Affaire Dieschburg / Le faux pas d’un jeune pressé
Le jeune artiste Jeff Dieschburg aurait dû demander à la photographe Jingna Zhang, qui l’accuse de plagiat, s’il pouvait reproduire tout ou partie de sa photo. C’est l’avis à froid de la photographe Véronique Kolber, du peintre Jean-Marie Biwer et de son jeune confrère, Pit Riewer.
Comme la France connaît l’affaire Daniel Druet/Maurizio Cattelan qui trouvera son épilogue le 8 juillet, le Luxembourg connaîtra peut-être son affaire Jingna Zhang/Jeff Dieschburg, pour demander au tribunal de l’éventuel copaternité des premiers sur les œuvres des seconds. L’affaire a commencé lorsque le jury de la Biennale d’art contemporain de Strassen a décidé d’honorer le travail du jeune prodige de la commune. C’est alors que l’artiste vivant aux Etats-Unis Jingna Zhang a protesté contre un prix gagné en faisant un recours évident à son travail photographique sans l’avoir mentionnée.
„La vie devant soi“
L’expérimenté Jean-Marie Biwer a d’abord regardé d’un air distrait cette affaire, avant de s’y intéresser davantage quand un appel au meurtre du jeune peintre a circulé sur les réseaux sociaux. Relayant les protestations de l’avocat de ce dernier, le peintre a dénoncé une haine démesurée par rapport au forfait commis et encouragé ce dernier à continuer à travailler.
Il me semble que ce jeune artiste était préoccupé par son idée plus que par des considérations d’ordre éthique, de droits d’auteur. C’est une faute, certes, mais de là en faire une affaire d’Etat, voire d’en appeler à sa mort, c’est de la folie pure et simple.“peintre
Jean-Marie Biwer ne blanchit pas pour autant le jeune peintre. „Il est certain que Monsieur Dieschburg aurait dû mettre une référence par rapport à la photo originale. Tout comme il aurait dû demander l’autorisation à l’artiste qui a pris la photo d’origine“, concède-t-il. Le débat déclenché lui aura servi de leçon, pense-t-il en présumant que le jeune artiste n’y avait peut-être tout simplement pas pensé. „Il me semble que ce jeune artiste était préoccupé par son idée plus que par des considérations d’ordre éthique, de droits d’auteur. C’est une faute, certes, mais de là en faire une affaire d’Etat, voire d’en appeler à sa mort, c’est de la folie pure et simple.“ La photo copiée dans les grandes largeurs n’est qu’une partie d’un diptyque. Jean-Marie Biwer y voit une circonstance atténuante. L’œuvre prise dans son ensemble est „un travail qui transporte un tout autre message que l’œuvre d’origine, la partie de gauche“.
L’artiste commence toujours sa carrière en s’inspirant des autres, poursuit-il. „Comment devient-on peintre? En observant la nature, sous tous ses aspects. Puis en regardant et en analysant toutes sortes d’images de toutes les époques et de toutes les techniques (dessins, gravures, sculptures, photos, films et vidéos …). Puis en essayant de comprendre l’époque dans laquelle on vit et de quelle manière y réagir. Au départ, on ne peut donc construire que sur ce qui fût ou encore détourner ce qui fût“, explique-t-il en mentionnant la photo de Marilyn Monroe qui a inspiré une série d’Andy Warhol ou plus récemment le portrait de Laura Palmer dans Twin Peaks repris par Filip Markiewicz …
Une œuvre s’affranchit ensuite de ses recherches initiales, mais il faut pour cela du temps et du travail: „Ce garçon a 24 ans, la vie devant soi. Il est travailleur, a du talent, se donne le mal d’étudier à fond l’Histoire de l’art – qu’on ne le démolisse pas publiquement alors qu’il n’en est qu’à ses débuts.“
Il y a une sorte de code de conduite éthique entre artistes autant que je l’ai expérimentée. Entre créatifs, nous vivons d’échanges et d’inspiration partagée.“peintre
Quand on est un jeune peintre encore étudiant qui a déjà fréquenté les mêmes salons (celui du CAL notamment) que Jeff Dieschburg – en y vendant des toiles à des prix comprenant deux chiffres de moins – la réaction à une telle affaire est davantage épidermique. „Il y a une sorte de code de conduite éthique entre artistes autant que je l’ai expérimentée. Entre créatifs, nous vivons d’échanges et d’inspiration partagée“, commence par observer Pit Riewer. „Philosophiquement, je ne crois pas que l’originalité en elle-même existe et les artistes doivent combiner et reformuler des idées, pensées, méthodes et matières de ses collègues artistes pour créer quelque chose de nouveau.“
S’inspirer des photos des autres est un moyen souvent employé pour expérimenter une technique, et „ne devient un problème que lorsque le photographe n’est pas crédité dans les règles de l’art“. „Voler le travail de quelqu’un est quelque chose d’inouï’, juge-t-il. Il aurait fallu demander une permission écrite ou alors transformer la photo au point qu’elle ne soit „quasiment plus reconnaissable“, pense-t-il.
La peinture et la photographie entretiennent une relation particulière. La première a été contrainte par la seconde à se réinventer. „La technique de Dieschburg ne prend pas assez ses distances d’un processus photographique pour constituer un travail véritablement original“, analyse Pit Riewer. Il a en tête un modèle fameux de recours fructueux à la photo pour en faire autre chose, dans l’usage que fit des photos d’Eadweard Muybridge le peintre anglais Francis Bacon, dont les „coups de pinceau expressionnistes et agressifs“ ont donné une profondeur psychologique nouvelle au sujet.
Prendre soi-même la photo
Le meilleur moyen de rendre original le recours à la photo est de la faire soi-même. Pit Riewer et Véronique Kolber sont d’accord sur ce point. C’est d’ailleurs ce que font la grande majorité des peintres photo-réalistes, quand ils ne paient pas un photographe professionnel pour le faire à leur place.
Dans sa pratique de photographe, Véronique Kolber est plus souvent confrontée à des questions de droit à l’image que de droit d’auteur. Il lui arrive toutefois régulièrement de constater que certaines de ses photos commerciales (de mariage notamment) sont détournées à des fins promotionnelles. Elle demande alors aux usurpateurs de payer la facture ou de retirer les documents. Elle parvient à déceler ces emprunts en chargeant ses photos dans un moteur de recherche, comme l’a sans doute fait Jingna Zhang.
Les peintres, par contre, lui demandent toujours l’autorisation pour utiliser ses photographies d’art comme modèles. „C’est en général pour des études, non pour exposer et gagner un prix“, explique-t-elle. A chaque fois, ils lui ont envoyé le résultat de leur travail. Récemment encore, une artiste peintre lui a demandé la possibilité de reprendre un de ses portraits, qu’elle a transposée dans un décor de forêt. Véronique Kolber a rédigé une autorisation écrite stipulant que son nom devrait être mentionné à côté de l’œuvre.
C’est très important après vous être inspiré des autres de développer son propre stylephotographe
Elle n’a donc pas de mal à comprendre la photographe de 34 ans usurpée qui avait fait un véritable travail de lumière sur sa photo et qui a dû être d’autant plus aigrie que l’emprunt avait valu au peintre un prix. „[Ce dernier] ne savait pas“, parie Véronique Kolber. „Ses peintures ont magnifiques. C’est génial, il est encore jeune. Il peut faire encore des fautes.“ Avec le temps, l’artiste saura sans doute se détacher de pratiques étudiantes où l’on va piocher chez les autres. „C’est très important après vous être inspiré des autres de développer son propre style.“ Pour autant, que l’affaire Zhang/Dieschburg s’achève par un arrangement ou un jugement, la photographe voudrait que le principe du droit d’auteur soit consacré en faveur de sa consœur.
- Un livre sur le colonialisme récompensé – Le choix de l’audace - 14. November 2024.
- Trois femmes qui peuvent toujours rêver: „La ville ouverte“ - 24. Oktober 2024.
- Une maison à la superficie inconnue: Les assises sectorielles annoncent de grands débats à venir - 24. Oktober 2024.
Ech denken de Problem ass och einfach d’Reaktiounvum Artiste. Hätt hien sech einfach entschellegt beim Photographe da wier wahrscheinlech alles ouni Problemer verlaaf. Hien huet awer komplett iwerhieflech an arrogant reageiert. An hien kennt och elo nach emmer sou riwer. Wann säin jonken alter eng Excuse solt sen da misst hien sech och sou verhalen a net probeieren mat sengen 26 Joer de Lait missen d’Welt ze erklären. An och d’Präisser di heien fir seng Biller well sen jo awer en Zeechen datt hien sech senger Saach secher ass. Well fir deen Präiss kritt Dir awer schons Biller vun aner letzebuerger Artisten di schons Joeren Erfahrung hunn.