Législatives / Le Nouveau Front populaire en campagne au Luxembourg: „Nous proposons une France plus joyeuse“
Depuis le Benelux, le Nouveau Front populaire veut „réveiller la France“ et transformer une grave menace sur le pays en espoir d’un changement radical.
Bruxelles la veille, Luxembourg le jour-même, et La Haye le lendemain. „Ce n’est pas un marathon mais un sprint“ que court Cécilia Gondard, candidate du Nouveau Front populaire (NFP) pour la 4e circonscription des Français de l’étranger (Bénélux), en vue des législatives françaises des 30 juin et 7 juillet. C’est le coup de dé tenté par le président de la République française qui en est la cause. Suite à sa défaite cinglante aux élections européennes, Emmanuel Macron a préféré faire parler d’autre chose en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale, expliquait la candidate lors de la réunion électorale au Café français de la place d’Armes mardi soir.
Délais hasardeux
En ne permettant que trois semaines de campagne, Emmanuel Macron espérait empêcher l’union des gauches. C’était oublier que celle-ci est unie depuis le deuxième tour des législatives de 2022, sous le sigle de la Nupes, et qu’en deux ans de législature, les liens se sont renforcés autour de chevaux de bataille qui forment la colonne vertébrale du projet commun ficelé en 48 heures, à l’issue du scrutin européen. Le rappel des votes sur les questions primordiales durant la législature vaut d’ailleurs argument de campagne: Renaissance, le parti de Macron, et le Rassemblement national (RN) se sont souvent retrouvés pour bloquer les idées portées par les partis de gauche sur la voie législative, que ce soit dans le domaine social (l’augmentation du Smic, la hausse du RMG français, le gel des loyers, la lutte contre les déserts médicaux, la taxe sur les logements) ou dans le domaine de l’écologie (interdiction du glyphosate, option végétarienne dans les cantines, prix planchers sur les prix agricoles), rappelait Cécilia Gondard à une assistance fournie.
En réduisant le délai avant le scrutin au minimum, Emmanuel Macron a surtout réussi à provoquer un casse-tête dans les locations de salles pour organiser la campagne et le vote. A Luxembourg, la salle de réception au premier étage du Café français offre toujours une option souple pour les rencontres politiques des Français de l’étranger. C’est depuis là qu’en 2017, le député socialiste sortant, Philip Cordery était parti en campagne, pensant sauver son siège en raccrochant le wagon macroniste. Il avait été défait par le jeune Pieyre-Alexandre Anglade, intronisé – et fasciné – par le président fraîchement élu. C’est là aussi que début 2019, s’était tenue la déclinaison luxembourgeoise du grand débat national, voulu par Macron, pour calmer le mouvement des gilets jaunes, qui avait marqué une première rupture avec le peuple.
Comme la salle de la Maison du peuple à Bruxelles la veille, où 450 personnes étaient venues pour 150 places disponibles, la salle du Café français était aussi trop petite pour contenir l’engouement. Une bonne cinquantaine d’électeurs étaient venus écouter et débattre. Dernier élu de gauche parmi les cinq conseillers des Français de l’étranger, l’écologiste Alexandre Chateau-Ducos a présenté les débats en rappelant que le NFP „n’est pas un groupement technique de partis comme certains peuvent le marteler“. „Les propositions sont concrètes, chiffrées, réalistes. On n’est pas des idéalistes ni des utopistes. On n’a pas à faire peur“, dit-il.
„Réveiller la France“
La campagne menée dans la circonscription s’intitule „Réveiller la France“. Elle signifie l’espoir que par leurs votes, les Français du Benelux envoient à l’Assemblée nationale des députés capables d’imprimer une nouvelle politique et surtout à défaire le Rassemblement national, bien plus répulsif pour les Français de l’étranger que pour les habitants de la France périphérique. Sa proposition de désavantager les binationaux ou ses propositions racistes les touchent personnellement, faisait remarquer Cécilia Gondard. C’est „une France démocratique, écologique et sociale qui a besoin d’apaisement et de répondre aux urgences écologiques et sociales“, qu’à l’inverse, elle défend.
Dans la circonscription Benelux, le Rassemblement national est à vrai dire plutôt faible. Certes, à la frontière entre la Belgique et la France notamment, Cécilia Gondard constate un même sentiment d’abandon traduit dans les urnes par le vote RN. Le programme du NFP qui prévoit un renforcement des services publics pour lutter contre le sentiment de déclassement, ne s’arrêtera pas aux frontières de l’Hexagone et aura aussi des retombées en termes d’ouvertures de bureaux consulaires. Dans l’ensemble, les électeurs sont plutôt pro-européens et très éduqués. Le principal rival est le député sortant de la macronie, qui avait réussi à sauver de peu son poste en 2022 (avec 55% des voix) contre la même candidate. Dans cette course à l’investiture, les sondages pourraient être un allié de poids. Les derniers en date montrent que le Nouveau Front populaire est le seul rempart au règne du RN. C’est bien le NFP qui talonne le RN, tandis que le parti présidentiel est loin derrière.
Sur le terrain, le Nouveau Front populaire doit néanmoins composer avec le rejet assez répandu du fondateur de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. C’est le résultat d’un travail de sape des médias dominants et de la macronie, mais aussi la conséquence d’une manière de concevoir la politique de l’ancien membre du Parti socialiste. Au matin du meeting à Luxembourg, dans Le Monde, le député insoumis, favorable à l’ouverture, François Ruffin déplorait que sur le terrain Mélenchon est devenu „un obstacle à une victoire de la gauche“. Dans la circonscription Benelux, c’est un refrain qui revient souvent aux oreilles de la candidate issue des rangs du Parti socialiste. Le sujet est revenu encore lors des débats au Café français. Cécilia Gondard a voulu rassurer, en rappelant qu’il y aura, en cas de victoire, un vote interne aux partis coalisés pour désigner un candidat au poste de premier ministre, qui ne soit pas „clivant“ – employant un terme souvent repris. Elle a aussi souligné l’éclosion d’une nouvelle génération qui se démarque des manières anciennes, pour ne pas dire idéologiques, de faire de la politique, qu’incarnent Mélenchon et François Hollande.
Franz Fayot conquis
Cécilia Gondard tenait davantage à faire passer le message d’une „gauche de gouvernement qui a l’habitude de faire des projets finançables“. La preuve en était d’ailleurs donnée avec Christian Eckert, secrétaire d’Etat au budget sous les gouvernements Valls et Cazeneuve durant la présidence de François Hollande (2012-17). Derrière les attaques sur la viabilité économique du projet se cache souvent une hostilité aux mesures proposées pour le financer. „La taxe sur les superprofits est indispensable quand on voit le montant des dividendes distribué dans les grandes entreprises. Nous avons besoin d’une révision de la fiscalité qui pèse sur 0,001% des plus riches du pays, les grandes familles qui possèdent jusqu’à des centaines de milliards d’euros, qui paient beaucoup moins d’impôts en proportion que celui juste au-dessus du salaire minimum“, a dit l’ancien secrétaire d’Etat, venu prêter main forte à la candidate pour le Benelux.
Le programme du NFP fait l’admiration de l’ancien ministre de l’Economie et député socialiste luxembourgeois, Franz Fayot venu rendre son soutien à la candidate venue soutenir à Sanem le LSAP pour les européennes. Il a noté que, dans les trois pays de sa circonscription, des partis de droite sont au pouvoir. Et même des nationalistes aux Pays-Bas et en Belgique, et un CSV qui y ressemble, quand, à l’occasion de la fête nationale, le premier ministre Luc Frieden a fait un usage immodéré du terme „nation“, a-t-il fait remarquer.
Face à cette droitisation, le Front populaire au Luxembourg reste à faire, même s’il était virtuellement constitué avec la présence, dans la salle, de Charles Margue („déi gréng“) et Claude Simon („déi Lénk“). Franz Fayot a espéré que le Nouveau Front populaire puisse „montrer la voie à la gauche européenne“. „C’est une vraie alternative à la doxa néolibérale. C’est un programme de rupture: on ne se contente plus de corriger l’excès d’un marché débridé, mais dessine des perspectives vers une société apaisée où l’humain est réconcilié avec la nature, avec un Etat planificateur fort“, a-t-il souligné.
Autrice du guide „Luxembourg pas cher“, Pascale Zaourou a rappelé que „ce que l’extrême droite propose, c’est son incapacité à parler d’autre chose que de l’immigration“. „Comme si nous Français, nous n’avions pas d’autre chose à penser“, a-t-elle poursuivi. Ce à quoi faisaient écho les mots de Cécilia Gondard: „Nous proposons aussi une France plus joyeuse. Macron a brandi la menace d’une guerre civile. Nous, nous portons un projet positif.“
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Depuis 2012, onze députés représentent les Français de l’étranger à l’Assemblée nationale. La 4e circonscription des Français de l’étranger est composée des Français du Benelux: à savoir 117.755 résidents en Belgique, 31.544 au Luxembourg et 24.685 aux Pays-Bas.
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