France / Macron peine à trouver un premier ministre
Avec la fin des Jeux olympiques va arriver celle de la „trêve“ décrétée par le président Macron, qui devait suspendre les joutes politiques jusque vers le 15 août. Quand il en avait fait l’annonce, peu de gens y croyaient: la crise semblait trop grave, trop profonde, pour pouvoir être ainsi mise en sommeil, fût-ce au profit d’une rencontre sportive mondiale dans la capitale française.
Finalement, cette trêve a quand même eu lieu, au moins en apparence. Les médailles françaises se multipliant au-delà de toute prévision, et la fête spectaculaire de l’ouverture des JO ayant remporté malgré quelques dérapages un réel succès populaire, l’attention de l’opinion s’est massivement reportée sur les compétitions, et, au-delà, sur tout le folklore qui entoure l’olympisme. Et cela d’autant plus que dans un climat pourtant menaçant sur le plan international, la sécurité des Jeux, des athlètes et des spectateurs, n’a pas semblé menacée.
Dont acte, et bravo à tous. Mais la cloche de l’actualité s’apprête à sonner la fin de la récréation. Et en apparence au moins, la France se retrouve en manque, non certes de médailles, dont l’abondance a même permis aux esprits les plus optimistes de célébrer le bel unanimisme populaire qui a entouré leurs titulaires, mais du moins de perspectives politiques nouvelles. Elle s’était endormie voici une quinzaine de jours dans la douce ferveur olympique, elle se réveille maintenant face aux mêmes incertitudes.
Non, pourtant, que celui qui a créé cette situation en dissolvant très prématurément l’Assemblée nationale, le président Macron, soit demeuré inerte face à ce qu’un facétieux élu des Républicains appelait récemment „ les conséquences de son inconséquence“. Car après avoir assuré sa présence lors de la parade inaugurale sur la Seine, puis s’être retiré dans la résidence d’été des présidents de la République, le fort de Brégançon (surnommé „l’Elysée-sur-mer“), au bord de la Méditerranée, il s’est ensuite consacré, discrètement mais activement, à la recherche de l’oiseau rare: un nouveau premier ministre. Lequel devait, dans son esprit, répondre en même temps à plusieurs critères peu faciles à concilier, c’est même un euphémisme.
Deux interdits
Il y a d’abord deux interdits: le Rassemblement national et La France Insoumise. S’agissant du premier, M. Macron a la logique pour lui: n’a-t-il pas lui-même appelé à la constitution d’un „front républicain“ pour empêcher le parti lepéniste d’arriver à Matignon? Mais c’est tout de même compliqué, puisqu’il s’agit là du premier groupe parlementaire au Palais-Bourbon (rappelons qu’il n’en faut pas moins de quatre au Nouveau Front populaire pour le dépasser) et du premier parti de France, notamment par le nombre de suffrages obtenu aux européennes puis aux législatives.
Mais le cas de LFI est encore plus délicat à contourner, dans la mesure où elle est alliée, au sein du NFP, à trois autres partis jugés, eux, surtout le PS et les Verts, et fût-ce sans grand enthousiasme à l’Elysée, comme regierungsfähig (la langue politique française manquant d’un adjectif vraiment approprié dans ce contexte si particulier). La candidate à Matignon désignée par la coalition de gauche, Lucie Castets, n’appartient certes pas à la mouvance mélenchoniste, mais elle a sans doute trop précipitamment et trop péremptoirement pris les devants, en assurant vouloir appliquer „tout le programme et rien que le programme“ comme l’exigeait le chef de file de LFI.
Reste le rêve récurrent de trouver une personnalité se situant quelque part entre la gauche socialiste modérée et la droite républicaine, et qui serait susceptible, au nom de l’intérêt général, d’arracher PS et Verts, voire Communistes, à leur soumission de plus en plus contestée à Mélenchon et ses outrances; mais aussi l’ensemble de la droite à cette trouble fascination pour le Rassemblement national et sa dynamique électorale. Une dynamique qui s’est évidemment quelque peu essoufflée face au réflexe du „front républicain“, mais qu’un prochain scrutin pourrait réveiller.
Prendre la barre du Titanic?
Des noms circulent, dont celui de Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France et gaulliste „social“, qui a une bonne expérience de la vie ministérielle et parlementaire. Mais le président du groupe DR („Droite Républicaine“, qui a succédé aux LR), Laurent Wauquiez, tout à ses ambitions présidentielles pour 2027 – et il n’est certes pas le seul, ni à droite ni ailleurs! – lui voue une détestation tenace. Par ailleurs, des personnalités trop directement issues du courant macroniste ne sembleraient aucunement incarner une forme même relative de cohabitation, à quoi tient tactiquement le chef de l’Etat.
On parle aussi, entre Brégançon et Paris, de quelques très hauts fonctionnaires „économiques“ plutôt classés au centre: l’ancien gouverneur de la BCE Jean-Claude Trichet, l’ancien ministre gaulliste Michel Barnier, le socialiste modéré et lui aussi ex-commissaire européen Pierre Moscovici, président de la Cour des Comptes, ou encore l’ex-chef économiste du FMI, Olivier Blanchard. Et de quelques autres personnalités honorablement connues de la société civile.
Le problème est que personne ne semble avoir envie de diriger un gouvernement sans vraie majorité, devant une Assemblée qui semble vouée à la dissolution dans moins d’un an, le tout sous l’autorité d’un président dont on dira avec beaucoup de modération qu’il n’est pas au mieux de sa forme. „Que voulez-vous, confesse un de ses proches, personne n’a grande envie, en ce moment, de prendre la barre du Titanic!“
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