Forum / Le procès de Benjamin Netanyahu est nécessaire
Mise en accusation ne signifie pas encore condamnation, et comme pour tout quidam, la présomption d’innocence vaut aussi pour les chefs de gouvernements ainsi que pour – et ici, le droit contredit probablement certaines intuitions morales – les chefs de groupes terroristes.
La mise en accusation du premier ministre israélien et de son ministre des Armées, ainsi que celle de trois chefs du Hamas, signifie que ces personnes sont appelées à se justifier d’actes criminels qui leur sont reprochés, dans le cas d’espèce d’actes très graves codifiés par le droit public international et plus particulièrement par le Statut de Rome instaurant une Cour pénale internationale. Ratione personae, cette Cour exerce une juridiction erga omnes, c’est-à-dire que tout individu, du plus simple quidam au chef d’Etat, peut être mis en accusation devant cette Cour et, le cas échéant, condamné par elle. Le fait que les chefs du Hamas – dont je ne traiterai pas ici – ne soient pas des dirigeants politiques au sens strict du terme n’empêche donc pas la Cour de statuer sur leur cas.
Les personnes mises en accusation devraient, si elles estiment être dans leur droit, aller se défendre à La Haye afin de se laver des accusations portées contre elles. La mise en accusation a pour fonction de permettre un débat, qui en principe devrait être serein, devant une juridiction dont on doit supposer l’impartialité, son seul but étant de dire le droit et non pas de prendre des décisions politiques.
Les normes juridiques qui s’appliquent dans le cas sous rubrique sont celles contenues dans le statut de Rome, qui proscrit notamment les actes de génocide et les crimes de guerre. Le crime de génocide tel que défini à l’article 6 dit clairement que ce crime n’est donné que s’il implique une intention de détruire en tout ou en partie un groupe national, ethnique, racial ou religieux. Si l’intention des mis en accusation israéliens était seulement de détruire un groupe terroriste, le crime de génocide n’est pas donné. Pour qu’il soit donné, il faudrait prouver que les deux mis en accusation israéliens voulaient détruire le groupe terroriste parce qu’il était composé de Palestiniens ou de musulmans. Or, dans le cas présent, ce n’étaient ni l’appartenance nationale, ni l’appartenance religieuse qui motivaient la destruction, mais la dangerosité du groupe telle qu’elle s’était montrée le 7 octobre 2023.
Ce qui pose problème, néanmoins, c’est qu’en poursuivant la destruction de ce groupe, Israël a frappé des civils et des infrastructures civiles. Ce qui pose aussi problème, c’est que les Israéliens ont empêché les Palestiniens d’avoir accès aux biens de première nécessité. Il s’agit là d’actes pouvant tomber sous le titre des crimes contre l’humanité, tels que définis par l’article 7. Et les attaques contre des hôpitaux sont proscrits par l’article 8 qui définit les crimes de guerre.
Un élément de proportionnalité
On notera toutefois, que sub 8, b, ix, une clause prévoit que des hôpitaux peuvent être visés comme cibles militaires. Et sub 8, b, iv fait entrer en ligne de compte un élément de proportionnalité, laissant entendre que des attaques contre des civils sont proscrites dès lors que les dommages infligés à la population civile excèdent clairement les avantages concrets et directs anticipés par les frappes.
Nous avons donc d’un côté des normes qui proscrivent certains actes et de l’autre des clauses qui tolèrent certains actes sous certaines conditions. Si sur le toit d’un hôpital se trouvent des lance-roquettes, l’hôpital peut être pris pour cible, non pas en tant qu’hôpital, mais en tant que base de lance-roquettes. Si la morale peut proscrire toute attaque contre un hôpital, le droit est plus nuancé et fait une distinction qui tient compte du droit d’auto-défense préventif.
Mais comme le dit le texte, les avantages militaires doivent être tels qu’ils justifient de manière claire les dommages et morts anticipés. Et c’est sur ce point que tout va se jouer: Les avantages militaires qu’Israël va tirer de ses attaques contre la bande de Gaza sont-ils tels qu’ils peuvent justifier les actes commis?
Si les responsables politiques israéliens acceptaient de se présenter à La Haye, ils devraient apporter une double preuve. Tout d’abord, ils devraient prouver que leur unique intention était de détruire le Hamas en tant que groupe terroriste. Ensuite, ils devraient prouver que les avantages à long terme justifient la mort de milliers de femmes et d’enfants qui se trouvaient comme prisonniers à l’intérieur de la bande Gaza.
Je doute fort que la deuxième preuve puisse être apportée. Car même si Israël réussit à tuer tous les combattants du Hamas, le groupe terroriste se reconstituera. Gageons que dans les camps du Hezbollah libanais ainsi qu’à de multiples autres endroits, la génération future est en train d’être formée. L’attaque contre Gaza donnera sans nul doute un moment de répit à Israël, mais n’effrayera aucunement ceux qui ont juré la destruction de l’Etat hébreu et qui rêvent d’une grande Palestine.
Mais quoi qu’il en soit. Si Netanyahu est convaincu de la justice de ses actes dans le cadre du droit public international, il devrait affronter l’opinion mondiale incarnée par les juges de La Haye. Ce droit international lui laisse la possibilité de justifier les actes commis par Tsahal dans la bande de Gaza – peut-être pas tous, comme l’attaque contre un véhicule, ou le refus de laisser les Palestiniens accéder aux biens de première nécessité. L’audition par les juges lui permettrait de prouver, s’il le peut, que l’intervention militaire n’était pas simplement un acte de vengeance aveugle, ne tenant pas compte du long terme, mais un moyen pour ramener la paix et le calme dans la région, et ce à long terme. Si la destruction du Hamas permettait aux Palestiniens de vivre librement et pacifiquement avec les Israéliens dans le cadre de deux Etats, et ce pendant des décennies, les morts civils victimes des frappes israéliennes seraient justifiés aux yeux du droit public international. Mais pas nécessairement aux yeux de la morale.
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