/ Le „Löschenhaus“ et l’histoire du vandalisme
Autant de sites qui renvoient à des promesses qui déclenchent chez beaucoup d’entre nous un déjà-vu fort amer.
Déjà-vu d’autres monuments architecturaux qui devaient être protégés mais ne le furent pas, autour desquels les responsables politiques ont fait des promesses, ont triché, ont menti et qui furent finalement détruits ou mutilés.
Un site revient toujours dans la mémoire de la longue liste d’actes de vandalisme commis ou tolérés par l’Etat luxembourgeois et ses communes. Il fait figure de péché originel en matière de non-respect du patrimoine. Il est entré dans l’histoire sous le nom de „Löschenhaus“, démoli en mai 1977. Certes, ce ne fut pas le premier scandale de ce genre au Luxembourg, mais peut-être le plus connu.
En 1974 déjà la „Hasteschmillen“ du Grund avait été rasée, en 1976 le Grand Hôtel Brasseur (coin Boulevard Royal/Grand-rue), autre symbole d’une longue liste d’actes de vandalisme architectural dans le centre de Luxembourg-ville. A Esch, l’enseignante Nelly Moia lançait en 1973 une pétition pour faire classer le „Mederhaus“, cette villa de style Art nouveau que le marchand de vin italien Olivo avait fait construire en 1907 dans le quartier du Brill. Malgré son inscription sur l’inventaire supplémentaire des monuments nationaux, la désaffectation et le manque d’entretien de la maison de 1973 à 1985 ont conduit à la destruction de nombreux de ses éléments.
Le péché originel et ses conséquences
„An de Löschen“, dans les prés marécageux aux alentours d’Echternach, l’abbé Philippe de la Neuveforge avait fait construire pour ses moines, au 17e siècle, une villa de style baroque pour leur servir de résidence d’été. Au 18e siècle, elle fut agrandie de deux pavillons d’angle. Au 20e siècle, la villa, qui fut un moment la propriété du premier ministre Joseph Bech, ne fut finalement plus habitée et passa aux mains de la commune.
Lorsque la commune envisage dans les années 1970 d’aménager un lac artificiel comme aire de récréation sur ce site, ce que j’appelle la „tactique du salami“ – appliquée encore et encore depuis lors – commence autour du „Löschenhaus“. Alors que le bourgmestre DP et ancien ministre Robert Schaffner veut dès le début la faire démolir, il déclare au Journal en juin 1973 „dass es noch ungewiss ist, ob man die alten Gebäude erhalten könne“. Sur initiative de professeurs du Lycée classique d’Echternach comme le futur directeur des Sites et monuments Georges Calteux et Jos Massard, la section LSAP demande au collège des échevins CSV-DP de conserver et restaurer ce témoin important de l’histoire architecturale d’Echternach. La société d’embellissement et de tourisme suggère de sauvegarder la villa sur une île du lac et d’y aménager une salle de concert pour le festival de musique.
Le secrétaire d’Etat CSV Jacques Santer débloque 2 millions de francs pour restaurer le toit, argent jamais dépensé. Dans le gouvernement LSAP-DP suivant, le ministre des Affaires culturelles LSAP Robert Krieps prévoit 10 millions de francs pour la restauration. Le 31 juillet 1976, le conseil communal d’Echternach décide, à 7 contre 4 voix (dont le non du bourgmestre Schaffner) de sauvegarder le „Löschenhaus“. Même une commission de l’Unesco s’engage pour la préservation de cette dépendance de la célèbre abbaye d’Echternach.
Mais la procédure de classement reste bloquée au niveau de la commune, du ministère de l’Intérieur et du Conseil d’Etat. Les travaux pour le lac artificiel commencent et la villa baroque se trouve vite littéralement les pieds dans l’eau. Puis, en décembre 1976, deux échevins retournent leur veste: un échevin DP à qui on promet le poste de bourgmestre comme successeur de Schaffner et un échevin LSAP à qui on promet un poste de conseiller d’Etat. La voie est libre pour démolir le „Löschenhaus“, que les responsables politiques proposent de reconstruire à un autre lieu, ce qui ne sera jamais réalisé. En mai 1977, le „Löschenhaus“ est détruit. Toute ressemblance de cette affaire avec ce que nous vivons depuis plus de 40 ans et en ce moment au Luxembourg ne saurait évidemment être que purement fortuite …
Intéressons-nous maintenant aux conséquences institutionnelles de la démolition du „Löschenhaus“. L’affaire conduit notamment à la loi actuelle sur la protection du patrimoine qui date du 18 juillet 1983. Le 25 mai 1978, le ministre des Affaires culturelles Robert Krieps dépose un „projet de loi concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux“. Il se réfère à l’engagement citoyen pour les témoins culturels du passé et à l’„Année européenne du patrimoine architectural“, célébrée en 1975 sous le mot d’ordre „Un avenir pour notre passé“. Le projet de loi cite la Déclaration d’Amsterdam de la même année: „La préservation de la continuité historique dans l’environnement est essentielle pour le maintien ou la création d’un cadre de vie qui permette à l’homme de trouver son identité et d’éprouver un sentiment de sécurité face aux mutations brutales de la société: un nouvel urbanisme cherche à retrouver les espaces clos, l’échelle humaine, l’interprétation des fonctions et la diversité socio-culturelle qui caractérisent les tissus urbains anciens“
Depuis la loi du 12 août 1927 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, modifiée en 1968, une autre approche s’impose d’après le projet de loi, comme en témoignent la Charte de Venise de 1964 et la fameuse „loi Malraux“ de 1962 en France. Sont désormais considérés comme monuments tous les immeubles „dont la conservation présente au point de vue archéologique, historique, artistique, esthétique, scientifique, technique ou industriel, un intérêt public“. La nouvelle loi rend possible comme en France la création de „secteurs sauvegardés“. Le classement d’un immeuble peut se faire sur la demande soit de la Commission des sites monuments, soit d’une commune, soit d’un particulier.
Un argument principal de l’exposé des motifs mérite d’être cité: „Une conception ponctuelle de la protection était suffisante il y a cinquante ans, à une époque où les villes et les villages se modifiaient lentement et où les constructions nouvelles ne juraient ni par les matériaux utilisés ni par leurs dimensions avec l’ensemble architectural auquel ils étaient intégrés. Toutefois, la période de prospérité économique d’après la Seconde Guerre mondiale vit une prolifération rapide et anarchique des constructions, caractérisée par l’abandon des volumes horizontaux en accord avec le paysage, l’utilisation abusive de matériaux nouveaux, l’absence de tout souci d’unité et d’harmonie.“ Le législateur et l’Etat était appelé à prendre ses responsabilités, exigeait le projet de loi, „pour mettre un frein à l’appauvrissement progressif de notre patrimoine culturel au sens large“.
Où est passée la loi Hennicot-Schoepges?
Ces phrases furent écrites en 1978, durant la crise économique mondiale et la crise sidérurgique. A un moment où personne n’imaginait la croissance exponentielle qui caractérise l’économie luxembourgeoise depuis la fin des années 1980. Après les Trente Glorieuses de 1945 à 1975, le pays connaît entretemps, pour paraphraser Paul Zahlen, ses „Trente Splendides“. Caractérisées par la prospérité économique mais tout autant par une rage de destruction du patrimoine des villes, villages et friches industrielles luxembourgeois, par un appauvrissement radical et scandaleux de l’héritage culturel national. Comme Renée Wagener l’a exprimé, dès les premières demandes de classement issues des rangs de „Jeunes et patrimoine“ et de „Stoppt de Bagger“, il s’avérait que la réforme de la protection du patrimoine bien intentionnée de Robert Krieps n’était qu’un tigre de papier. Par peur de plaintes en dommages et intérêts des propriétaires, la plupart des demandes de classement furent refusées. Le bulldozer s’en est donné à cœur joie ces dernières décennies, dans la capitale comme dans le reste du pays.
Pour tenir compte de cette évolution et pour adapter la loi aux circonstances nouvelles, un projet de loi relatif à la protection et à la conservation du patrimoine culturel fut déposé par la ministre de la Culture Erna Hennicot-Schoepges, le 17 octobre 2000. De 2000 à 2007, il n’y eut pas moins de sept versions de ce projet, trois avis du Conseil d’Etat, à côté d’avis de la Chambre de commerce et du Mouvement écologique. La commission parlementaire de la Culture y consacra 39 séances. En décembre 2007, la loi n° 4715 était fin prête et le Conseil d’Etat était d’accord avec le dernier train d’amendements. Et puis, elle a disparu, à l’image des cent témoins de notre patrimoine culturel qui disparaissent par an au Luxembourg.
Un rapport de 652 pages du juriste français François Desseilles de 2012-2013, présentant les modalités juridiques en matière de protection du patrimoine sur le plan national et européen, a lui aussi disparu dans les tiroirs du gouvernement. Tout comme les conclusions des Assises du patrimoine de 2014. Tout comme la demande de classement du „Löschenhaus“ il y a 40 ans.
Toutes celles et tous ceux qui mènent un combat de Sisyphe contre le vandalisme privé, communal et étatique ont de bonnes raisons de se souvenir de l’affaire du „Löschenhaus“. En ce moment, pendant que vous lisez cette chronique, sont détruits ou menacés de destruction (liste loin d’être complète): à côté des bâtiments mentionnés au début de cette chronique, une ferme à Junglinster, une autre à Beaufort, beaucoup d’anciennes maisons à Kehlen, Contern, Weiswampach, à Mersch, place St-Michel, les silos, toujours à Mersch, la gare à Ettelbruck. L’année dernière, le garde forestier a fait démolir, dans l’illégalité la plus complète, la direction des Mines à Dudelange. A Echternach, où les vandales communaux des années 1970 ont fait des rejetons, la maison natale de l’industriel et écrivain André Duchscher a été rasée en 2016, juste avant que Sites et monuments ne la fassent classer. En mars de cette année, les „Oachtergäert“, jardins datant du 18 e siècle, ont été démolis juste avant que la loi sur la protection de la nature n’eût pu les sauver.
Dans le deuxième Carnet d’opinion de la Fondation de l’architecture et de l’ingénierie, en 2008, Anne Fabeck-Scholtes faisait cette comparaison judicieuse: „Le non-respect du patrimoine bâti produit les mêmes effets qu’une guerre qui détruit les traces du bâti.“ Cette année, nul besoin en tout cas de commémorer le 75e anniversaire de l’Offensive des Ardennes. A sa place, l’Etat et les communes mettent en scène de façon quotidienne une reconstitution macabre en menant une offensive guerrière contre le patrimoine bâti de leur propre pays, cette fois-ci pas seulement dans l’Ösling mais dans le pays entier.
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Gott sei Dank ass dat alt Gemeier ofgerappt ginn , soss hätt Iechternach haut nët déi wonnerbare Séi!
Renovieren und den See rundherum anlegen. Mit Brücke begehbar machen und ein Museum/Restaurant draus machen.(unter Anleitung von Georges Calteux). Da fehlt es an Phantasie. Die Abrissbirne ist billiger.
Wenn das so geplant war, schade, dass dem nicht stattgegeben wurde. Wem es da an Phantasie fehlte, vermag ich nicht zu beurteilen. Jedenfalls ein Projekt, das mit etwas gutem Willen durchaus hätte realisiert werden können und Echternach wäre um eine Attraktion reicher. Man sollte nicht immer das Kind mit dem Bade ausschütten und gleich drastiche, endgültige Massnahmen ergreifen.
War nicht so geplant. Nur eine Idee. Stattdessen hat man es fertig gebracht,eine grottenhässliche Kartoffelkiste,genannt Jugendherberge gleich neben den Ausgrabungen einer Römervilla zu plazieren. De gustibus non est disputandum. Willibrord dreht sich im Grabe um.
…. oder das was noch von ihm übrig ist. Eine Handvoll Asche! Aber recht haben Sie, was diese Jugendherberge betrifft, ebenso das Bunker ähnliche “ Restaurant“ eingangs des Seeareals.