de sa famille sur la lune ou encore „Molodost“, une chanson écrite à Odessa et nommée ainsi en hommage au bar préféré du compositeur.
Ces compositions aux sonorités plus orchestrales – ou qui sont réimaginées, comme certains morceaux de „Sol“, qu’on connaissait sans accompagnement d’instruments à cordes, dans des versions moins minimalistes – immergent d’autant plus dans un monde onirique et sensuel qu’elles sont accompagnées d’un show visuel réalisé par le duo de Magnificent Matter, dont le compositeur regrette de devoir tourner le dos pendant ses concerts: plutôt que de nous faire voir des paysages lunaires ou ensoleillés, le duo berlinois, composé d’un artiste et d’un chimiste, filme des réactions chimiques en analogue.
Le résultat, qui fait parfois penser aux parallèles entre l’infiniment grand de l’univers et l’infiniment petit des molécules, tant certains plans moléculaires ressemblent à des images cosmiques, est, en combinaison avec les sons immersifs, saisissant.
De sorte qu’à la toute fin du concert, alors que Schumacher et l’Echo Collective finissent sur les polyrythmies de „Rhythmicon“ avant de revenir sur scène pour la touchante réinterprétation de „Tearjerker“ de Ryuichi Sakamoto et Chilly Gonzales, l’on se dit qu’on a hâte de voir quelle(s) planète(s) sonores Schumacher explorera par la suite.
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