L’odeur de la guerre / Julie Duval, autrice, comédienne et boxeuse: „Si tu tombes après avoir eu un coup, tu te relèves“
Elle combine la boxe et le théâtre: la comédienne et dramaturge Julie Duval. Ce soir, elle présente au Théâtre d’Esch son seul en scène „L’odeur de la guerre“ – une pièce pleine de colère face à la violence. Entretien avec Duval, loin du ring de boxe.
Tageblatt: Julie Duval, pour commencer, d’où vient le titre de votre pièce, „L’odeur de la guerre“?
Julie Duval: Le titre est en fait arrivé par hasard. Pendant le confinement, alors que nous étions toutes et tous enfermé-e-s, j’ai ressenti un manque profond de la salle de boxe, de l’odeur de la sueur et de la transpiration qui y règne. J’ai appelé mon ami Mehdi, un boxeur, en lui disant à quel point cela me manquait. C’est quand il m’a parlé du terme „l’odeur de la guerre“ qui décrit ces odeurs spécifiques d’une salle de boxe – sueur, camphre, transpiration – que ma décision était prise de l’utiliser comme titre pour mon projet.
Quand je pratique la boxe, je ne fais mal à personne
Pourquoi?
Il évoque pour moi une sorte de combat intérieur: c’est une guerre sans violence, une lutte contre soi-même. J’ai voulu garder ce titre, même s’il peut faire peur. Je comprends que le mot „guerre“ est associé à d’autres choses, mais je dis toujours: le spectacle fait le titre et non l’inverse. Ce titre raconte une histoire qui me touche.
C’est une histoire marquée par la violence sexualisée, structurelle et physique – la boxe étant aussi une expression d’agressivité. Comment ces formes de violence se distinguent-elles les unes des autres?
Quand je pratique la boxe, je ne fais mal à personne. La boxe est une forme d’expression de la violence, oui, mais elle peut aussi être un moyen de libérer nos frustrations sans blesser – contrairement aux autres formes de violence que vous mentionnez. En fait, je suis moins agressive depuis que je boxe et j’ai moins de difficultés dans mes relations.
La boxe est quand même un sport de combat.
Ce n’est pas un sport violent. J’ai participé à des combats en amatrice: on peut te casser le nez, te péter les dents, mais tu as choisi d’être là. Ce n’est donc pas une violence subite, elle a été choisie. On se prépare des mois pour le combat, on ne participe pas par hasard. Le même vaut pour l’acte artistique: on ne se retrouve pas sur scène sans le vouloir. Grâce à l’art, on a le moyen de parler de violence sans abîmer personne. Bien que „L’odeur de la guerre“ thématise ces sujets, la pièce est comique en même temps. On pleure et on rit!
Quelle a été votre inspiration pour le scénario?
Après le premier confinement, j’ai rencontré des femmes victimes d’abus, entre autres lors des ateliers de boxe que j’ai organisés. Elles ont partiellement dû fuir leur pays à cause d’un partenaire violent. Leurs témoignages et leurs émotions m’ont profondément marquée. J’ai réalisé que même les petites violences, comme des mots blessants, peuvent avoir un impact énorme. Leurs mémoires m’ont aussi rapprochée de ma propre histoire. La violence est omniprésente dans notre société, qu’elle soit physique ou psychologique. Mon objectif était dès ce moment de transformer cette matière en une véritable pièce de théâtre, pas seulement un récit de vie.
L’écriture de mes propres pièces m’a permis de défendre la parole des femmes de mon âge, pas lisses, prêtes à se défendre
Quel est l’impact de la violence liée au genre et du sexisme sur votre travail de comédienne?
Pendant mes études de théâtre, je devais souvent jouer des femmes naïves qui ne comprenaient pas comment se déroule la vie. Avec une copine, on a constaté que surtout dans le répertoire classique, il manque de personnages féminins intéressants. Quand je me suis retrouvée seule sur une scène de théâtre pour la première fois comme femme, j’ai donc ressenti que je n’avais pas le droit d’occuper cette place. Je ne pouvais pas croire que le public viendrait me voir, payerait pour m’écouter. Il m’a fallu un certain temps pour comprendre que moi aussi, j’ai des choses intéressantes à dire. L’écriture de mes propres pièces m’a permis de défendre la parole des femmes de mon âge, pas lisses, prêtes à se défendre.
Et dans la boxe?
C’était un peu pareil pour la boxe: je craignais tellement de passer la porte de la salle de boxe pour la première fois. Je ne pouvais pas m’imaginer de boxer comme fille – dans ma tête, il n’y avait pas de place pour les filles dans ce monde typiquement décrit comme masculin. Même si les représentations du monde de la boxe se diversifient, j’ai grandi en regardant des films de boxe avec des hommes dans les rôles principaux. Mais une fois passé la porte de la salle de boxe, j’ai adoré ce que j’ai trouvé. Au début, je m’y rendais deux fois par jour toute la semaine.
Qu’est-ce que vous attire?
C’est un lieu d’apprentissage, de rigueur. Quand j’étais adolescente, j’étais toujours en rébellion et en colère. J’ai quitté ma ville natale, ma famille, je suis partie à Paris … Contrairement à ce que je pensais comme adolescente, j’ai besoin d’un cadre pour bien travailler – je l’ai compris dans la salle de boxe.
Dans une interview accordée à France Inter, vous parlez d’une colère de longue date liée à un abus et à un manque de réponses sur la sexualité et le corps.
Travailler sur „L’odeur de la guerre“ m’a permis de mettre des mots sur mes ressentis et mes expériences. Les conversations avec des ami-e-s et des cercles de parole ont été essentielles. J’ai découvert que beaucoup de femmes avaient des expériences similaires et que la parole se libérait dans ces espaces. Cela m’a aidé à comprendre que la sexualité et le corps sont des sujets qui méritent d’être abordés joyeusement et sans tabou, contrairement à ce qu’on m’a appris à l’école. Je ne me souviens que d’informations sur les maladies sexuellement transmissibles.
Ce n’est qu’à travers mon travail artistique et mes entrainements de boxe que j’ai compris ce qui se passait à l’intérieur de moi-même
Le théâtre peut-il éduquer ou sensibiliser à la santé sexuelle et affective différemment?
L’art en général a un rôle crucial à jouer. Il peut servir de support pour aborder des conversations complexes. Par exemple, j’ai vu des mères amener leurs enfants adolescents pour discuter de sujets délicats après avoir vu ma pièce. L’art permet d’évoquer des thèmes difficiles de manière indirecte, ce qui rend les discussions plus accessibles. En tant que spectatrices et spectateurs, nous sommes plus réceptifs à travers les récits d’autres personnes.
Quelles sont les similitudes entre le théâtre et la boxe concernant la relation avec le propre corps?
Tu ne peux pas tricher. Il n’y a que toi et ton corps dans l’arène de combat comme sur scène. Tu choisis de travailler sur toi, de te concentrer sur ton corps et d’être présente à cent pour cent: si je ne le suis pas dans l’arène, je prends un coup; si je suis absente sur scène, je perds le lien avec le public. Ce sont des disciplines qui te forcent à te connaître, surtout tes émotions. Ce n’est qu’à travers mon travail artistique et mes entrainements de boxe que j’ai compris ce qui se passait à l’intérieur de moi-même. J’ai aussi appris à mettre mon ego de côté: si tu tombes après avoir eu un coup, tu te relèves – une attitude à transposer dans la vie, car on encaisse constamment des coups et des défaites.
Pour conclure, quel est donc l’odeur de votre guerre personnelle?
L’odeur de camphre et de sueur – „l’odeur de la guerre“.
„L’odeur de la guerre“, ce mardi, 8 octobre à 20 h, au Escher Theater. Une discussion est prévue après la prestation.
A propos de Julie Duval
Julie Duval s’est formée au Cours Florent. Au début de la vingtaine, elle a découvert sa passion pour la boxe thaïlandaise qu’elle pratique ensuite en compétition. Depuis, elle allie le sport et le théâtre dans son travail de recherche et de création. „L’odeur de la guerre“ est un seul en scène, réalisé par Juliette Bayi.
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