Critique / La (tentative de) reconquête du cinéma français, chapitre deux: „Les Trois Mousquetaires – Chapitre 1: D’Artagnan“ de Martin Bourboulon
La tentative de reconquête du cinéma français, annoncée avec force polémiques l’année dernière par Jérôme Seydoux et consorts, continue: après le très pénible „Astérix et Obélix: L’empire du milieu“, Pathé revient à la charge avec une adaptation des „Trois Mousquetaires“ en diptyque, qui esquive habilement le constat du manque de nécessité d’un énième reboot de l’épique roman d’Alexandre Dumas en affichant sa volonté de créer, autour de ses héros, tout un univers fictionnel.
Centré sur d’Artagnan, ce premier chapitre se termine ainsi, comme l’on pouvait s’y attendre, par un gentil cliffhanger à l’ancienne, annonçant à la fois la suite des choses – le deuxième chapitre, Mylady, s’annonce plus féministe ou veut tout du moins nous donner à voir que chez Pathé, on pense aussi à l’égalité, parfois – tout en rendant hommage à l’écriture feuilletonesque, assez à la mode du temps d’Alexandre Dumas, une forme d’écriture en continu aujourd’hui phagocytée par l’écriture sérielle.
À ce propos, au-delà d’une suite, il est prévu que l’univers dumasien remis à la sauce esthétique, sémantique et commerciale du jour connaisse une prolongation sérielle, avec deux spin-offs dont les noms – „Black Musketeers“ et „Milady Origins“ – suggèrent faussement (les séries seront bien en français) un éloignement du patrimoine français.
Au-delà du fait qu’il paraît quelque peu redondant d’adapter pour une énième fois l’histoire de ces mousquetaires pris dans une situation historique tendue (les rivalités entre les catholiques et les protestants, appuyés par l’Angleterre) et baignant dans le sang de complots orchestrés par le toujours machiavélique Richelieu, il est quelque peu rassurant que le blockbuster français sait encore bien investir son argent après le dernier Astérix, aussi coûteux qu’exécrable, opposant ainsi à la marvelisation de l’industrie cinématographique un univers certes plus archaïque, mais qui parvient toutefois à divertir, tout en donnant une sorte de contexte historique et un hypotexte littéraire à ces super-héros qui se défendent à l’ancienne.
Pour l’histoire, vite racontée, on y trouve notre preux d’Artagnan (François Civil) qui cherche à rejoindre le corps des mousquetaires du roi et qui, en route, affronte différents combats, dont un triple duel qui, par un hasard tel qu’on n’en rencontre que dans les fictions, l’amène à affronter tour à tour les trois mousquetaires.
Leur duel étant interrompu par un traquenard richelieusien, les trois mousquetaires et leur petit nouveau se feront gentiment réprimander par l’arrogant Louis XIII/Garrel, qui a bien d’autres chats à fouetter – une guerre religieuse est devant les portes, qui pourrait bien s’étendre à une guerre contre l’Angleterre, à quoi s’ajoute la probable infidélité de son épouse Anne d’Autriche (décevante: Vicky Krieps).
S’amourachant de Constance Bonacieux (Lyna Khourdi, qu’on avait récemment vue dans „Novembre“ de Cédric Jimenez), confidente de la reine, notre vaillant d’Artagnan n’aura guère le temps de s’occuper d’une séduction fort galante, Athos (Vincent Cassel) découvrant avec stupéfaction, après une nuit de débauche, une jeune femme poignardée dans son lit.
Il a à peine le temps de s’en occuper qu’il est déjà arrêté, puis, parce qu’il avoue ne pas se souvenir de ce qui a eu lieu, jugé coupable. Sa décapitation étant programmée dans quelques jours – on ne s’encombrait pas de paperasses ni de procédures administratives au 17e siècle, cela décapitait d’autant plus à tours de bras que cela constituait, avec les pendaisons, un spectacle public à ne pas rater (que voulez-vous, les gens n’avaient ni Netflix et la téléréalité n’avait pas encore été inventée) –, il reste peu de temps à Porthos (Pio Marmaï), Aramis (Romain Duris) et d’Artagnan pour sauver leur collègue d’une situation quelque peu embêtante.
S’ensuit un film d’aventures au rythme d’autant plus endiablé que les manipulations et autres intrigues seront légion, avec la mystérieuse mylady (un typecasting efficace: Eva Green) qui apparaît toujours à point nommé pour contrecarrer les efforts d’Artagnan.
Filmé dans des couleurs aussi sombres qu’on pourrait confondre la France dix-septièmiste avec un Gotham City en plus archaïque, légèrement remis au goût du jour – le Porthos de Pio Marmaï aime (aussi) les hommes, et la façon dont on traite le féminicide, avec un Athos qui affronte les accusations avec une résignation et une honnêteté auxquelles on ne se serait pas attendu dans une telle production –, „Les Trois Mousquetaires“, loin d’être un film marquant ou même profond, s’avère une assez bonne surprise tant le jeu des acteurs, sa réalisation et son intrigue, tous honnêtes, constituent, dans cet abêtissement, ce nivellement vers le bas auquel s’adonnent la plupart des superproductions d’aujourd’hui, presqu’un coup d’air frais.
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