Interview sur le film „Les Barbares“ / Julie Delpy: „On parle de racisme qui est le thème politique de l’année“
Julie Delpy revient à la réalisation avec „Les Barbares“, une comédie sur l’arrivée de réfugiés dans un village français. Un entretien avec la réalisatrice et comédienne.
Tageblatt: D’où vous est venue l’idée de réaliser une comédie sociale sur les réfugiés?
Julie Delpy: D’abord, la crise migratoire, en général. Voir des migrants mourir en Méditerranée me rend très triste. Je me suis inspirée de la réalité des migrants qui ont des expériences plus ou moins positives en France. Avec mes coscénaristes (dont Léa Doménach, réalisatrice de „Bernadette“, ndlr), on a fait un travail très précis. On a rencontré des gens pour avoir des informations réelles et vraies. Sans quoi la comédie ne tient pas.
Vous avez choisi le registre de l’humour. Plutôt cash et … caricatural?
C’est caricatural et cela ne l’est pas. Par exemple, le personnage du plombier n’est pas du tout caricatural. Je connais des gens comme lui, qui disent de telles conneries et aberrations. On sait bien que ces gens existent. Regardez ce qui s’est passé en Angleterre et en Irlande du Nord: ils étaient des centaines de milliers à attaquer les restaurants dans des dizaines de villes et villages. L’humour est une façon plus facile, pour moi, de traiter de ce sujet terriblement dramatique. Dans le film, tout le monde en prend un peu pour son grade, pas seulement les racistes. Mon personnage est aussi un peu excessif, dans sa volonté de sauver le monde. Je ne juge pas. Je n’ai pas de message politique, je n’essaie pas de faire de la leçon à qui ce soit, mais on parle de racisme qui est quand même le thème politique de l’année.
Je n’ai pas de message politique, je n’essaie pas de faire de la leçon à qui ce soit, mais on parle de racisme qui est quand même le thème politique de l’annéee.a. réalisatrice
Comment les acteurs ont-ils trouvé le ton juste?
Vraiment, on a dosé chaque scène, surtout avec Laurent (Lafitte qui incarne le plombier raciste, ndlr). On a essayé plusieurs versions. Laurent m’a donné plein de couleurs différentes, des regards dans le vide, des choses qui font beaucoup rire pour le personnage et qui étaient importantes. Cela nous a permis après, avec la monteuse, de choisir „la“ scène. Le personnage est raciste mais aussi un peu confus, parfois. Quand il est entouré par d’autres personnes soudain, il a l’impression de trouver sa voie. Il est aussi le coq du village qui, tout d’un coup, a peur face à un beau mec. S’il n’y avait que des nanas dans le film, les réactions auraient sûrement été moins viscérales parce que les femmes souffrent moins de racisme. On a découvert, en interviewant des gens, qu’il y a plus de racisme, plus de tension entre hommes qu’entre femmes. Les hommes sont plus victimes du racisme, c’est-à-dire, on est plus méfiant d’un homme étranger que d’une femme étrangère. Je ne sais pas pourquoi, mais c’est la réalité qu’on a remarquée.
„Les Barbares“ est un conte en cinq actes sur fond de tragédie.
Oui parce que je voulais garder un côté solaire, ce qui n’est pas toujours le cas avec ce thème. Je voulais raconter une histoire, un petit côté magique dans la forêt de la Brocéliande avec une fin optimiste même si cela ne l’est pas tout fait puisqu’il y a tellement de gens à sauver. Je voulais un fond d’optimisme car si les gens trouvent une solution pour s’entendre alors les choses vont bien.
Pourquoi avez-vous tourné à Paimpont?
Je connais très bien Paimpont parce que ma tante avait une maison là-bas. Même si j’ai grandi à Paris, j’y allais régulièrement. J’avais déjà tourné „Le Skylab“ (2011) à Paimpont dans la maison de ma tante, à l’époque. On y est retourné et le tournage a été magnifique.
Les caméras sont omniprésentes, notamment celles des journalistes locaux.
Je me suis beaucoup amusée avec ça. On commence le film avec un faux documentaire, ce qui amène, je pense, une touche en plus d’humour. Après, les journalistes locaux s’en vont parce qu’on leur dit qu’un film sur les Syriens n’a pas de valeur. Cela montre aussi une réalité d’une presse mensongère, de sites de désinformation où on accuse des Syriens d’avoir une longue barbe alors que ceux qui arrivent n’en portent pas du tout … Ces sites identitaires font tout et n’importe quoi. A coups d’images Photoshop, ils veulent faire peur et compromettre toute perspective commune.
On a découvert, en interviewant des gens, qu’il y a plus de racisme, plus de tension entre hommes qu’entre femmes. Les hommes sont plus victimes du racisme, c’est-à-dire, on est plus méfiant d’un homme étranger que d’une femme étrangère.e.a. réalisatrice
Vous filmez également les réactions des réfugiés.
Dans beaucoup de films, les réfugiés sont souvent un peu mis à l’écart, d’une certaine manière. Je voulais vraiment leur point de vue. C’est-à-dire que les Français ont des doutes sur ces réfugiés. Certains sont bienveillants, d’autres moins. Mais les réfugiés, eux aussi, ont des doutes sur ces Français, eux aussi se posent des questions sur pourquoi ils sont là. C’était important pour moi de montrer aussi qu’ils ne sont pas tous d’accord non plus. Comme les Français, eux aussi ont des réactions différentes.
Vous vivez également à Los Angeles. Le racisme, la peur de l’étranger existent-ils de la même manière aux Etats-Unis?
Ah oui! Regardez Trump qui dit que les immigrés haïtiens mangent les chats et les chiens. C’est fou parce que c’est ce que disaient les nazis aussi à propos des juifs pendant la guerre: c’étaient des monstres qui mangeaient les animaux. En fait, c’est hallucinant qu’on en est encore là, aujourd’hui. Là, je crois que tout le monde s’est moqué de Trump, quand même. Mais ce qui est fou, c’est qu’il y a des gens qui croient à ce qu’il dit et votent pour lui. Je sais que cela énerve beaucoup quand je dis que si vous ne savez pas ce qui se passe dans le monde en fait c’est beaucoup plus facile de tromper les gens. L’éducation fait beaucoup.
Dans quel sens?
Pour le président George W. Bush, l’attentat du 11 septembre à New York, a justifié une guerre en Iraq. Les Américains, à la limite, pensaient que Saddam Hussein était l’ennemi alors qu’il n’avait rien à voir avec le 11 septembre. Et ça arrive tout le temps. Cela m’a beaucoup aidée aussi d’écrire „Les Barbares“ avec des Français qui vivent en France et mon propre regard puisque je vis à l’étranger venant en France tous les six mois et voyant les changements par à-coups, qui sont beaucoup plus remarquables, en fait. C’est peut-être une des raisons pour lesquelles certains groupes n’aiment pas les binationaux parce que je pense qu’on a une vision à la fois proche et lointaine. Et donc il y a peut-être une lucidité quand on vit à l’étranger et quand on a une expérience d’un autre gouvernement.
„Les Barbares“
À Paimpont, petit village breton, les habitants vivent en harmonie. Lorsque le maire décide d’accueillir des réfugiés ukrainiens, l’élan de solidarité est (quasiment) général. Mais quelle surprise lorsque les nouveaux arrivants se révèlent être une famille syrienne. Ce changement de dernière minute fait ressurgir des préjugés et des tensions. La solidarité du village s’en trouve toute chamboulée. Joëlle (Julie Delpy), l’institutrice pleine de bonne volonté; Anne (Sandrine Kiberlain), la propriétaire de la supérette; Hervé (Laurent Lafitte), le plombier d’Alsace, devenu un „Breton d’exception“; Johnny, le garde-champêtre fan de Johnny Hallyday … Tous sont tiraillés entre doutes, empathie et rejet. „Les Barbares“ aborde l’immigration, au cœur de l’actualité sociale et politique en France et en Europe. Avec audace, Julie Delpy en tire une comédie sociale piquante et divertissante, combinant humour et réflexion sociétale. Réalisatrice et coscénariste du film, la Franco-Américaine y joue aux côtés de Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, India Hair, Jean-Charles Clichet, épatants.
„Les Barbares“ de et avec Julie Delpy. Avec Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, India Hair, Jean-Charles Clichet, Albert Delpy. En salle depuis le 18 septembre 2024, e.a. au Kinepolis Kirchberg.
- Das erwarten sich die Redakteure und die Winzerin vom neuen Projekt - 20. November 2024.
- Vom Ehemann betäubt, von Fremden vergewaltigt: Opfer sagt erstmals vor Gericht aus - 20. November 2024.
- Bauern protestieren weiter gegen Mercosur-Abkommen - 20. November 2024.
Sie müssen angemeldet sein um kommentieren zu können.
Melden sie sich an
Registrieren Sie sich kostenlos