France / L’union de la gauche semble à peu près acquise
La perspective des élections législatives anticipées les 30 juin et 7 juillet prochains, sur fond de très forte poussée de l’extrême droite aux européennes, suscite dans les états-majors des partis une très forte agitation. Et beaucoup de questions sur leurs possibles alliances, pour tenir compte de la situation nouvelle ainsi créée par le président Macron, lequel devrait s’exprimer ce mercredi matin lors d’une conférence de presse.
C’est tout particulièrement vrai à gauche, où la crainte est vive de voir le Rassemblement national, surtout s’il reçoit le renfort du petit parti Reconquête, qui a tout de même obtenu un peu plus de 5% des suffrages, arracher une majorité absolue des sièges dans la future Assemblée, et son chef de file Jordan Bardella s’installer à Matignon. A quoi s’en ajoute une autre, corollaire: celle de voir son début de résurrection après le bon score de Raphaël Glucksmann se révéler n’être finalement qu’un feu de paille, en tout cas sur le plan parlementaire.
Or, ce double risque existe. Le RN est arrivé en tête sur 97% du territoire de l’Hexagone; et au scrutin non plus proportionnel désormais majoritaire qu’il s’agit d’affronter, fût-ce en deux tours, cela lui donne un avantage certain, pour ne pas dire considérable, dans bon nombre des 577 circonscriptions où il va avoir lieu dans moins de trois semaines. Les zones qui ont échappé à son emprise, de surcroît, ne sont pas toutes acquises à la gauche: à Paris par exemple, celle-ci n’est pas assurée, face à une présence des Républicains qui reste importante, d’être massivement bénéficiaire du „sursaut républicain“ auquel elle appelle.
Le rassemblement des gauches semblait pourtant difficile à imaginer jusqu’à présent, tant le fossé s’était creusé ces derniers mois entre La France insoumise de Jean-Luc Mélenchon et la gauche modérée, ainsi que les Verts, voire les communistes, tous repoussés par les prises de positions allant jusqu’à nier le droit d’Israël à l’existence, et dans une moindre mesure anti-ukrainiennes, de certains des membres de son entourage. M. Glucksmann, désormais la personnalité de gauche la plus en vue depuis son succès aux européennes, mais qui a fait l’objet de la part de la mouvance de LCI d’attaques basses et même antisémites durant la campagne, ne veut d’ailleurs toujours pas s’y rallier. Tout comme l’ancien premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve.
Face à „la montée du fascisme“
Pourtant, l’idée chemine, d’autant plus vite que les derniers dépôts de candidatures devront avoir eu lieu à la fin de la semaine. Et que les députés sortants de ces différents partis ont, entre temps, fait leurs comptes dans leurs propres circonscriptions: pour nombre d’entre eux, une multiplicité des candidatures de gauche au premier tour pourrait suffire à leur interdire l’accès au second.
Quand l’intérêt personnel peut se draper ainsi dans la défense de l’intérêt général face à „la montée du fascisme“, les divergences idéologiques, virulentes hier encore, ne demandent qu’à s’effacer: tout indique que le „Front populaire“ esquissé en début de semaine sera officialisé – quitte à devoir faire face localement à des candidatures de gauche dissidentes.
On a pu penser, un temps, que ce même souci de sauvegarder leur propre siège allait symétriquement pousser beaucoup de Républicains vers un accord électoral avec l’extrême droite, pour ne pas se retrouver, au soir du 7 juillet, en laissés pour compte de la vie publique. D’autant plus que le parti LR, même avant ces élections européennes où son candidat n’a recueilli qu’environ 7,5% des voix, n’était manifestement pas en bonne santé politique.
Ciotti: une manœuvre solitaire?
Une déclaration fracassante de son président, Eric Ciotti, a tout d’abord semblé, hier, confirmer ce virage. Il a en effet expliqué à la télévision que l’alliance avec le RN lui semblait s’imposer – bien entendu, point pour sauver des sièges (dont le sien dans l’ultra-droitière ville de Nice), mais pour „contribuer au redressement de la France“. Mais il n’avait pas sitôt fini son intervention qu’une cascade de réactions indignées tombait des rangs de l’état-major de son parti, puis d’élus connus ou inconnus, et de militants, réclamant sa démission, en rappelant que les Républicains se voulaient les héritiers du gaullisme. La manœuvre de M. Ciotti pourrait bien demeurer solitaire.
Marine Le Pen et Jordan Bardella avaient pourtant multiplié, depuis dimanche soir, les „mains tendues“ à „tous les patriotes sans exclusive“ pour tenter d’élargir encore leur assise électorale, proposant notamment aux députés LR sortants de ne pas leur opposer de rival. Il n’est pas exclu que ce discours prenne tout de même chez certains d’entre eux; mais dans l’ensemble, le tandem des chefs lepénistes pourrait bien devoir se contenter de puiser dans les réserves, modestes sans être nulles, de Reconquête, encore que, même là, une alliance formelle semble finalement improbable.
Il reste que, globalement, ces tractations fébriles, même si elles font évidemment partie de la démocratie, n’offrent peut-être pas aux électeurs un tableau bien flatteur du renouveau de la vie publique française auquel, toutes étiquettes confondues, ils semblent aspirer.
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