Psychanalyse / Introduction à la pensée de Lacan
Le philosophe slovène hégélien influencé par la psychanalyse Slavoj Žižek propose dans cet ouvrage une introduction à la pensée de Lacan en pratiquant son mode de lecture et en lisant les textes des autres avec Lacan. Un tel essai s’inscrit dans une enrichissante démarche d’élucidation à la fois philosophique et psychanalytique.
„Alors, peut-on dire qu’aujourd’hui la psychanalyse est vraiment dépassée?“, se demande Slavoj Žižek dans son introduction – au titre programmatique („Essayons de nous laver un peu la cervelle“) – dans laquelle il précise les intentions qui sous-tendent sa monographie: „À l’opposé des vérités d’évidence avancées par les critiques de Freud, je me propose de démontrer que c’est aujourd’hui seulement que le temps de la psychanalyse est venu.“ Ce dernier souligne également la dimension philosophique de la théorie lacanienne dans la mesure où elle correspond à une théorie et à une technique qui confrontent les individus avec la dimension la plus radicale de l’existence humaine. Cette théorie explique comment la dimension de la vérité émerge dans la réalité humaine – le traitement psychanalytique ayant pour but d’amener le patient à „se confronter aux données et aux impasses de son désir“. Ainsi, „Comment lire Lacan“ utilisera Lacan lui-même pour ce faire, le lecteur s’engageant dans une lecture partiale („c’est là un point important de la théorie lacanienne: toute vérité est partiale“).
„Le grand Autre“
Articulé en huit chapitres denses, l’essai de Žižek explicite, dans le premier chapitre, ce que Lacan veut dire par „le grand Autre“: pour ce dernier, la réalité de l’être humain est constituée par trois niveaux qui s’interpénètrent: le symbolique, l’imaginaire et le réel. Le grand Autre, qui peut être personnifié ou réifié en un seul et unique agent, opère au niveau symbolique. À cela s’ajoutent ses analyses portant sur nos codes de comportement quotidiens, le symbolique (ou plutôt le „double mouvement“ de la fonction symbolique) régissant la perception et l’interaction humaines. L’auteur revient également sur les trois manières principales de préparer la nourriture que distingue Claude Lévi-Strauss (cru, cuit, bouilli) ainsi que sur les différences, dans le discours humain, séparant le contenu de l’énoncé et de l’acte d’énonciation.
Dans le deuxième chapitre, l’auteur analyse notamment les concepts d’interactivité et d’interpassivité dans la relation dialogique que nous entretenons avec les nouveaux médias. L’interpassivité est définie comme „la situation où l’objet lui-même s’empare, me libère, de ma propre passivité, si bien que c’est l’objet lui-même qui prend plaisir au spectacle à ma place, m’épargnant ainsi la peine de le faire moi-même“. L’interpassivité est par ailleurs le contraire de la notion hégélienne de „ruse de la raison“ dans le cadre de laquelle je suis actif à travers l’Autre (je peux rester passif tandis que l’Autre agit à ma place). Žižek interroge également les tenants et les aboutissants de nos croyances, de nos traditions, le statut fictif de la vérité dans le cadre de son examen de l’ordre symbolique (le sujet ne pouvant jamais s’identifier totalement et immédiatement avec son masque ou son titre symbolique).
Lamelle et lalangue
L’auteur passe également en revue d’autres notions essentielles telles que „le mur du langage“, la „domestication éthique du prochain“, la définition lacanienne de l’amour, le sujet toujours „décentré“, l’expérience (de soi) phénoménale, le statut paradoxal du fantasme, la „lamelle“ (organe qui donne corps à la libido), la „lalangue“ (néologisme désignant le langage comme lieu de plaisirs défendus défiant toute normativité), etc. Il se (nous) pose des questions fondamentales: „Comment éviter le choc traumatique qui naît du fait d’être directement exposé à ce terrifiant abîme qu’est l’autre? Comment nous débrouiller face à cette rencontre hasardeuse avec le désir de l’Autre?“ (pour Lacan, le fantasme fournit une réponse à l’énigme du désir de l’Autre).
Le chapitre consacré au „moi idéal et surmoi“ est particulièrement porteur dans la mesure où Žižek, rappelant que le surmoi freudien est un agent cruel et sadique qui nous bombarde d’exigences impossibles et qui observe ensuite avec jubilation notre incapacité à y répondre, analyse la manière dont Lacan lit Freud, qui a recours à trois termes distincts pour désigner l’agent qui pousse le sujet à agir éthiquement (le moi idéal – „Idealich“, l’idéal du moi – „Ichideal“ et le surmoi – „Überich“). Il précise au demeurant que la culpabilité que nous ressentons sous la pression du surmoi n’est pas illusoire et qu’elle est liée à la trahison de notre désir. L’auteur examine également certaines formules clé de Lacan s’agissant de Dieu („Une fois que Dieu est mort, plus rien n’est permis“), de la logique perverse à l’œuvre dans la politique ou du fondamentalisme religieux, au sujet duquel Lacan écrit que „le véritable danger qu’il représente n’est pas qu’il menace la connaissance scientifique laïque, c’est qu’il menace de s’élever lui-même au rang de croyance authentique“.
Le dernier chapitre de cet essai s’attache notamment à la maxime de l’éthique de la psychanalyse, à savoir que „la seule chose dont on puisse être coupable, au moins dans la perspective analytique, c’est d’avoir cédé sur son désir“. En définitive, l’ouvrage de Slavoj Žižek, qui fourmille de détails analytiques passionnants, complète avantageusement, par son érudition et par sa dimension didactique, l’exposition qui est consacrée à Lacan au Centre Pompidou-Metz („Lacan, l’exposition. Quand l’art rencontre la psychanalyse“) dans la mesure où il constitue une propédeutique conceptuelle éclairante et admirablement ficelée.
Infos
Slavoj Žižek, „Comment lire Lacan“ (traduit de l’anglais par I. Vodoz), Caen, Nous, „Antiphilosophique collection“, 2023. ISBN-13: 978-2370841230 ; 208 pages ; 15 euros
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