Théâtre / Faire le portrait d’un monde changeant: la saison 23/24 des Théâtres de la Ville de Luxembourg
Pour leur nouvelle saison, les Théâtres de la Ville de Luxembourg présentent la troisième mouture du Red Bridge Project, les nouveaux projets (et reprises) de leurs artistes associés Ian De Toffoli, Renelde Pierlot, Myriam Muller, Elisabeth Schilling et Anne Simon ainsi que tout un lot de créations et de productions internationales qui seront de passage au Luxembourg pendant leur tournée.
C’est toujours un peu galère, de présenter en un court article la foisonnante saison des Théâtres de la Ville de Luxembourg. C’est aussi un exercice un peu frustrant, à la fois du côté de l’écriture – on se contente souvent de lister des productions à venir et l’on doit faire un tri forcément personnel parmi des pièces que l’on n’a pas encore eu l’occasion de voir –, et du côté du lecteur, qui devra prendre son mal en patience face à des productions qu’il ou elle n’a pas encore eu l’occasion de voir et qui, de surcroît, peut les trouver bien arides à lire, ces présentations de saisons.
Cela d’autant plus qu’elle sont souvent précédées de discours d’introduction d’autant plus indispensables qu’on est en une double année électorale, discours qu’on vous épargnera cependant avec d’autant plus de magnanimité que le contraste entre les paroles de la bourgmestre Lydie Polfer (DP), qui présenta notamment les efforts fournis pour un surplus en inclusivité au théâtre, et ses actions récentes (exclure de la ville de Luxembourg les plus pauvres de ses citoyens) fut assez révoltant. Ce qui ne change rien au fait que, entre gilets à vibrations et sur-titrages en langue de signe, ce pas vers plus d’inclusion est on ne peut plus louable.
Ce qu’on ne vous épargnera pas, pour autant, ce sera notre condensé de présentation de saison, qui sera plus un teaser censé vous inciter à la découvrir (toujours sur www.theatres.lu) qu’un tour d’horizon exhaustif.
Au niveau des créations, ce furent les artistes associés qui furent d’autant plus mis en évidence que les Théâtres de la Ville de Luxembourg ont encore fait plusieurs pas en avant dans leur soutien des artistes de la place, avec une augmentation du budget alloué aux créations, la mise en place d’une stratégie d’accompagnement et l’inauguration d’un projet européen, le Future Laboratory, où douze structures du champ du spectacle vivant cherchent les récits européens de demain – et dans le cadre duquel l’actrice Céline Camara est envoyée à Porto pour une résidence de recherche.
Au niveau des créations des artistes associés, l’on peut évoquer la prochaine production de Myriam Muller, qui clôt avec „Elena“ une trilogie entamée avec „Breaking the Waves“ et poursuivie avec „Liliom ou la vie et mort d’un vaurien“ – une trilogie au cours de laquelle la metteuse en scène aura dessiné trois portraits de femmes dans trois âges et dont le rapport aux hommes et à l’amour aura été changeant.
Ensuite, „Léa ou la théorie des systèmes complexes“ sera un conte écologique en pas moins de 18 chapitres, comme son sous-titre l’indique par ailleurs, un projet qui a pris son origine, comme le raconte Ian De Toffoli, dans un appel à textes sur les pipelines et que l’auteur a développé au cours de résidences d’écriture à Montréal, Limoges et en région parisienne. Projet ambitieux, puisque la pièce durera plus de trois heures, la pièce évoquera l’histoire d’une multinationale et de ses rapports avec la place financière au grand-duché ainsi que l’éco-anxiété du personnage principal éponyme.
Ce sera une autre des artistes associées qui le mettra en scène, ce texte, à savoir Renelde Pierlot, pourtant assez peu encline à travailler des textes d’autrui tant elle a l’habitude de concevoir ses propres projets, pour lesquels elle s’adonne souvent à des recherches documentaires. Si Renelde Pierlot a relevé le défi d’adapter la pièce, c’est d’abord à cause des problématiques abordées, qui ont suscité son intérêt, et parce que la pièce, écrite plutôt comme un roman, lui a laissé beaucoup de libertés pour sa mise en scène.
Après son excursion dans le monde du merveilleux avec „All d’Déieren aus dem Bësch“, Anne Simon serait, comme le dit Tom Leick-Burns lors de sa présentation comme toujours quadrilingue de la saison, „back where she belongs“ avec une nouvelle production anglophone décapante, où un homme qui vient de mettre en pause sa relation avec son partenaire rencontre la femme de ses rêves.
Mis en scène pour la première fois en 2009, alors que les questionnements sur la fluidité générique commençaient à peine à devenir un sujet de société, „Cock“ de Mike Bartlett met en question la labellisation de nos identités sexuelles tout en montrant l’égoïsme inhérent à toute relation amoureuse.
De Cock à Dicks
Après „Cock“, il est logique d’aborder Dicks – pour fêter les 200 ans du fameux écrivain luxembourgeois, Jacques Schiltz mettra en scène son fameux „De Geescht oder d’Mumm Séiss“ remis au goût du jour par Samuel Hamen.
Marion Rothhaar continuera quant à elle son exploration sur le corps avec une pièce sur la mort de l’icône Karen Carpenter, décédée des séquelles de son anorexie – „my body keeps changing my mind“ poursuivra ainsi son travail sur des thématiques déjà abordées par la bande dans „Körper am Ende der Welt“, qu’on avait vu et apprécié en mars au Mierscher Kulturhaus.
Parmi les autres moments forts potentiels, signalons, en vrac, „La Clemenza Di Tito“, un opéra de Mozart mis en scène par Milo Rau, qui se diversifie de plus en plus et semble avoir un peu perdu l’attrait pour l’actualité politique et la scène comme vecteur d’activisme une adaptation d’„Extinction“ de Thomas Bernhard par Julien Gosselin qui, après son Don De Lillo de presque douze heures, revient au Luxembourg pour quelque chose de plus court – sa nouvelle production ne durera que cinq heures – qu’on est impatients de découvrir, une „Hedda“ d’Aurore Fattier qui nous permettra de replonger dans le célèbre texte d’Ibsen après son adaptation par Myriam Muller, un focus sur de jeunes chorégraphes au mois de décembre (Sarah Baltzinger, Laura Bachman, Rhiannon Morgan et Shahar Binyamini) ou encore, last but not least, la troisième mouture du Red Bridge Project, pour laquelle le choix du Mudam, des Théâtres de la Ville de Luxembourg et de la Philharmonie s’est porté, après Anne Teresa De Keersmaeker et William Kentridge, sur Lemi Ponifasio.
Cet artiste samoan et néo-zélandais est surtout connu pour être un passeur d’histoires qui implique très concrètement les communautés rencontrées – au Luxembourg, il partira à la rencontre des chanteurs de chœurs amateurs de toutes les cultures et nationalités, au Luxembourg mais aussi au-delà des frontières grand-ducales, pour un spectacle qui marquera, en octobre ou novembre 2024, le point culminant de sa recherche et de ses projets luxembourgeois.
Alors, puisque l’on a constaté, pour la saison en cours, une augmentation de 54 pour cent (par rapport à l’année précédente, où l’on sortait lentement de pandémie) du nombre des spectateurs et de 35 pour cent pour ce qui est du nombre d’abonné·e·s, gageons que ce retour du public se poursuivra lors de la saison à venir. Pour les abonnements, les réservations peuvent se faire dès maintenant alors que, pour la vente libre, il faudra encore attendre jusqu’au 3 juillet.
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