Festival / Paix, solidarité et vérité: une quinzième édition du CinEast entre urgence et festivités
Alors que Poutine mobilise les réservistes et, ce faisant, déclare la guerre à la démocratie, le CinEast fête, du six au 23 octobre, sa quinzième édition. Outre la Tchéquie, pays à l’honneur de cette mouture, le festival met l’accent sur le film et la culture ukrainiens – en guise de solidarité, mais aussi pour mieux nous aider à comprendre le contexte d’une guerre de plus en plus insupportable.
„Impossible de penser cette quinzième édition sans parler de la guerre“, explique Radek Lipka, le directeur du festival, qui précise qu’en tant qu’association apolitique, la question n’était pas tant de prendre parti – même si, au vu de la programmation, le parti pris est clair et que Lipka précise qu’un slogan officieux du festival pourrait être „paix, solidarité et vérité“, mettant l’accent sur la façon dont cette dernière est incessamment bafouée depuis au moins le début des hostilités en février –, mais de penser à ce qu’on peut, individuellement et collectivement, faire.
Pour les organisateurs, c’était clair: un festival du film d’Europe centrale et orientale a pour rôle, à travers sa programmation, non seulement de déclencher la réflexion, mais de montrer des œuvres permettant de mieux comprendre le contexte géopolitique et historique de la guerre.
Car même si on compte bien fêter un peu cette quinzième édition qui signale, comme l’indique Lipka, l’entrée dans une certaine et toute relative maturité, et si l’on peut se réjouir du retour en présentiel du festival (un volet digital permettra toutefois de suppléer au nombre limité de projections par film), on est bien conscient que ces festivités seront en demi-teinte, ce dont témoignera un film ukrainien projeté lors de chacune des 17 journées de festival – un focus encore renforcé par des concerts de deux groupes ukrainiens, des expos et plusieurs invités qui restent pourtant à être précisés, le voyage depuis l’Ukraine n’étant, comme on sait, loin d’être évident.
C’est ce que souligne aussi Claude Bertemes, directeur de la Cinémathèque municipale, qui se réjouit de voir le cinéma de „Mitteleuropa“ mis en valeur là où ce sont souvent les productions américaines ou d’Europe de l’Ouest qui ont le dessus – mais il s’agira aussi, précise-t-il, d’éviter les replis identitaires.
Eviter les replis identitaires
Et à regarder la cinquantaine de longs-métrages (plus 45 courts) programmés, l’on peut se rassurer sur ce point: en compétition, outre „R.M.N.“ de Christian Mungiu, une fiction en compétition officielle à Cannes sur une communauté roumaine déchirée par l’arrivée de travailleurs migrants, l’on aura le plaisir de découvrir „107 Mothers“ de Peter Kerekes, une docu-fiction qui évoque une prison de femmes à Odessa, „How is Katia“ de Christina Tynkevych, un long-métrage ukrainien sur une mère dont la vie sera bouleversée par un horrible accident, „Other People“ d’Aleksandra Terpińska, sorte de musical hiphop qui cerne la vie de jeunes Polonais mal dans leur peau, „Gentle“, d’Anna Eszter Nemes et László Csuja sur une bodybuildeuse qui veut gagner le concours de miss Olympia et qui, ayant besoin d’argent pour y participer, commence à travailler en tant qu’escort pour finir par tomber amoureuse d’un client, „Occupation“ de Michal Nohejl, où un officier russe débarque dans un théâtre et se croit tout permis, ou encore „Moja Vesna“ de Sara Kern, sur une famille slovène vivant en Australie.
Parmi les dix coups de cœurs de Radek Lipka et Hynek Dedecius, le directeur artistique, citons rapidement „Luxembourg Luxembourg“ d’Antonio Lukich, un long-métrage sur les péripéties loufoques de jumeaux ukrainiens au Grand-Duché (l’idée serait venue au réalisateur quand il était venu au Luxembourg avec son dernier film en 2019), le film de clôture, „The Happiest Man in the World“ de Teona Strugar Mitevska, présidente du jury, un film sur une femme qui rencontre un homme lors d’un speed-dating et qui découvre avec étonnement que cet homme ne cherche pas l’amour, mais le pardon, et „Zátopek“ de David Ondřiček, sur le mythique coureur tchèque qui avait déjà été au cœur de „Courir“, l’une des trois biographies romancées de Jean Echenoz.
Outre cela, signalons encore l’expo „Communities“, à Neimënster, thématique retenue avant le début de la guerre et qui a pris une autre tournure avec l’invasion russe, incitant les commissaires de l’expo à s’interroger non seulement sur le rôle des communautés dans une société de plus en plus individualiste, mais aussi, un peu comme dans les romans d’Antoine Volodine, sur la propension d’une communauté à nous sauver, physiquement et moralement. Enfin, finissons sur le beau programme caritatif CinEast4Ukraine dont le but sera d’acheter une ambulance équipée afin de l’envoyer en Ukraine.
Plus d’infos sur cineast.lu.
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