L’histoire du temps présent / Le courage de questionner les évidences
Malgré les avancées de la recherche, ces dernières années, il est toujours compliqué d’aborder le chapitre de la Deuxième Guerre mondiale au Luxembourg. Deux jeunes historiens du Musée national de la Résistance en font, en ce moment les frais. Les critiques qui leur sont adressées en disent long sur notre rapport à l’histoire.
En décembre 2019, Elisabeth Hoffmann et Jérôme Courtoy, ont révélé le résultat de recherches menées depuis plusieurs mois. Ces deux jeunes historiens du Musée national de la Résistance ont découvert ce que personne n’avait réussi à trouver jusque-là, une preuve irréfutable de la participation de Luxembourgeois aux crimes du Reserve-Polizei-Bataillon 101.
14 soldats de la Compagnie des volontaires, la force armée luxembourgeoise d’avant-guerre, avaient été intégrés dans cette unité allemande, en juin 1942, c’est-à-dire au moment de son transfert dans le district de Lublin, en Pologne occupée. Le RPB 101 y a sévi jusqu’à l’arrivée des troupes soviétiques, à l’été 1944. Il a déporté près de 45.000 Juifs dans les camps d’extermination et en a assassiné 38.000 autres, dans des fusillades de masse.
Le RPB 101 a également pris part à la „Partisanenbekämfung“, au combat contre les partisans. Cela signifie que ses hommes devaient ratisser les forêts et les fermes du district de Lublin pour y débusquer et éliminer les Juifs et les résistants qui s’y cachaient. Hoffmann et Courtoy ont découvert une photo prise à l’issue de l’une de ces actions.
Juifs et bandits
Le cliché montre, à l’arrière-plan, un corps inerte, gisant devant une grange. A l’avant-plan, un groupe prend la pose. Les hommes semblent détendus, satisfaits. L’un d’entre eux porte une tenue civile, les six autres sont en uniformes de la police allemande. Le troisième en partant de la droite est probablement le meneur. Il est le seul à être armé d’un pistolet-mitrailleur. Cet homme est le Wachtmeister X., l’un des 14 Luxembourgeois du RPB 101. La photo était à lui. A l’arrière de celle-ci on peut lire: „Diese Scheune war voll Juden u. Banditen der Stoßtrupp nach dem Kampf.“
L’annonce de la découverte de cette photo a également été relayée par le Tageblatt. Elle n’a pas manqué de faire des vagues, même pendant les fêtes. Ce qui est frappant, c’est que les réactions les plus vives sont, une fois encore, venues de ceux qui, pour une raison ou une autre, sont outrés que quiconque puisse avoir l’outrecuidance d’évoquer ce genre de faits. Je pense notamment à la tirade qu’un homme d’Église a relayée sur Facebook.
L’auteur a opté pour un registre extrémiste et ordurier, comme une petite frappe dont on aurait insulté la mère. Le fait qu’il a pris un travail d’histoire de manière si personnelle est déjà une information en soi. Les arguments qu’il utilise méritent eux aussi qu’on les analyse, tant ils sont typiques, éculés et révélateurs des ambiguïtés de notre conscience historique et de l’antagonisme entre mémoire et histoire.
Discréditer plutôt qu’argumenter
Plutôt que de questionner leur argumentation, l’auteur du poste préfère s’attaquer directement aux deux historiens; cherche à les discréditer en laissant entendre qu’ils se sont laissé manipuler, les traitant de „naiv Könnercher vum Escher ,Resistenzmusée‘“ – ce dernier terme étant bien entendu flanqué de guillemets, dont la signification attentatoire n’a ainsi même plus besoin d’être explicitée.
En réalité les deux historiens en question ont déjà du métier. Tous deux travaillent depuis quelques années au Musée national de la Résistance, ont fait auparavant des études d’histoire, en se spécialisant dans l’histoire contemporaine du Luxembourg. Elisabeth Hoffmann est docteure en histoire, titre qu’elle a obtenu après avoir défendu une thèse sur la mémoire de la résistance. Ils savent de quoi ils parlent, c’est d’ailleurs pour cela qu’ils ont immédiatement compris la signification de la photo.
Cette façon de s’en prendre personnellement à ceux qui apportent une nouvelle vision de l’histoire récente n’a rien de nouveau. Paul Cerf en avait déjà fait les frais en son temps. La disqualification pour cause de jeunesse n’est pas bien neuve non plus. Elle est d’ailleurs plus que paradoxale dans un pays où on prétend vouloir transmettre aux jeunes générations la mémoire des „pages sombres de notre histoire“, soi-disant pour développer son sens critique.
Un mythe national figé
Or, ce que l’auteur reproche finalement aux jeunes historiens, c’est précisément de faire preuve d’esprit critique – et d’esprit d’initiative! –, plutôt que de se contenter de répéter sagement une histoire écrite par d’autres. D’oser l’exégèse quand on leur demandait de réciter des versets. „Wat huet dat do mat Lëtzebuerger Resistenz ze dinn?“, écrit-il : „Se solle vun de verstoppte Jonge schwätzen – wann se dat fäerdegbréngen.“
Spontanément, on pourrait lui répondre que l’un n’empêche pas l’autre. Qu’il faut s’intéresser à tous les aspects de l’histoire. Que l’existence de la collaboration n’efface pas la réalité de la résistance, au contraire. Le fait que certains se soient rangés derrière les Allemands ne peut que souligner la singularité de ceux qui ont refusé de se soumettre. Mais cela serait vain. Le problème n’est pas prioritairement historiographique, il est mémoriel.
L’histoire de la Deuxième Guerre mondiale dans ce pays n’a pas uniquement été écrite par pur devoir de restituer les événements du passé. Elle l’a aussi été, en zigzaguant entre les fractures de la société, en ménageant la douleur et la susceptibilité de diverses catégories – les élites politiques, administratives, et économiques, les résistants, les enrôlés de force, etc. Le récit ainsi composé est un mythe national, qui craint tout autant le passé que l’avenir.
Comprendre l’expérience du Mal
Le dernier argument du Troll est qu’il est scandaleux – et éventuellement politiquement suspect – de ne pas savoir faire preuve de compassion pour un „aarme Bauerejong aus der Polizeischoul, deen eng Dommheet gemat huet an duerno am Soff an den Drogen ënnergaangen ass“.
On doit tout d’abord souligner que, aussi tragique qu’a pu être le destin de ce garçon, ce n’est pas lui qui a le plus pâti des événements, mais les dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants, rassemblés comme du bétail et assassinés. On peut aussi faire valoir qu’une expression comme „faire une bêtise“ est un peu courte pour caractériser les faits.
Ces réserves une fois exprimées, il faut en effet se garder de juger les 14 du RPB 101 à notre aune. Ce qui les différencie de nous n’est pas que nous leurs soyons moralement supérieurs mais que, contrairement à eux, nous n’avons pas été confrontés au Mal. Nous n’avons pas eu à choisir de le commettre ou non. S’il faut s’intéresser à ce qu’ont fait les 14 du RPB 101, ce n’est pas pour les pointer du doigt mais pour en apprendre plus sur notre condition humaine, mais aussi sur notre société.
Oser poser les questions
Car enfin, ce qui mérite qu’on s’interroge, c’est la raison pour laquelle ces faits qui, ne nous faisons pas d’illusions, n’étaient pas inconnus de tous, n’ont suscité aucun intérêt pendant longtemps. La raison pour laquelle les 14 du RPB 101 ont été honorés de la même manière que leurs 264 camarades jetés en prison ou en camps de concentration pour avoir refusé, contrairement à eux, d’obéir aux ordres allemands. La raison pour laquelle les différents gouvernements n’ont cessé, depuis la libération, d’affirmer qu’il fallait cultiver l’histoire des années d’occupation, tout en sous-traitant la tâche à des lobbys mémoriels qui rechignent à en changer la moindre virgule.
La passion pour l’histoire naît de la curiosité pour l’aventure humaine. Elle est entretenue par le courage de questionner les évidences, poser les questions, même celles qui fâchent. Trouver le mot juste pour décrire ce qu’on a compris au prix de grands efforts. C’est cela qu’il faut transmettre aux jeunes, et non un mythe déjà entièrement rédigé et intangible, figé dans les années 1950. Une histoire à laquelle, non seulement, il ne peuvent plus s’identifier mais qu’ils ont même du mal à comprendre.
Frage mich, was diese Historiker als Zwangsrekrutierte, ob Freiwilligenkompanie oder Polizei, getan hätten? Die jugoslawischen Partisanen galten als äusserst brutal und gewalttätig. Hätten die Luxemburger Zwangsverpflichteten in der Wehrmacht zu ihnen überlaufen sollen? Sie wären entweder als Deserteure von den Deutschen oder als vermeintliche Spione von den Partisanen erschossen oder hingerichtet worden. Aus heutiger Sicht ist gut reden und scheint vieles so einfach. Die Luxemburger Zwangsrekrutierten waren Opfer und Geiseln der Nazis, die allerwenigsten waren Mittäter.
Elisabeth Hoffmann und Jérôme Courtois sollten sich glücklich schätzen, den Zweiten Weltkrieg nur aus Berichten und vom Hörensagen zu kennen. Im Nachhinein ist es immer leicht zu urteilen wie man was hätte tun oder nicht tun sollen. Jetzt recherchieren und auf Grund von Fotos und Dokumenten, welche die Familienangehörigen vertrauensvoll den Historikern zur Verfügung stellten ein eventuelles Fehlverhalten ihrer Vorfahren festzustellen und zu veröffentlichen, ist ganz einfach nicht fair. Damals mussten viele junge Menschen kurzerhand Entscheidungen treffen, die sie einfach überforderten. Für die meisten ging es ums nackte Überleben, sie mussten sich zwischen Pest und Cholera entscheiden.
Wenn ich so die beiden vorigen Kommentare lese, kann ich nur schlussfolgern, dass die Gehirnwäsche im Geschichtsunterricht gut funktionniert hat. Das Märchen vom nationalen Heldentum hat tiefe Wurzeln.
Nicht alle Luxemburger waren Helden, nicht alle Luxemburger waren Resistenzler, nicht alle Luxemburger waren Verräter, nicht alle Luxemburger waren Mitläufer. Die meisten waren wohl zurückhaltend und unauffällig. Was blieb ihnen auch anderes übrig? Im Geschichtsunterricht, zumindest zu meiner Zeit, wurde dieses Kapitel nicht behandelt. Von “ Gehirnwäsche “ kann demnach nicht die Rede sein. Und diejenigen, die nach dem Kriege gross auftrumpften und von ihrem Widerstand gegen die Besatzer tönten, waren Maulhelden und sonst nichts.Die Zwangsrekrutierten, die KZler, die Umgesiedelten haben nicht viel gesprochen, denn das was sie gesehen und erlebt hatten war so schlimm, dass sie darüber nicht sprechen konnten. Wer das Glück der späten Geburt h und keine Ahnung hat, was Krieg, Besatzung und Unterdrückung bedeuten, sollte mit seinem Urteil sehr zurückhaltend sein!