Forum / „Paris est une fête!“ – Réflexions après une cérémonie d’ouverture grandiose des JO
Vous connaissez le livre d’Ernest Hemingway intitulé „Paris est une fête“? Sinon il est temps de vous y mettre. Car depuis la cérémonie d’ouverture des JO Paris 2024, il est redevenu d’une actualité brûlante. Il avait déjà regagné en notoriété, un peu tristement, hélas, à l’occasion des attentats de Paris (Charlie Hebdo, Bataclan, etc.) en 2015 quand il importait de montrer les aspects positifs de Paris afin d’éviter une dépression collective. Son livre, disponible en Livre de poche, avait connu une deuxième naissance, à l’époque.
Citation extraite de cette œuvre qui relate les années jeunesse de l’écrivain américain en question: „Si vous avez la chance d’avoir vécu jeune homme à Paris, où que vous alliez pour le reste de votre vie, cela ne vous quitte pas, car Paris est une fête“.
Eh bien le show gigantesque, censé célébrer l’ouverture des JO 2024, en constitue sans aucun doute une troisième naissance, sinon dans les librairies, encore que, mais au moins sur et au bord de la Seine, ce fleuve emblématique qui se faufile à travers Paris et qui était au centre de la cérémonie, comme une coulisse de théâtre naturelle, en cette fin d’après-midi de fin juillet, sous des trompes de pluie rarement vues. En quelques heures, la Seine s’est agrandie, comme un immense fleuve sillonnant le globe entier pour relier tous les pays de la terre, qui, hélas, ne va pas bien actuellement. Les 7.000 athlètes, venant de plus de 200 pays, ont défilé avec comme bande sonore, un répertoire international, de Lady Gaga à Juliette Armanet, et, chantant la paix mondiale, appelée par ses vœux, je parle de la chanson culte „Imagine“ de John Lennon, ma chanson fétiche. Le compositeur des Beatles aurait certainement apprécié ce moment de fraternité, où beaucoup de délégations de pays se côtoyaient: les Israéliens suivaient les Iraniens, les Américains côtoyaient la Corée du Nord etc. L’espace d’un moment, l’espace d’une soirée, Paris, tout d’un coup, n’était pas seulement une fête, mais également une trêve, voire un rêve … Et qui semblait mériter, subrepticement, ses autres qualificatifs, „Ville monde“ ou „Ville lumière“. Oui, les revendiquant presque!
Eh oui, que d’eau, que d’eau, des trombes d’eau n’ont eu de cesse de tomber: Malédiction ou bénédiction, va savoir! Mais quel spectacle extraordinaire, du jamais vu, rassemblant sportifs, anciens ou en activité, fonctionnaires du sport, politiques de nombreux pays, acteurs, danseurs, musiciens, chanteurs etc.
Les organisateurs avaient mis les petits plats dans les grands, ils ont vu grand, majestueux, brillant, époustouflant, ils n’ont pas lésiné à la dépense.
La tour Eiffel: à la fois coulisse et acteur
Et puis à part la Seine, comme coulisse, la tour Eiffel. Sa construction en 1889, à l’occasion de l’Exposition universelle, avait défrayé la chronique, véritable phare de la modernité, mais aussi comme un acteur, omniprésent. Classe tout simplement. Et à la fin du spectacle, cette tour est devenue de nouveau coulisse, pour le récital de Céline Dion, très malade apparemment, mais sublime ce soir-là, pour chanter l’„Hymne à l’amour“, comme une revanche sur le destin. Cette chanson, dont Edith Piaf avait écrit les paroles et qu’elle avait dédiée à l’homme qu’elle aimait, le boxeur Marcel Cerdan, décédé dans un accident d’avion en 1949.
Vendredi dernier, Paris a brillé de mille feux, face à un milliard (!) de téléspectateurs. D’ailleurs, comme pour beaucoup de compétitions sportives, regarder la télévision a été plus bonifiant que d’être sur place, pluie battante à part. La télévision, dont on ne cesse de prédire la mort prochaine, semble encore avoir de beaux jours devant elle. En effet, elle a rempli un rôle que, jusqu’à présent, les réseaux sociaux sont incapables à jouer. Elle a pu transmettre des émotions fortes, comme peuvent le faire les spectacles, sportifs ou culturels.
En effet, l’émotion m’a pris à la gorge en découvrant comme les cartes postales de la mémoire collective française. Ce fut un vrai récit national, allant de la célébration des grandes figures féminines françaises, de Gisèle Halimi, avocate militante féministe, battante de toutes les „bonnes“ causes, une vraie „insoumise“, à Louise Michel, écrivaine, militante anarchiste, franc-maçonne, une des figures emblématiques de la Commune de Paris. Sans parler des autres.
Le récit, également historique, fut maîtrisé, chapeau les responsables, et il nous a transportés dans la richesse du patrimoine français et de l’histoire souvent glorieuse de la France, allant de la Révolution française au baron Pierre de Coubertin, dont on attribue, à tort ou à raison, les paroles pour les JO et le sport en général: „l’important, c’est de participer!“ Sans exagérer, on peut dire que le génie français a parlé, et allons, pardonnons à nos voisins leurs excès de chauvinisme! Par ailleurs, on peut dire également que l’on a poussé au maximum le curseur de l’inclusivité. Dans le contexte politique actuel, il fallait oser!
Faut-il rappeler que tout cela s’est passé au moment où la France est plus divisée que jamais, ou le président de la République et son équipe viennent d’encaisser trois camouflets électoraux, d’abord à l’occasion des élections européennes, et puis, deux fois, pour les élections législatives. Et que pour l’instant, JO obligent ou pas, il n’y a qu’un gouvernement qui expédie les affaires courantes. C’est le bordel politique complet, du jamais vu. Et aucun gouvernement à l’horizon. Et tout ça à un moment où l’extrême droite a connu un pic historique.
Mais quel pied de nez vis-à-vis de l’extrême droite, des supporters de l’anti-wokisme et de l’exclusion, du dénigrement de personnes autres ou pas conformes à la norme (définie par qui, finalement?). Au Luxembourg, je pense bien sûr à l’ADR, sans parler de leurs bras prolongés, notamment les personnes qui viennent de déposer à la Chambre des députés une pétition affirmant que „l’introduction des thématiques LGBTQ+, à l’école, risque de perturber le développement psychopédagogique des enfants“. Je rêve, ou quoi? On va retourner au Moyen Âge? Donc il ne faudrait pas confronter les élèves avec la (une) réalité sociale. Il faut regarder ailleurs. Bien hypocritement, comme jadis!
Plutôt woke qu’anti-woke
J’aurais aimé voir la tête des (ir)responsables ADR quand ils ont vu les images de cette France métissée, qui a rappelé le „black, blanc, beur“, de l’équipe française de foot, victorieuse du Mondial en 1998, sous les yeux de votre serviteur. Comme à l’époque, il faut espérer que certains sont invités à manger leur chapeau (dictionnaire: „admettre publiquement que l’on s’est trompé ou que l’on a été vaincu, et donc accepter les conséquences de cet échec“). A moins qu’on veuille revenir en arrière … et de parler de la sexualité seulement à mots couverts, sous le contrôle d’un ayatollah, vive l’Iran. Tout en sachant que l’objet visé par la pétition est en fait une attaque contre l’éducation de la tolérance et l’acceptation de l’autre, comme il est.
Les responsables de la cérémonie se sont également amusés à faire télescoper différents univers. Par exemple, et notamment, réunir la chanteuse française la plus écoutée actuellement, Aya Nakamura, et la garde républicaine sur le mythique pont des Arts. Un merveilleux moment de communion nationale, loin des esprits rabougris (= retarder, entraver le développement, notamment d’un être vivant). Faut-il rappeler le „shit storm“, orchestrée par l’extrême droite, surtout les collègues de l’ADR au PE à Bruxelles, quand la nouvelle de la participation de la chanteuse a été évoquée. La maire de Paris avait prévenu: „La cérémonie sera à l’image de la France, pas étriquée, ouverte sur le monde, tolérante, inclusive, avec un esprit révolutionnaire.“ On n’a pas été déçu.
Le show fut éminent politique, plutôt woke qu’anti-woke. Explication: le „wokisme“, régulièrement vilipendé par le président de l’ADR dont j’ai oublié le nom, vise à mettre en œuvre des changements progressistes dans la société. Il trouve son origine notamment dans les manifestations du mouvement Black Lives Matter aux Etats-Unis, en 2014. Le terme „woke“ provient du verbe anglais „wake“, pour décrire un état „d’éveil“ face à l’injustice.
Dans un pays où l’extrême-droite a enregistré des résultats électoraux de plus de 30 pour cent dernièrement, la cérémonie fait figure de symbole de résistance face aux retours en arrière ou autres discriminations de toutes sortes. L’hommage aux héroïnes de l’histoire de France, déjà évoqué plus haut, ainsi que le respect dû à la culture „queer“ sont d’autres marqueurs de cette soirée mémorable. Explication: cette théorie est une théorie sociologique et philosophique qui postule que la sexualité et le genre d’un individu ne sont pas déterminés exclusivement par son sexe biologique, mais également par son environnement socio-culturel, par son histoire de vie ou par ses choix personnels. A la lecture de ces mots, certains au ADR doivent avoir la chair de poule … Tant pis pour eux!
Quelques couacs quand même
Il y a eu également quelques couacs ou interrogations. Le président Macron a été copieusement sifflé, quand, à la fin du show, il a déclaré ouverts, officiellement, les JO. Probablement, il faudra qu’il s’y habitue dans le futur. Par ailleurs, Bernard Arnault, un des hommes les plus riches de la planète, avec son groupe LVMH, comprenant notamment Louis Vuitton et autres fleurons de la mode française, a eu un traitement de faveur. Il a pu, contre un chèque de beaucoup de millions d’euros, placer son logo aux bons endroits, et ainsi faire main basse sur les JO, ce qui a dû faire grincer les dents du Comité olympique international. Il a pu faire un placement publicitaire en or, regardé par un milliard de téléspectateurs de par le monde. Qui fait mieux?
Le COI, une fois n’est pas coutume, a réussi à mettre à genoux les organisateurs et le gouvernement français. Ces derniers ont dû se plier aux désidératas imposés par cette organisation internationale, qui ressemble de plus en plus à une organisation clanique qui impose son modèle, sans avoir à rendre des comptes à personne. Avec la bénédiction de notre Grand-Duc, évidemment … Bonne pioche!
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