Affaire Dieschburg/Zhang / Pierre-Yves Gautier: „C’est le détail qui compte“
Le jugement rendu par le tribunal d’arrondissement le 7 décembre a provoqué autant de soulagement que d’incompréhension. Des experts étrangers nous aident à y voir plus clair dans ce jugement en matière de propriété artistique et littéraire rare au Luxembourg. Le professeur de droit privé à l’Université Paris 2-Panthéon Assas, Pierre-Yves Gautier, pointe du doigt plusieurs anomalies.
Le jugement rendu par la huitième chambre civile du tribunal d’arrondissement le 7 décembre a soulagé les uns et surpris les autres. En concluant que l’artiste Zhang n’avait pas réussi à démontrer que la photographie dont s’était largement inspiré Jeff Dieschburg pour son diptyque „Turandot“, faisait preuve d’originalité et donc qu’il ne pouvait y avoir violation de droit d’auteurs, le jugement a soulagé ceux qui pensaient que le jeune artiste trouverait là enfin le repos après avait été exposé aux moqueries et, bien plus grave encore, aux menaces. Mais le jugement a aussi surpris ceux pour qui il était entendu qu’il s’agissait d’une contrefaçon et qui s’inquiètent du précédent que pourrait créer une telle décision. Tant du côté des artistes et notamment de l’Association des artistes plasticiens du Luxembourg que des organismes de droit d’auteur, on phosphore à se forger une opinion.
S’intéresser de plus près à la question, c’est entrer dans une discipline, le droit de la propriété littéraire et artistique, qui est marqué par une grande dose de subjectivité. La faute au concept central d’originalité difficile à apprécier. „La délimitation de la frontière est largement subjective et soumise, s’il y a procès, aux talents de conviction de l’avocat et aux impressions du juge – relevons-le immédiatement, ceci est le vice fondamental de notre discipline“, écrit le professeur en Droit privé à l’Université Paris 2-Panthéon Assas, Pierre-Yves Gautier, dans un ouvrage sur la propriété littéraire et artistique (aux éditions LGDJ). Son ouvrage est une telle référence que son auteur est en mesure de regretter qu’il ne soit pas mentionné dans le jugement de l’affaire Dieschburg/Zhang.
Charge de la preuve inversée
En la matière, au nom de l’égalité entre auteurs, le juge ne doit pas juger le mérite ni la destination. „L’on ne saurait s’en remettre à l’appréciation subjective du juge, pour estimer, dans chaque espèce, si l’œuvre est géniale ou si elle ne vaut décidément rien; tel tribunal peut estimer que le peintre Jackson Pollock était un fumiste, tel autre, que c’est un nouveau Rembrandt, que Pierre Boulez faisait du bruit, ou qu’il atteint des sommets mozartiens“, lit-on encore dans son ouvrage. Mais le juriste s’interroge sur l’efficacité de ce critère négatif, alors que le juge est libre d’utiliser le critère d’originalité à sa guise. De là, en ressortent des jugements pouvant prendre des directions contraires. „Si l’on effectue un rapide survol de la jurisprudence, force est de noter, au-delà du pittoresque, son caractère excessivement hétéroclite; hantés par la crainte d’être taxés de tenir compte du mérite, les juges se libèrent en revanche dans l’appréciation de l’originalité, se montrant parfois désespérément libéraux, parfois, plus stricts, sans que l’arrêtiste puisse dégager une ligne d’ensemble véritable“.
Placé devant la photo de Zhang et la peinture de Dieschburg, Pierre-Yves Gautier constate qu’il s’agit là „pratiquement d’une copie conforme“. „Et il est classique comme je l’ai expliqué de mon livre, d’invoquer l’absence d’originalité“, constate-t-il d’abord. Par contre, il considère comme une „première anomalie“ que le juge ait estimé que c’était à l’auteur plagié de prouver que son œuvre est originale plutôt qu’au défendeur de prouver que l’œuvre copiée est banale. „La position que j’ai prise qui me parait le plus naturel au regard du droit du procès et des règles sur la preuve, c’est que c’est au défendeur de prouver que l’œuvre, à partir du moment où il a recopié l’œuvre, n’est pas originale.“
Dans son jugement, le juge Hannes Westendorff, après que la défense a objecté que la photographie litigieuse n’avait rien d’original et relèverait de l’imitation du style d’œuvres du XIXe siècle, avance que „lorsque la protection au titre du droit d’auteur est contestée en défense, l’originalité d’une œuvre doit être explicitée et établie par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.“ L’artiste a notamment défendu „un travail particulier sur le choix des couleurs, l’éclairage, le positionnement, le maquillage et les vêtements du modèle ou encore l’ajout d’un bouquet de fleurs au coloris en contraste avec le reste du portrait“. Le juge a estimé qu’il s’agissait que d’affirmations générales, non étayées par des éléments précis, que cela ne permettrait pas au tribunal de connaître son effort personnel de création.
Dans son ouvrage, Pierre-Yves Gautier dit d’ailleurs que la définition de l’originalité étant très abstraite, „l’on doit tâcher de mieux cerner l’originalité par son antonyme; la banalité, qui consiste en la reprise, par un auteur prétendu, de matériaux artistiques connus de tous, souvent déjà employés auparavant par d’autres et qui, n’appartenant à personne, sont le bien de tous.“ Il faudrait ainsi établir des antériorités pour documenter la banalité de la photographie.
„Il faut déterminer par rapport à ce qui existe déjà, mais pas seulement des portraits de jeunes femmes avec un bouquet de roses. Parce que de cela, effectivement, il y en a depuis le XVe siècle“, nous explique-t-il au téléphone. Il faudrait retrouver „ce type de portrait de jeune femme avec les détails qui sont les siens: le regard, le dos nu, le chignon, la cape avec un rebord blanc, la jeune femme de dos avec un bouquet (de roses et non de dahlias), le côté japonisant“, énumère le professeur. „S’il n’y en a pas, l’originalité est établie.“ Ainsi, les books présentés en défense doivent être en relation étroite non seulement avec le thème, mais aussi avec les détails. Or, on apprend à la lecture du jugement que la défense a fourni de nombreuses copies de peintures et photographies illustrant des poses très similaires à celle prise sur la photographie litigieuse, dont se sert le juge pour ne pas reconnaître l’originalité de la pose. Mais cela ne suffit pas selon le professeur. „Si vous avez une marquise du début du XXe siècle avec un bouquet de glaïeuls et le dos relativement nu, ça ne retirera pas l’originalité. Ce n’est pas le thème, c’est le détail qui compte. C’est cela l’originalité.“
Et si ce sont les détails qui sont importants, c’est que l’originalité est toujours relative. „Il est extrêmement rare que vous ayez un tableau, une musique ou un scénario, qui soit entièrement original. Chacun emprunte un peu à une sorte de fonds commun“, observe le professeur.
Dans son livre, Pierre-Yves Gautier estime que lorsque l’originalité n’est pas reconnue, outre l’appel, il existe aussi un autre recours, l’acte de responsabilité civile, contre ce qu’on appelle l’agissement parasitaire, défini comme „l’utilisation illégitime et intéressée d’une valeur économique d’autrui fruit d’un savoir-faire et d’un travail intellectuel, lorsque cette valeur n’est pas protégée par un droit spécifique.“ Le cas qu’on lui présente le mène à la même réflexion. „Est-ce une faute de recopier à l’identique même si elle n’est pas originale?“, interroge Pierre-Yves Gautier. „La question se pose, ce n’est certainement pas moi qui vais donner la réponse.“
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„qui est marqué par une grande dose de subjectivité.“
Bei engem ähnlechen „Fall“ vun Kopéieren huet den Ad. Deville (+) mer eng Datz gin.
et muss een keen Konschtkritiker sin fir ze gesin dat et bal eng copie conforme ass. Kapprësel.
Ein Freibrief für Kopien demnach …
Eine Anleitung: Spiegelverkehrt, Chroma und Farben veränderen, und…sonnst gar nichts !
Doch: ein guter Anwalt und Luxemburger Rechtsprechung.
„Charge de la preuve inversée“ ad Absurdum.
Do wor dach nach een deen gudd as mat COPY/PASTE.