L’Histoire du temps présent / Juin 1944: La Guerre sur deux fronts
Il y a exactement 80 ans, en juin 1944, les Alliés passaient à l’offensive à l’ouest comme à l’est. Bousculée en Normandie et en Biélorussie, l’armée allemande n’avait plus d’autre choix que de reculer. Les Luxembourgeois qui avaient fait le choix du Reich se retrouvaient désormais le dos au mur. Tandis que ceux qui combattaient dans la Waffen-SS affirmaient vouloir se battre jusqu’au bout, ceux qui étaient au Luxembourg songeaient déjà à fuire pour échapper à la vindicte de leurs concitoyens.
Au mois de juin 1944, le Reich allemand fut confronté à deux gigantesques offensives alliées, l’une à l’ouest, l’autre à l’est. À l’ouest, Américains et Britanniques avaient débarqué en Normandie. Dès le soir du 6 juin, premier jour de l’opération Overlord, ils avaient établi trois têtes de pont sur un front s’étalant de la péninsule du Cotentin à l’estuaire de l’Orne. 156.000 hommes et près de 13.000 véhicules de tous types avaient pris pied sur le continent – une avant-garde censée ouvrir la voie à près de trois millions de soldats alliés. Mais après le succès initial du débarquement proprement dit, l’avancée des Anglo-Américains fut freinée. La conquête de l’intérieur de la Normandie allait s’étaler sur près de deux mois.
Les Soviétiques passèrent à leur tour à l’attaque, quelques semaines après le „D-Day“. Le 22 juin 1944, trois ans jour pour jour après le début de l’invasion de leur territoire par les Allemands, ils lançaient l’opération Bagration. Aujourd’hui moins connue à l’ouest qu’Overlord, cette offensive gigantesque s’étalant sur un front de 1.000 km allait porter à une Wehrmacht complètement dépassée un coup dont elle ne se remettrait plus. Durant les trois premières semaines de combat, l’Armée rouge libéra la moitié de la Biélorussie, détruisant au passage 28 divisions allemandes.
Repousser les Alliés à la mer
La situation devenait critique pour le Reich, même si la guerre était encore loin d’être terminée. Les plus déterminés de ses combattants affichaient encore leur confiance dans la victoire finale. Qu’ils y aient réellement cru ou non, ils étaient prêts à vendre chèrement leur peau, à l’exemple du Luxembourgeois Pierre B. Adhérent de la SA et du parti nazi, cet électricien originaire de Luxembourg s’était enrôlé dans la Waffen-SS le 15 janvier 1943. Trois jours après le débarquement allié en Normandie, il adressa à l’Ortsgruppenleiter de la section du NSDAP de Luxembourg une lettre pleine de résolution: „Es herrscht auch hier gute Kameradschaft und nur den Wunsch bald ran an den Feind, an den Tommy zu kommen und ihm ein wenig die Hölle heiss zu machen. Auf jeden Fall wird er sein blaues Wunder erleben, wenn was da unten in der Normandie noch alles auf ihn wartet. Das wird ihm zeigen, was deutsche Soldaten sind. Mag er auch Fuss fassen, soviel er will, es kommt der Tag und die Stunde wo er wieder ins Meer rennt, denn wir wissen dass unser Führer uns bald den letzten Schlag ausführen lässt und somit ein siegreiches Ende dieses Krieges kommt. Ich grüße Sie Ortsgruppenleiter und alle Kameraden und Kameradinnen der Ortsgruppe.“1
Tous les ponts sont coupés
A l’autre bout du continent, un autre volontaire de guerre luxembourgeois, Charles K., exprimait lui aussi son désir de se battre sans faillir. Jeune militant d’extrême droite dans les années 1930, K. s’était mis au service du régime nazi dès le lendemain de l’invasion du Luxembourg. Combattant dans les rangs de la Waffen-SS depuis janvier 1942, il avait deux ans plus tard atteint le rang d’Untersturmführer, c’est-à-dire de lieutenant. De Roumanie où sa division, la Totenkopf, était stationnée, il écrivit le 5 juillet 1944 à un ami au Luxembourg: „Mir selbst geht es ausgezeichnet. Unsere Division hat in den letzten Wochen im rumänischen Raum etwas Ruhe gehabt und ist heute stärker denn je. Wir sehen den Dingen, die da kommen, mit unerschütterlicher Ruhe entgegen. Wenn es jedem so klar wäre, wie uns, dass alle Brücken hinter uns abgebrochen sind, dann würde viel weniger unnütz gequatscht und geredet werden. Lieber soll doch ganz Europa in Scherben gehen, als dass wir auch nur eine Sekunde daran dächten, schlapp zu machen. In dieser Gewissheit genießen wir jede schöne Stunde, die uns gegeben wird und wenn es drauf ankommt, dann schlagen wir uns auch wieder auf Teufel komm’ heraus.“2
La perspective de l’exil
Derrière la confiance affichée par K., pointait néanmoins une critique adressée à certains camarades restés au Luxembourg. Ceux-là étaient d’autant plus prêts à flancher qu’ils n’évoluaient pas dans le cadre d’unités combattantes unies par la fraternité des armes, mais au milieu d’une population de plus en plus hostile. Après le débarquement en Normandie l’administration civile s’efforça donc de rassurer ses fidèles, comme le montre un document émis par la direction de la police allemande à Luxembourg. Adressée à „tous les citoyens allemands installés au Luxembourg“ (alle in Luxemburg ansässigen Reichsdeutschen), aux „Luxembourgeois revenus dans le bercail allemand“ (heimgegliederten Luxemburger) ainsi qu’aux „Allemands ethniques d’autres souches“ (Volksdeutschen andern Stammes), elle les appelait au calme et à la discipline: „Lasst euch nicht vorzeitig von der Hetzpropaganda der sogenannten luxemburgischen Widerstandsbewegungen zermürben. Eine eventuelle Abwanderung der reichsdeutschen u. volksdeutschen Bevölkerung Luxemburgs, ist von den zuständigen Organen bereits ins Auge gefasst und dementsprechende Maßnahmen sind schon in allen Einzelheiten getroffen worden. Etwaige Sammelpunkte für schnelle u. reibungslose Abtransportierung sowie alle näheren Verhaltungsanweisungen werden in Kürze durch die diesbezüglichen Ortsgruppen der Volksdeutschen Bewegung mitgeteilt. Gegenwärtige Sonderbekanntmachung besitzt die Gültigkeit einer CdZ-Verordnung, wird aber wegen der Feind-Propaganda nicht in den Tageszeitungen veröffentlicht, also nur in den öffentlichen Anschlagskästen.“3
Pour plus d’informations, le standard téléphonique de la direction de la police allemande de Luxembourg devait rester joignable jusqu’au 1er août 1944. Malgré les appels frénétiques de la propagande à tenir bon, la dégradation de la situation militaire n’échappait donc pas aux autorités allemandes au Luxembourg. Une offensive des Alliés était à terme envisageable et, dans ce cas, elle devait craindre que, encouragée par les mouvements de résistance, la population se soulève et s’en prenne aux partisans du régime nazi et à leurs familles.
Le fait même qu’un tel communiqué leur ait été adressé, tout comme l’évocation d’une démoralisation prématurée („vorzeitig“), montrait que ces derniers ressentaient un profond besoin d’être rassurés. Des années de collaboration, voire même d’identification complète avec l’Allemagne nazie, plus particulièrement durant les ultimes mois d’occupation, avaient creusé un sillon infranchissable entre les partisans luxembourgeois du Reich et la masse de leurs compatriotes et abouti à une situation de guerre civile en latence.
1 Archives nationales de Luxembourg (ANLux), Fonds Affaires politiques (AP) 55, Rapport d’enquête de la police de Luxembourg du 30 juillet 1946 sur l’attitude politique de Peter B. durant la guerre, lettre de Peter B. à l’OGL de Luxembourg du 9 juin 1944.
2 ANLux, AP K21 (Luxbg.), Lettre de Karl K. à Nikolas M. du 5 juillet 1944.
3 ANLux, Fonds Documentation historique 2e Guerre mondiale (DHIIGM) 58, Sonderbekanntmachung de la direction de la police allemande de Luxembourg.
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