Exposition / „Paris 1874“: Au plus près de la perception
Le Musée d’Orsay ouvre ses portes sur les débuts de l’impressionnisme. Pour la première exposition d’artistes, en 1874, qui s’émancipe des conventions et des Salons. L’exposition „Paris 1874: Inventer l’impressionnisme“ revient sur cette période-clé, sur les circonstances qui ont amené une trentaine d’artistes à faire bande à part.
L’époque est à l’industrialisation, la vitesse, la peinture de plein air, l’affranchissement des codes. Dans cette profonde mutation sociétale, les sujets sont légion, pour faire de ce moment une avancée artistique. Au printemps 1874 est exposé, à la marge des académismes, un tableau phare de Monet, „Impression, soleil levant“ (1872). Le groupe de jeunes artistes, dont sept seulement sont alors considérés comme impressionnistes, regroupe, entre autres, Claude Monet, Edgar Degas, Alfred Sisley, Camille Pissarro, Auguste Renoir, Paul Cézanne, Berthe Morisot.
Un mouvement radical
„Impression, soleil levant“ de Monet évoque le port du Havre noyé dans la lumière, tout semble se dissoudre, ciel et eau sont mêlés, à une époque où la précision, la netteté, étaient encore de mise. Les touches morcelées, les couleurs claires et lumineuses, cette peinture de plein air, sont des tentatives de prise du réel. L’exposition a lieu dans l’ancien atelier du photographe Nadar, à une époque où également la photo, par d’autres considérations que la peinture, voulait restituer le réel, avec ce que cela supposait alors de tâtonnements dus aux temps de pose particulièrement longs et à des appareils assez lourds. Les artistes ici réunis voulaient saisir le réel par un médium différent. Le traitement de la vie industrielle, le port du Havre, par exemple, ce mélange d’eau et de lumière, les motifs qui semblent fondre sous la lumière, constituent un choc et sont objets de raillerie. Les critiques fusent. On ne peint pas ainsi, tout cela est déraisonnable, il ne s’agirait que d’un magma de taches colorées. On doit ce terme d’impressionnisme à un journaliste, Louis Leroy, qui a intitulé son article „l’exposition impressionniste“, pensant tourner en dérision un tel événement. Or l’impressionnisme, mouvement radical pour l’époque, n’a cessé d’influencer les générations d’artistes suivantes. Beaucoup s’en inspirent encore, comme si nous étions alors aux portes de l’abstraction. Couleur et sensation pure, à l’aune de la peinture, mise en abyme des sujets, comme autant d’instants éphémères saisis sur le vif.
Pour contextualiser cet événement, rappelons que Paris se relève de la guerre franco-allemande de 1870 et de l’insurrection de la Commune, l’année suivante. La reconstruction de la cité prolonge les transformations entamées au Second Empire, sous la direction du baron Haussmann, préfet de la Seine. En plein renouveau et dans le faste d’un Paris des affaires et des spectacles, se tient cette exposition impressionniste, dans l’ancien atelier du photographe Nadar. Les œuvres se côtoient sur deux niveaux, et, grande nouveauté, la visite peut se faire en nocturne, éclairée au gaz. Les artistes concernés se regroupent en Société anonyme de peintres, sculpteurs, graveurs. Quelque 200 œuvres sont sélectionnées par les artistes eux-mêmes, sans passer par la lourdeur et les sanctions d’un jury. De cette exposition, nulle archive, à part des témoignages écrits, dont ceux du critique Prouvaire: „Vous qui entrez, laissez tout préjugé ancien!“
Les sujets du quotidien
Les sujets font partie de la modernité, ainsi que la désirait Baudelaire dans l’Art romantique: „La modernité, cet élément transitoire, fugitif, dont les métamorphoses sont si fréquentes, vous n’avez pas le droit de vous en passer.“ Les scènes du quotidien seront ainsi évoquées, les paysages, un port industriel, un pique-nique, la vie des cafés, de la rue, le monde des danseuses, les petits métiers féminins, les divertissements à la campagne.
Les œuvres sont d’une variété étonnante, les artistes n’étant pas forcément liés par des préoccupations esthétiques communes, mais par un désir d’exposer et de vendre librement leurs œuvres. Peu d’œuvres trouvent des acquéreurs, mais ce sont celles de Renoir, Cézanne, Sisley, Monet.
Grand écart incroyable, car le 1er mai 1874, le Salon ouvre ses portes, avenue des Champs-Elysées. Sélectionnés par un jury, plus de 2.000 œuvres sont accrochées bord à bord, dans une saturation de l’espace. Elles traitent de sujets académiques, historiques, religieux, mythologiques. Elles se situent à une distance infinie de ce qui se joue chez les impressionnistes. Edouard Manet, soutien des impressionnistes, sera défini comme le libérateur de l’art moderne, lui qui, pour rendre ses sujets plus contemporains, éliminait les références mythologiques. Sa peinture, minutieuse, engagée, comme celle de Degas, fait de lui un peintre indépendant, et non un impressionniste. Les impressionnistes ne sont pas soumis à une méthode stricte et travaillent d’instinct, faisant confiance, après une éducation artistique, au regard, à une façon de voir naturellement. Autre détail: certains artistes ne rompent pas avec le Salon et présentent des œuvres pour les deux événements. Mais la nouvelle manière de voir le monde est bien là. Et chaque artiste, dans cette liberté nouvelle, suivra sa propre évolution. L’impressionnisme est inséparable du mouvement des idées de la fin du XIXe siècle.
„Paris 1874: Inventer l’impressionnisme“
Jusqu’au 14 juillet 2024
Esplanade Valéry Giscard d’Estaing
F-75007 Paris
Pour plus d’informations: www.musee-orsay.fr
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